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Interview avec Yasmina Benslimane : La voix de la jeunesse marocaine pour les droits des femmes et la question de la migration


Rédigé par le Vendredi 31 Mars 2023

Les droits des femmes et la question de la migration sont deux sujets majeurs qui suscitent de nombreux débats et préoccupations à l'échelle mondiale. Bien qu'ils soient souvent traités de manière distincte, ces deux enjeux sont en réalité étroitement liés, car les femmes représentent une proportion importante des migrants et sont souvent exposées à des risques spécifiques tout au long du processus migratoire.

Dans ce contexte, il est important de donner la parole à celles et ceux qui s'engagent pour défendre les droits des femmes et des migrants, afin de mieux comprendre les enjeux auxquels ils sont confrontés et les solutions envisagées pour y répondre.

Dans cette optique, nous avons eu l'opportunité d'interviewer, Yasmina Benslimane, une jeune militante marocaine qui se bat pour les droits des femmes et s'investit également dans la question de la migration. Dans cette interview, nous avons discuté de ces sujets importants et des actions concrètes qu'elle mène pour faire avancer ces causes.



Yasmina Benslimane, une jeune militante marocaine, se bat pour les droits des femmes ainsi que pour d'autres causes telles que la politique, les relations internationales, la migration et les droits de l'homme. Bien que ces domaines d'intérêt soient distincts, elle réussit à les combiner habilement dans ses différentes initiatives, notamment dans la création de son blog "Politics 4 Her" en 2017. Ce dernier a pour objectif d'encourager la participation active des femmes en politique. Avec sa plateforme, Yasmina Benslimane combat les stéréotypes qui entravent les femmes et encourage leur participation active dans la société civile, la politique et les postes de direction, dans le but d'inspirer d'autres femmes. Son équipe de bénévoles provient de différents pays et elle a récemment sélectionné une vingtaine d'ambassadeurs qui seront formés pour développer leur leadership. En tant que citoyenne du monde, elle est passionnée et très engagée dans la lutte pour les droits des femmes à différents niveaux, étant une « Jeune Leader » pour Women Deliver, une organisation qui promeut l'égalité des sexes, et soutenant également l'autonomisation des femmes en plus de sa lutte pour une plus grande participation politique des femmes.

  • Pouvez-vous vous présenter en quelques lignes ?
Je m’appelle Yasmine Benslimane, je suis née et j’ai grandi au Maroc, j’ai quitté le Maroc quand j’avais 18 ans pour poursuivre mes études. Donc j’ai vécu en France, en Espagne, au Costa Rica pour mes études. J’ai fait un bachelor en sciences politiques et relations internationales et un master en droit international et résolutions de conflits et actuellement je suis en train de finir un master migration forcée protection des réfugiés, et je me concentre sur les pays du sud et sur la question du genre.

Et je suis aussi en train de faire un programme avec Harvard Kennedy School sur le leadership l’organisation pour être leader du changement. Et je suis depuis cinq ans basée aux Etats-Unis, maintenant je vis a Porto Rico dans les caraïbe depuis un an, je travaille en tant que consultante féministe pour des organisations internationales en particulier les Nations Unies, et des organisations féministes. Je suis aussi une women empowerment coach, donc j’aide les jeunes femmes à lancer leur carrière professionnelle, et aussi j’aide sur la question du développement personnel, et je suis une activiste féministe.
 
  • Qu'est-ce qui vous a inspiré à vous engager dans la lutte pour les droits des femmes? Et comment est né cet engagement pour lutter contre les stéréotypes liés aux femmes ? 
Ce qui m’a inspiré à lutter pour les droits des femmes en particulier au Maroc, c’est que mes parents ont divorcé quand j’étais très jeune, j’avais six ans, j’ai été témoin de violence conjugale et ma mère nous a élevé seule pendant des années, donc j’ai vu comment la société pouvait être injuste à l’égard des femmes célibataires, et la loi en particulier. Donc j’ai vu comment ma mère s’est battue pour pouvoir nous fournir la meilleure éducation et toutes les choses dont on pouvait rêver. Elle m’a aussi appris à très humble, et on a passé beaucoup de temps dans des zones rurales et à traiter n’importe quelle personne comme notre égal. Et aussi vivre au Maroc et grandir au Maroc et aussi voir pas mal de pauvreté et voir pas mal de problèmes sociaux surtout à l’égard des femmes.

Donc vraiment je voulais changer cette vision et faire de mon mieux pour lutter au nom des femmes du Maroc et d’ailleurs.
 
  • Comment pensez-vous que les femmes peuvent être mieux incluses dans la politique et la société civile au Maroc?
Alors avant qu’on parle d’inclusion politique et de société civile au Maroc, je pense qu’il  y a beaucoup de barrière qu’on doit surmonter notamment l’accès à l’éducation, les violences à l’égard des femmes en particulier par exemple le travail forcé pour les petites filles, à l’exemple serait les petites bonnes, ensuite on a aussi les grossesses forcées, les violences conjugales à l’égard des petites filles et des femmes en particulier les viols qui sont très commun. Il n’y a pas l’accès à l’éducation reproductive et sexuelle ou à l’éducation sexuelle en général.

Donc avant qu’on puisse penser à l’inclusion par la politique et dans la société civile, on doit vraiment surmonter tous les challenges au niveau de notre société en ce qui concerne l’intégration des filles et des femmes aussi dans le milieu du travail. Il y a beaucoup de choses pour moi avant de penser à inclure mes femmes en politique, il y a beaucoup de choses à surmonter.
 
  • Quels sont les principaux défis auxquels les femmes sont confrontées lorsqu'elles cherchent à s'engager dans la politique ?
Ensuite, une fois que les femmes par exemple ont accès à l’éducation, ont l’opportunité de s’engager dans le milieu politique, là il y a beaucoup plus de barrière. 

Une des barrières principales c’est que la politique c’est un milieu qui est très dominé par les hommes, donc c’est très dur de s’engager parce que ce domaine est déjà dominé par les hommes. Se faire une place c’est vraiment difficile. Ensuite par exemple l’opinion publique et les médias n’aident pas, on sait que les femmes sont souvent jugées sur leurs apparences plutôt que sur leurs compétences et leurs potentiels.

Ensuite, il y a aussi les mentalités, les femmes ne sont pas vues comme capables d’être leader, comme capable d’être engagée dans la politique parce que selon les mentalités, elles devraient être à la maison, s’occuper des enfants, fonder une famille et ainsi de suite. Et ça arrive souvent, s’il y a un couple les deux sont dans le milieu du travail et qu’ils décident d’avoir des enfants, c’est la femme qui va arrêter sa carrière pour pouvoir d’occuper des enfants par exemple.

  • Comment les droits humains peuvent-ils être protégés et renforcés pour les femmes au Maroc?
Alors, pour que les droits humains soient protégés et renforcés pour les femmes au Maroc, on a déjà un grand travail législatif à faire, il y a énormément des lois qui sont archaïques, sexistes et misogynes à l’égard des femmes qui ne les protègent pas. 

Par exemple la loi 490 qui criminalise les relations hors mariage, si une femme se fait violer qu’elle veut aller porter plainte, il y a des cas où elle sera envoyée à la prison parce qu’elle a eu une relation hors mariage et c’est comme ça que ça va être perçue. Donc, pour moi, déjà de un, il faut faire un gros travail législatif sur le code pénal, sur le code de la famille aussi. Ensuite les mentalités, les mentalités doivent changer, et ce changement se fera automatiquement avec un changement de la loi.

Le troisième point que j’aimerai faire c’est au niveau de l’éducation, si c’est inclus dès que les personnes sont jeunes, dès l’enfance, ça va être beaucoup plus facile de s’assurer que les droits des femmes sont protégés et renforcées surtout en s’assurant que les garçons et les hommes font partie de la solution. Et je dis toujours que la vie c’est plus déconstruire ce qu’on a appris qu’apprendre de nouvelles choses.

Donc, il y a beaucoup de choses à déconstruire dans les mentalités et dans la société.
 
  • Comment les médias peuvent-ils contribuer à sensibiliser le public aux questions de droits des femmes, de migration et de droits humains au Maroc?
Alors, les médias déjà, elles devraient s’assurer d’utiliser les bonnes terminologies, mais aussi d’amplifier les histoires et par exemple comme ce que vous faites maintenant de me mettre en avant, je pense que c’est très important. Mais aussi, au Maroc en tout cas je vois beaucoup de  médias, je ne vais pas citer les noms, qui font limite de la propagande qui mettent tout sur le dos de l’Algérie, que tout est un complot contre la France et donc ils alimentent de la haine et aussi sur les termes migratoires. Donc je pense que c’est de moins en moins étique. Donc je pense que les médias fassent un effort, vraiment de faire en sorte d’utiliser les bonnes terminologies, de ne pas montrer les femmes comme des victimes ou les migrants comme des gens qui vont venir voler le travail des marocains et que ça va être une invasion.

En fait vraiment faire un travail, d’abord des messages beaucoup plus positifs au lieu d’alimenter de la haine.

  • Quels sont vos projets et vos espoirs pour l'avenir de la lutte pour les droits des femmes et les droits humains au Maroc et dans le monde?
Alors Politics4her, on continue de faire plusieurs projets, on a plusieurs langues, on a l’Afrique. Donc on a fini le projet pendant quatre mois, on a accompagné douze jeunes femmes au Maroc y compris des refugiés où on leur a donné des formations sur les droits de santé reproductives et sexuels, l’avortement, la violence basée sur le genre et les questions comme ça. Et donc, on va continuer de faire ce travail en dehors des réseaux sociaux mais aussi sur les réseaux sociaux. Mais en gros, pour moi ça va continuer, ça va pas changer, on essaie de légaliser l’avortement dans les cas de viol, d’inceste et de danger à la santé de la mère. Donc, on va continuer cette trajectoire aussi.
 
  • Vous avez aussi un master en études sur la migration et les réfugiés, quel est votre avis sur les politiques internationales actuelles en matière de migration?
Alors, mon avis sur les politiques internationales en matière de migration, c’est que malheureusement les pays qui accueillent le plus de réfugiés sont des pays du sud donc comme le Liban, le Jordanie, la Turquie. Il y a beaucoup de stéréotypes selon quoi les migrants et les réfugiés de plus en plus présents en Europe et en Amérique du Nord et donc, dans les pays du nord.

Et il y a beaucoup de stéréotypes aussi à l’encontre des migrants, on a vu récemment avec le Tunisie, le président tunisien qui a fait exemple de racisme et c’est quelque chose qu’on a aussi au Maroc.

Donc pour moi, les politiques internationales actuelles pour beaucoup sont racistes. Alors que beaucoup de personnes, surtout les réfugiés ou des demandeurs d’asiles fuient des conflits qui ont été créés par les pays du nord, donc c’est ironique, je pense qu’il y a beaucoup de travail à faire pour être plus acceptant, plus tolérant et surtout se concentrer sur des migrations safe.

  • Comment les femmes peuvent-elles être encouragées à occuper des postes de leadership et de direction dans leur domaine d'activité ?
Alors, pour que les femmes soient encourager à occuper des postes de leadership et direction dans leur domaine d’activité. A mon humble avis, c’est la mission de ma vie, c’est de leur faire réaliser que tout le potentiel qu’elles ont, il est à l’intérieur d’elle-même, et qu’elles doivent juste avoir confiance en elles. Et ça, ça peut commencer de très jeune, ça peut s’appliquer dans n’importe quel milieu, ça peut être des femmes dans le milieu rurale ou que ça soient des femmes qui sont déjà titulaire de diplôme, je pense qu’il faut leur donner la confiance et leur pousser à avoir confiance en elle-même. Et leur donner les ressources dont elles ont besoin pour pouvoir être dans des postes de leadership.
 
  • Selon vous, comment les médias peuvent-ils jouer un rôle dans la promotion d'une image positive des femmes et de leur participation active à la société ?
Il faut amplifier les profils, you need to picture women as change makers, par exemple même quand il s’agit des réfugiés ou des femmes migrantes, il faut les montrer comme des personnes actives dans la communauté, il ne faut pas les montrer comme des victimes ou comme des fardeaux, il faut les montrer comme des actrices de changement, donc pour moi, ça c’est hyper important les médias, c’est vraiment clé, car ils influencent l’opinion publique. Et si on influence l’opinion publique on va briser les stéréotypes, donc c’est tellement important que les médias jouent un rôle positif dans ça. 

Alors, comme j’ai dit au sujet des exemples concrets de l’impact positif on a fait women full leadersgip project où on a entrainé douze jeunes femmes sur les questions de santé reproductive et sexuelle young feminist scholars Program, donc, je suis en train d’entrainer un groupe de huit jeunes femmes qui sont actuellement en cursus universitaire, dans des universités américaines et je les entraine à apprendre à faire une analyse féministe intersectionnel et en même temps une analyse politique et comment écrire policy briefs. Donc on va partager des policy brief dans les prochains mois. Ensuite, bien sûr au niveau de notre communauté, on fait des trainings, donc tout le monde au sein de Politics4her est leader.

Et d’ailleurs la plupart des feedback que j’ai eu au sein de notre team c’est qu’on a un environnement extrêmement positif et très encourageant plein de sister hood et de wemenempowerment, et il y a beaucoup de filles qui m’ont déjà appris plus que n’importe quelle expérience que j’ai eu. Ensuite bien sûr par le biais des réseaux sociaux, on ouvre sur des contributions sur notre blog, donc pour ça on ramène des femmes du monde entier.

Comme j’ai dit on a 6 hubs, le hub global, le hub Afrique, le hub Europe, le hub d’Asie…Donc a un impact mondial et global où les jeunes femmes sont vraiment en train de se former et d’investir en elles même.

  • Comment votre plateforme aide-t-elle à inspirer les femmes à participer activement à la société civile et à la politique ?
La plateforme est utilisée comme outil pour lutter contre autre forme de discrimination, comme racisme et xénophobie justement, parce que notre féminisme est intersectionnel. Donc, pour nous, c’est très important ces questions racisme et xénophobie on utilise ça tout le temps, d’ailleurs par exemple hub africa vient de faire un post sur comment la beauté a été colonisée, les standards de beauté sont colonisés et la perception de la beauté est colonisée. 

Donc, ce sont des thèmes que l’on couvre déjà, et aussi si vous allez voir les blogs, on a déjà fait beaucoup sur ces thèmes, d’xénophobie, de racisme etc.. Parce que notre féminisme est intersectionnel aussi simple que ça.
 
  • Quels sont vos projets pour l'avenir de votre plateforme et comment voyez-vous son rôle dans la promotion de l'égalité des sexes et de la participation active des femmes à la vie publique?
Alors pour les projets pour l’avenir, c’est que Politics4her soit dans chaque pays du monde et qu’on continuer notre impact positif et par exemple, on dit pas la promotion de l’égalité des sexes, on dit de l’égalité des genres pour être inclusif. Mais on va continuer à faire des programmes qui vont être locaux mais aussi régionaux, que ça soit sur le Maroc, on a aussi envie de faire le Maghreb l’Afrique au niveau continental vu qu’on a déjà des hubs dans d’autres part du monde, on a vraiment le choix, mais on veut continuer à trainer et former les jeunes femmes sur plusieurs questions, question des leadership, question de santé reproductive et sexuelle et sur plusieurs questions pour leur donner les ressources dont elles ont besoin pour pouvoir être active dans la politique mais aussi dans le leadership.

  • Quels sont les conseils que vous donneriez à une jeune femme qui souhaite s'engager dans la lutte pour l'égalité des sexes et encourager d'autres femmes à participer activement à la vie publique ?
Je conseillerai à n’importe quelle femme qui veut s’engager de soit rejoindre une organisation menée par les jeunes, j’insiste sur ça parce que pour moi, la jeunesse n’est pas juste le future mais c’est le présent, donc soit tu rejoins une association pour une organisation, soit au Maroc soit au niveau régional ou au niveau continental ou international ou tu crées ta propre initiative, quelque chose est très important c’est les réseaux sociaux, ils peuvent être utiliser pour rapporter le changement dans la vraie vie.

On l’a vu depuis 2011 avec la révolution de la Tunisie ou comme on appelle le printemps arabe, on a vu que les jeunes ont utilisé les réseaux sociaux pour se mobiliser, pour apporter du changement, pour rapporter des valeurs démocratiques, pour aussi lutter pour l’égalité des genres.

Donc je dirai engage toi soit à travers une association, soit créée ta propre association, ton propre projet soit par le biais des réseaux sociaux tu peux joindre Politics4her , et je veux dire que chaque voix est importante, chaque histoire est importante, que la politique est personnelle, donc ça vient par le biais d’une histoire ou d’un vécu. Donc il est très important qu’on soit représenté dans toute notre diversité et qu’on oublie personne, je pense que c’est important d’avoir aussi un féminisme intersectionnel pour encourager toutes les femmes, donc les femmes dans le milieu rural, les femmes réfugiées, les femmes handicapées vraiment n’oublier et ne laisser personne derrière

En conclusion, cette interview avec Yasmina nous a permis de mieux comprendre les enjeux liés à ces sujets cruciaux et de découvrir les initiatives mises en place pour y répondre.

Nous avons eu la chance d'entendre son point de vue et de découvrir les actions concrètes qu'elle mène pour promouvoir la participation active des femmes dans la société civile et politique, ainsi que pour protéger les droits des migrants.

Nous la remercions chaleureusement pour avoir partagé son expérience et ses connaissances avec nous, et nous espérons que cette interview pourra contribuer à sensibiliser à ces questions importantes et à encourager l'engagement pour les droits des femmes et des migrants.


Salma LABTAR





Salma Labtar
Journaliste sportive et militante féministe, lauréate de l'ISIC En savoir plus sur cet auteur
Vendredi 31 Mars 2023

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