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Indicateurs d’amnistie fiscale... réalité et perspectives


L'amnistie fiscale de 2024 au Maroc a permis de lutter contre l'évasion fiscale ? L’État poursuivra-t-il sa politique visant à accroître les bénéfices fiscaux, ou envisagera-t-il une méthode plus efficace pour faire sortir l’argent de ses cachettes vers le trésor général ? Mais aussi L'amnistie fiscale soulève des questions sur les solutions radicales à la crise de liquidité… L'équilibre budgétaire sera-t-il compromis en 2025 en raison des défis économiques prévus ?



Par Nadine Mouline

La régularisation volontaire des avoirs détenus au Maroc a permis aux contribuables de se mettre en conformité avec les dispositions du Code Général des Impôts (CGI) concernant le paiement de l'Impôt sur le Revenu, en rectifiant les écarts constatés.

En effet, l’amnistie fiscale pour l’année 2024 a permis de régulariser 127 milliards de dirhams, montant qui passait jusque-là sous les radars du fisc. Pour les citoyens ayant participé à l’opération, cette amnistie a été perçue comme une dernière fenêtre d’opportunité avant un durcissement des contrôles fiscaux.

Cette stratégie s'inscrit dans un régime plus large de lutte contre l'informel qui présente 40% du PIB, et le Maroc a un objectif qui est assez clair est de doubler son PIB d'ici 2035… Ne peut pas y aller vers des taux de croissance de 5% 6% 7% s’il n’arrive pas à élargir le secteur formel.

L'amnistie fiscale vise à accroître les recettes fiscales, mais elle suscite également des doutes quant à son efficacité véritable dans la lutte contre l'évasion fiscale sur le long terme.
Pour analyser cette question, il est nécessaire de prendre en compte plusieurs facteurs.
 
L’amnistie fiscale de 2024 : Une réponse à l’évasion fiscale ?

L’amnistie fiscale, comme celle mise en place en 2024, reste et demeure la politique qui vise pour l’Etat de récupérer rapidement ses recettes fiscales, de formaliser une partie de l’économie informelle. Idem pour les contribuables vise à se conformer aux lois fiscales en évitant des poursuites couteuses ou des contrôles fiscaux approfondis, en échange d'une contribution forfaitaire ou d'un abattement. Cela peut inciter un certain nombre de citoyens et d’entreprises à régulariser des fonds cachés, qu’ils soient stockés à l’étranger ou non déclarés en interne.
 
Efficacité dans la lutte contre l’évasion fiscale :

L’amnistie offre une opportunité temporaire de rapatrier des fonds et de déclarer des avoirs non déclarés. Si elle permet de récupérer des sommes importantes pour le trésor général, son impact sur l’évasion fiscale reste à discuter.

Il est possible que cette mesure puisse agir comme un signal fort en incitant certains contribuables à sortir leurs fonds cachés, notamment ceux opérant dans l'informel. Mais une fois l'amnistie passée, il reste une question de pérennité : les contribuables non régularisés continueront-ils à contourner le système fiscal une fois l’amnistie terminée ?

L’amnistie pourrait également ne toucher qu'une fraction des montants réellement dissimulés, en particulier ceux des plus grands fraudeurs, qui pourraient préférer risquer des poursuites plutôt que de déclarer leurs avoirs.
 
Les perspectives pour l’État marocain :

Après l’amnistie fiscale de 2024, il est probable que l'État poursuivra sa politique visant à accroître les bénéfices fiscaux, mais il pourrait adopter d’autres stratégies pour renforcer la régularité fiscale et garantir une collecte plus stable et plus transparente à long terme.
 
1. Le renforcement de la digitalisation et de la transparence fiscale :
L’un des leviers sur lesquels l’État marocain semble déjà se concentrer, c'est l'amélioration de la collecte des impôts grâce aux technologies modernes. La digitalisation des services fiscaux (comme les déclarations fiscales en ligne, les paiements numériques et les plateformes de vérification des informations fiscales) permettrait de réduire les possibilités d'évasion fiscale et de rendre plus difficiles les tentatives de fraude. Le Maroc a commencé à renforcer ses systèmes de suivi des transactions financières et à améliorer l’efficacité de ses administrations fiscales.
 
2. Une approche plus systématique de l’évasion fiscale :
L'État pourrait se tourner vers des méthodes plus robustes de lutte contre l’évasion fiscale, en renforçant la coopération internationale pour lutter contre les paradis fiscaux, par exemple, le Maroc a déjà signé des accords pour échanger des informations fiscales avec d'autres pays, ce qui permet de mieux repérer les avoirs non déclarés à l’étranger.
 Le pays pourrait intensifier ces efforts, tout en augmentant la pression sur les grandes entreprises et les grandes fortunes pour qu’elles contribuent équitablement.
 
3. Renforcer la prévention plutôt que la répression :
Le gouvernement pourrait aussi investir davantage dans des actions de prévention, par la mise en place de mesures fiscales plus justes et transparentes, notamment en simplifiant le système fiscal et en réduisant les incitations à l’évasion.
La mise en place d'un cadre fiscal plus clair, prévisible et attractif pourrait convaincre les entreprises et les individus de respecter les obligations fiscales de manière plus volontariste.
 

Quelles répercussions attendues sur la liquidité bancaire ?

L’amnistie fiscale ciblant la régularisation des avoirs liquides non déclarés a permis l’intégration de montants considérables dans le système bancaire. À moyen terme, il élargit les marges de manœuvre des banques pour financer l’économie réelle, stimulant ainsi l’investissement et la consommation.

Une partie de ces fonds pourrait également être orientée vers l’achat de bons du Trésor, renforçant les finances publiques. De plus, en encourageant leurs clients à investir sur les marchés financiers, les banques pourraient dynamiser la Bourse de Casablanca, créant un cercle vertueux entre liquidités bancaires, financement public et dynamisme économique.
 
Déficit structurel de liquidité dans le secteur bancaire
Malgré cette avancée notable, la situation reste précaire, car le déficit structurel de liquidité dans le secteur bancaire continue de susciter des préoccupations.

Les prévisions de Bank Al-Maghrib indiquent une augmentation continue des besoins en refinancement des banques, estimés à 164,6 milliards de dirhams en 2025 et à 192,3 milliards de dirhams en 2026.
En effet, le déficit moyen de liquidité bancaire continue de se creuser, atteignant -148,46 milliards de dirhams, soit une augmentation de 12,39 %. Bien que les avances à 7 jours aient diminué à 53,3 milliards de dirhams, les tensions sur le marché monétaire restent présentes.

Pour stabiliser la situation, Bank Al-Maghrib prévoit d’accentuer ses interventions en portant le volume des avances à 7 jours à 57,4 milliards de dirhams lors de la prochaine période.
 
Recettes fiscales et déficit budgétaire
L'équilibre budgétaire sera-t-il compromis en 2025 en raison des défis économiques prévus ?
Un élément essentiel c'est que l'année 2024 était une année sociale par excellence ça été une année de dialogue social des augmentations énormes pour les fonctionnaires et les salariés du secteur privé… Le Maroc dispose également un chantier social à travers les aides directs, idem souhaite bien travailler sur les agrégats macroéconomiques.
Aujourd'hui, si le Maroc parvient à un déficit budgétaire de 4 % en 2024, comparé à 13 % en 2023, cela est également dû à l'augmentation notable des recettes fiscales observée depuis 2021. Le pays aspire à ramener ce déficit à la moyenne internationale de 3 % d'ici 2026.
 
Après l’amnistie fiscale…
Bien que l’amnistie fiscale de 2024 ait permis de récupérer une partie de l’argent caché et ait contribué à un assainissement temporaire, elle n’est pas une solution miracle à l’évasion fiscale.
Il est donc probable que, même après l’amnistie fiscale, l'État marocain poursuive une politique de lutte contre l’évasion fiscale, mais en adoptant des approches plus durables et plus efficaces à long terme.
À l'avenir, il est essentiel de maintenir des mesures incitatives pour encourager la transition vers l'économie formelle et renforcer la transparence financière. Le gouvernement pourrait envisager des stratégies supplémentaires pour intégrer davantage l'économie informelle et améliorer la conformité fiscale à long terme.
 



Mardi 28 Janvier 2025

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