- Pouvez-vous présenter en quelques lignes ?
J'ai 31 ans et je travaille dans le milieu du conseil. Je suis née et j'ai grandi à Casablanca, puis je suis allée en France pour mes études, où j'ai passé une bonne partie de ma vie adulte. À mon retour au Maroc, j'ai été déstabilisée par certains comportements sexistes, que je ne percevais pas autant lorsque j'étais plus jeune. C'est ce qui m'a poussée à m'engager.
- Pouvez-vous nous présenter brièvement le mouvement "Kouni Mra" et son objectif principal ?
Kouni Mra est un mouvement de sensibilisation contre le sexisme institutionnalisé. Institutionnalisé parce qu'il est présent dans nos lois, dans nos institutions est bien imprégné dans notre société. J'ai constaté que beaucoup de femmes autour de moi s'en indignaient également, sans savoir comment agir, et parfois en ayant très peu d'espoir que les choses changent. Le but de la page est de redonner espoir à ces femmes, et de militer pour nos droits et libertés fondamentales.
- Quels sont les principaux défis auxquels les femmes marocaines sont confrontées en termes de sexisme institutionnalisé ?
Le premier défi est selon moi celui de la loi, en particulier le code pénal et la moudawana (code de la famille), qui regorgent d'articles sexistes, misogynes et nous privent de nos libertés fondamentales. On peut citer plusieurs exemples : la tutelle de l'enfant qui est réservée au père, la perte de la garde de l'enfant en cas de remariage de la mère, l'autorisation de la polygamie, le mariage des mineurs (qui concerne en grande majorité les filles), l'absence de liberté de disposer de notre corps à travers l'interdiction de l'avortement, la pénalisation des relations sexuelles hors mariage (qui a des conséquence surtout sur les femmes, notamment en cas de viol et/ou de grossesse hors mariage), et j'en passe... Espérons que certaines de ces dispositions changent à l'occasion de la réforme annoncée de la moudawana.
Un autre défi est celui des mentalités de certains et du poids de la société. La conception patriarcale de la société se manifeste partout, de l'école au milieu du travail, en passant par la cellule familiale, et va même jusqu'au système judiciaire. Elle se manifeste à travers plusieurs phénomènes très divers : l'obsession pour la virginité féminine, le harcèlement de rue, la clémence des juges dans les affaires de viol, etc.
- Comment le mouvement "Kouni Mra" sensibilise-t-il et mobilise-t-il les individus pour lutter contre ces formes de discrimination et promouvoir les droits des femmes ?
Cette sensibilisation passe par des posts informatifs et qui poussent à réagir. L'idée est d'informer les Marocains sur tous les dispositifs sexistes qui existent, que ce soit des dispositifs tangibles et flagrants (la loi) ou des phénomènes plus inconscients (le patriarcat). Je me suis aperçue que plusieurs personnes ignoraient l'étendue du sexisme de nos lois par exemple, l'idée est donc en premier lieu de les informer avec précision, puis de les faire réagir. Parfois mes posts peuvent être un peu plus provocants, lorsque j'estime être en face d'une situation profondément injuste.
Par ailleurs, nous faisons souvent des actions collectives avec les autres militant.e.s marocain.e.s, qui portent leur fruit. Nous avions par exemple rappelé à l'ordre une salle de sport qui refusait les femmes en brassière sous prétexte qu'elles empêchaient les hommes de se concentrer (alors même qu'ils affichaient des femmes en brassière dans leurs publicités). Nous nous étions également indignés contre un hôtel qui refusaient les femmes marocaines célibataires, ou encore un restaurant qui avait refusé l'accès à une femme voilée. En général, ces posts font le buzz, et ces établissement reviennent sur leur décision et vont même jusqu'à présenter leurs excuses.
- Quels sont les types de violences faites aux femmes les plus fréquents au Maroc et comment le mouvement travaille-t-il pour les combattre ?
Malheureusement il existe une multitude de violences auxquelles sont confrontées les femmes marocaines. Il y a les violences légales et judiciaires, les violences conjugales, les violences familiales, les violences de la société, qu'elles soient verbales ou physiques. Là encore il s'agit de sensibiliser de faire réagir, pour changer les mentalités, mais aussi pour faire changer les lois qui ne protègent pas suffisamment les victimes.
- Quel rôle joue l'éducation et la sensibilisation dans la promotion de l'égalité des genres et la lutte contre le sexisme au Maroc ?
Pour moi c'est une condition nécessaire mais pas suffisante. L'éducation et la sensibilisation ont toute leur importance, d'autant plus qu'elles commencent dès le plus jeune âge. Mais elles doivent être complétées et aidées par un courage politique réformateur et un système légal et judiciaire qui protège ses citoyennes au lieu de les condamner.
- Comment le mouvement s'engage-t-il avec les institutions et les décideurs pour faire avancer l'agenda de l'égalité des sexes et promouvoir des changements significatifs ?
Il s'agit surtout de sensibiliser. Pour l'instant, le mouvement est peu engagé auprès des décideurs, même s'il m'arrive d'interpeller certains politiques lorsque leur responsabilité est claire et qu'ils sont les seuls à pouvoir changer les choses. C'est une piste sérieuse pour que la condition des femmes marocaines s'améliore et les politiques doivent prendre la mesure de leur responsabilité dans ce domaine.
- Comment le mouvement encourage-t-il la participation des femmes et la prise de parole dans la société marocaine ?
Il m'arrive souvent de publier des chiffres (souvent alarmants) sur les inégalités salariales, la participation des femmes au marché du travail, ou encore la présence des femmes dans l'espace public. Par ailleurs, la sensibilisation passe aussi par le recueil de témoignages de femmes issus de milieu divers qui partagent leur histoire. L'idée est de donner une voix à ces femmes, qui autrement sont réticentes à s'exprimer.
- Comment le mouvement "Kouni Mra" utilise-t-il les médias sociaux et Instagram en particulier pour diffuser son message et mobiliser la communauté ?
Les réseaux sociaux ont prouvé leur efficacité en matière de militantisme ; je pense notamment au mouvement #metoouniv qui avait été lancé par la page 7achak et qui avait permis de faire lumière sur plusieurs affaires de violence sexuelle dans les universités marocaines. L'avantage de ces nouveaux médias comme instagram est que le nombre de personnes touchées est potentiellement immense. Par ailleurs, les réseaux sociaux permettent l'anonymat à celles et ceux qui ont peur de s'exprimer (même si c'est à double tranchant).
Bien sûr, même s'ils constituent un outil très efficace, les réseaux sociaux ne suffisent pas. Ils doivent être complétés par les autres formes de militantisme, notamment celles qui encouragent les actions de terrain (manifestations, engagement associatif, etc.).
- Comment le mouvement "Kouni Mra" travaille-t-il pour changer les mentalités et les attitudes en ce qui concerne le sexisme et les stéréotypes de genre au Maroc ?
Par la sensibilisation, encore et toujours. C'est selon moi la première étape : informer les citoyen.ne.s quant aux violences et discriminations que subissent les femmes marocaines. Car sans être informés, nous ne pouvons nous indigner.
- Quels sont les plans futurs du mouvement "Kouni Mra" pour continuer à promouvoir l'égalité des sexes et lutter contre les discriminations envers les femmes ?
Continuer à sensibiliser et à militer. Je pense que l'avenir du mouvement est la collaboration avec les autres militant.e.s marocain.e.s, quelque soit la forme de leur engagement (réseaux sociaux, cinéma, associatif, etc.). Les meilleurs résultats sont obtenus lorsque nous sommes uni.e.s et mobilisé.e.s pour les mêmes causes.
- Quelles sont les ressources ou les outils que le mouvement met à disposition pour informer et éduquer le public sur les questions de genre et d'égalité ?
La page met à disposition de ses followers de l'information gratuite et précise (souvent après de longues heures de recherche). Toutes les informations sont sourcées, ce qui permet à ceux qui souhaitent aller plus loin de se documenter et de creuser certains sujets.
En conclusion de notre interview, il est clair que cette initiative porte une importance considérable dans la lutte contre le sexisme institutionnalisé et la promotion des libertés individuelles des femmes.
"Kouni Mra" a réussi à susciter la réflexion, à encourager les discussions et à inciter à l'action en faveur de l'égalité des sexes.
Nous tenons à exprimer nos sincères remerciements à la fondatrice de "Kouni Mra" pour avoir partagé son temps, ses idées et son engagement lors de cette interview. Son travail incroyable dans la sensibilisation et la mobilisation des gens est une source d'inspiration pour tous ceux qui aspirent à créer un changement positif dans notre société.
En soulignant les actions concrètes entreprises, la fondatrice a démontré une détermination indéfectible à faire avancer la cause de l'égalité et à donner aux femmes une voix plus forte. Son anonymat témoigne de sa volonté de mettre en avant le mouvement plutôt que sa propre personne.
Nous espérons que cette interview a éclairé nos lecteurs sur les enjeux importants liés au sexisme institutionnalisé et à la nécessité de promouvoir les libertés individuelles des femmes. Que cette conversation puisse inspirer chacun d'entre nous à remettre en question les normes préjudiciables, à soutenir l'autonomisation des femmes et à travailler ensemble pour construire un monde plus égalitaire.
Une fois de plus, un grand merci à la fondatrice de "Kouni Mra" pour son engagement et sa contribution précieuse.
Nous encourageons tous nos lecteurs à suivre "Kouni Mra" sur Instagram et à participer à ce mouvement en pleine expansion pour promouvoir l'égalité des sexes et les droits des femmes.
Ensemble, nous pouvons véritablement faire la différence.
Salma LABTAR
"Kouni Mra" a réussi à susciter la réflexion, à encourager les discussions et à inciter à l'action en faveur de l'égalité des sexes.
Nous tenons à exprimer nos sincères remerciements à la fondatrice de "Kouni Mra" pour avoir partagé son temps, ses idées et son engagement lors de cette interview. Son travail incroyable dans la sensibilisation et la mobilisation des gens est une source d'inspiration pour tous ceux qui aspirent à créer un changement positif dans notre société.
En soulignant les actions concrètes entreprises, la fondatrice a démontré une détermination indéfectible à faire avancer la cause de l'égalité et à donner aux femmes une voix plus forte. Son anonymat témoigne de sa volonté de mettre en avant le mouvement plutôt que sa propre personne.
Nous espérons que cette interview a éclairé nos lecteurs sur les enjeux importants liés au sexisme institutionnalisé et à la nécessité de promouvoir les libertés individuelles des femmes. Que cette conversation puisse inspirer chacun d'entre nous à remettre en question les normes préjudiciables, à soutenir l'autonomisation des femmes et à travailler ensemble pour construire un monde plus égalitaire.
Une fois de plus, un grand merci à la fondatrice de "Kouni Mra" pour son engagement et sa contribution précieuse.
Nous encourageons tous nos lecteurs à suivre "Kouni Mra" sur Instagram et à participer à ce mouvement en pleine expansion pour promouvoir l'égalité des sexes et les droits des femmes.
Ensemble, nous pouvons véritablement faire la différence.
Salma LABTAR