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Harcèlement sexuel au travail au Maroc : entre statistiques inquiétantes et initiatives de sensibilisation


Rédigé par le Jeudi 28 Décembre 2023

Dans le contexte professionnel, persiste un problème grave, parfois ignoré, fréquemment passé sous silence : le harcèlement sexuel. Malgré les initiatives déployées par le Royaume pour y faire face, cette réalité aux conséquences sévères demeure insidieusement présente dans la vie quotidienne des travailleuses.



Malgré les efforts déployés pour éradiquer le harcèlement sexuel, les lois nationales sont catégoriques à ce sujet depuis l'adhésion du Maroc à la Convention de lutte contre la violence envers les femmes des Nations Unies en 1993.

L'article 503-1 du Code pénal marocain réprime le harcèlement sexuel, prévoyant des sanctions sous forme de peines d'emprisonnement et d'amendes pour les coupables. En outre, le nouveau Code du travail offre une protection cruciale aux salariés contre tout acte de harcèlement de la part de leur employeur.

Ce code va même jusqu'à assimiler le départ d'un salarié, lorsque le harcèlement est prouvé, à un licenciement abusif, imposant des conséquences sérieuses pour l'employeur. L'article 41 du Code du travail accorde aux victimes le droit de demander des dommages et intérêts en cas de rupture abusive du contrat de travail.

Défis majeurs

Cependant, en dépit de ces progrès législatifs, la frontière entre harcèlement sexuel et gestes inappropriés demeure floue pour de nombreuses victimes.

Dans une société où certains comportements inacceptables sont parfois tolérés, il est crucial de rappeler que le harcèlement sexuel englobe tout acte susceptible de susciter chez une personne un sentiment de danger, de gêne, d'offense ou d'intimidation.

Ces comportements inacceptables comprennent des commentaires inappropriés, des rumeurs à caractère sexuel, des regards insistants, des questions indiscrètes ou des blagues déplacées, tous étant condamnés par la loi.

Le principal défi pour les victimes réside fréquemment dans la collecte de preuves, en particulier dans un contexte professionnel.

Rassembler des éléments tangibles peut s'avérer complexe, car il est rare que des témoins acceptent de dénoncer leurs supérieurs par crainte de représailles. Les victimes de harcèlement sexuel doivent mobiliser tous les moyens de preuve à leur disposition, qu'il s'agisse d'aveux, de témoignages, d'écrits ou de présomptions légales.

Dans l'ensemble, c'est le juge qui décide, en se basant sur l'ensemble des éléments de preuve rassemblés, si un cas de harcèlement est avéré.

Un sujet tabou

La collecte de données sur le harcèlement sexuel au travail au Maroc connaît une évolution constante, bien que son étendue demeure largement sous-estimée.

Une enquête nationale réalisée par le HCP en 2019 a révélé des statistiques préoccupantes. Dans le cadre professionnel, environ 15 % des femmes actives ont fait l'expérience d'une forme de violence au travail, un pourcentage encore plus élevé parmi les femmes divorcées (22 %) et les travailleuses journalières (21 %). Cette enquête a également souligné que près de 41 % des cas de harcèlement sexuel étaient imputables à des supérieurs hiérarchiques, tandis que 29 % provenaient de collègues. La grande majorité de ces violences en milieu professionnel (83 %) étaient de nature psychologique (49 %) ou liées à des discriminations économiques (34 %).

En 2023, une étude réalisée par Deloitte souligne également les défis persistants auxquels les femmes font face sur leur lieu de travail. Environ 44 % des femmes ont été exposées à des comportements de harcèlement sexuel ou à de petites agressions professionnelles, mais seulement 59 % de celles ayant été victimes de tels comportements ont signalé ces incidents à leur employeur. Malheureusement, moins de la moitié des victimes ont fait remonter ces incidents.

Ces données soulignent l'importance de la collecte de statistiques pour aider les pays à mettre en place des mesures de protection en faveur des femmes et des filles, notamment en ratifiant la Convention 190 de l'Organisation internationale du Travail (OIT), qui établit des normes internationales visant à prévenir, protéger et remédier au harcèlement sexuel au travail.

Cependant, de nombreuses victimes hésitent à signaler leurs agresseurs. En plus des défis liés à la fourniture de preuves tangibles de ces actes, la crainte de subir la stigmatisation sociale et d'être traitées comme des coupables plutôt que comme des victimes les pousse fréquemment à renoncer à dénoncer les responsables et à risquer la perte de leur emploi.

Ces obstacles contribuent à maintenir le harcèlement sexuel au travail dans l'ombre, créant ainsi un environnement hostile pour de nombreuses travailleuses.

Pour lutter contre ce fléau, des organisations telles que l'UAF et la Coalition 190 s'efforcent de faire ratifier la Convention 190.

Le harcèlement sexuel au travail reste un problème sérieux, mais grâce à l'engagement de militantes, d'organisations de défense des droits humains et à la participation active des avocats, des avancées sont réalisées pour éliminer ce fléau.

La sensibilisation, la réforme des lois et la protection des victimes sont des éléments essentiels pour instaurer un environnement de travail sûr et équitable pour tous.

En dernier ressort, chaque employée mérite de travailler sans craindre le harcèlement et la discrimination, un droit fondamental qui doit être assuré à tous les travailleurs au Maroc.

Quelques conseils

Une fois que la victime a établi la preuve du harcèlement sexuel au travail, elle doit d'abord informer l'inspecteur du travail des faits. Par la suite, elle peut engager une action sociale en dommages et intérêts devant le tribunal social. Cette démarche vise à obtenir des indemnités compensatoires pour réparer le préjudice subi en raison du harcèlement de son employeur, entraînant ainsi la perte de son emploi.

La victime a également la possibilité de porter plainte contre toute personne reconnue coupable de harcèlement sexuel au travail, que cette personne soit son employeur, son supérieur hiérarchique, ou même un ou plusieurs collègues. Une fois que la preuve de ces actes est établie, le ministère public engagera des poursuites contre les responsables conformément aux dispositions de la loi pénale. La victime peut alors se constituer partie civile dans cette procédure judiciaire et demander des dommages et intérêts pour les préjudices subis.


Salma LABTAR





Salma Labtar
Journaliste sportive et militante féministe, lauréate de l'ISIC En savoir plus sur cet auteur
Jeudi 28 Décembre 2023

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