L'ODJ Média




« Flow the money » : Quand suivre l’argent devient l’unique boussole dans un monde d’injonctions contradictoires




Trump, la panique boursière… et les flux invisibles, un transfert de l’épargne… au profit de l’État fédéral

Il est des moments où l’économie cesse d’être lisible. Où les marchés dévissent avec ou sans logique apparente, où les décisions politiques brouillent les repères, et où les modèles classiques d’analyse semblent soudain inopérants. C’est dans ce type de configuration que m’est revenue une recommandation d’un grand professeur que j’ai eu la chance de côtoyer dans mes premières années d’étude : « Si un jour tu dois poser un diagnostic dans un environnement mouvant, liquide, où abondent les injonctions contradictoires, alors oublie les discours, et comme disent les économistes de Boston : flow the money. L’argent sait toujours où aller, et quand tu le sauras, tu comprendras. »

Les événements des derniers jours donnent à ce conseil une résonance toute particulière. Le président Donald Trump, dans une mise en scène à la fois théâtrale et brutale, a proclamé un « Jour de la libération », en imposant des tarifs douaniers universels, jusqu’à 50 % pour certains pays, y compris le Maroc malgré un accord de libre-échange. En quelques heures, les marchés ont vacillé. Près de 3 000 milliards de dollars de capitalisation boursière se sont évaporés. Le Nasdaq a plongé, le S&P 500 a reculé de près de 5 %, et les investisseurs ont fui en masse les actions.

Mais l’important n’est pas là. Ce qui mérite attention, c’est ce que l’argent a fait ensuite.

La fuite vers la sécurité… ou le grand recyclage ? En apparence, les investisseurs ont paniqué. En réalité, ils ont réagi avec cohérence : ils ont massivement déplacé leurs capitaux vers les bons du Trésor américain. Malgré la source du désordre – Washington lui-même –, ces titres ont conservé leur statut de valeur refuge. Mieux encore : la demande a fait légèrement baisser les taux, malgré l’inflation.

Ce mouvement donne corps à une hypothèse dérangeante mais stratégiquement plausible : et si ce chaos avait été provoqué non pas par erreur, mais par calcul ? Et si Donald Trump cherchait en réalité à détourner l’épargne américaine (et mondiale) des marchés risqués pour recycler cette épargne vers le financement de la dette publique américaine ?

Les États-Unis font face à une dette dépassant les 37 000 milliards de dollars. Les investisseurs asiatiques se détournent progressivement des bons du Trésor. La Réserve fédérale ne peut pas tout absorber. La solution ? Forcer, indirectement, les fonds de pension, les banques, les épargnants à revenir vers les titres souverains. Et comment y parvenir ? En rendant la Bourse moins attractive, voire toxique à court terme.

Ce transfert forcé de l’épargne privée vers la dette publique n’a rien de nouveau dans l’histoire. Il est souvent utilisé en temps de guerre, de crise ou de reconquête de souveraineté monétaire. Mais rarement avec autant de brutalité politique.

Les mouvements d'argent ne mettent pas, ils forcent même parfois "la main invisible Adam Smith" mais à chaque fois, ils anticipent.

Alors que les discours s’enchaînent et se contredisent, que les experts s’opposent sur la nature du krach, un seul indicateur garde sa cohérence : les flux financiers réels. Où va l’argent ? Vers quoi se réfugie-t-il ? Quelle est la séquence qu’il anticipe ?

Dans ce tumulte, on comprend que Trump ne cherche pas simplement un avantage commercial. Il veut provoquer un recentrage de l’épargne nationale sur l’État, réduire la dépendance extérieure, et repositionner les États-Unis comme l’unique havre de sécurité financière. Une stratégie à la fois brutale et visionnaire – dans la pure tradition d’un populisme économique à visée impériale.

Dans un monde saturé de signaux faibles, de récits contradictoires et de volatilité cognitive, il devient vital de retrouver des repères solides. Suivre l’argent n’est pas qu’une méthode financière : c’est une posture d’analyse. C’est ce qui permet, non seulement de comprendre ce qui se passe, mais surtout de deviner ce qui va se passer.

Parce que, comme me l’avait dit ce professeur : l’argent sait toujours où aller. Et quand tu le sauras, tu verras plus clair que les autres.



Samedi 5 Avril 2025


Billet | Chroniqueurs invités | Experts invités | Quartier libre | Chroniques Vidéo | Replay vidéo & podcast outdoor


Bannière Réseaux Sociaux


Bannière Lodj DJ

Avertissement : Les textes publiés sous l’appellation « Quartier libre » ou « Chroniqueurs invités » ou “Coup de cœur” ou "Communiqué de presse" doivent être conformes à toutes les exigences mentionnées ci-dessous.

1-L’objectif de l’ODJ est de d’offrir un espace d’expression libre aux internautes en général et des confrères invités (avec leurs accords) sur des sujets de leur choix, pourvu que les textes présentés soient conformes à la charte de l’ODJ.

2-Cet espace est modéré  par les membres de la rédaction de lodj.ma, qui conjointement assureront la publication des tribunes et leur conformité à la charte de l’ODJ

3-L’ensemble des écrits publiés dans cette rubrique relève de l’entière responsabilité de leur(s) auteur(s).la rédaction de lodj.ma ne saurait être tenue responsable du contenu de ces tribunes.

4-Nous n’accepterons pas de publier des propos ayant un contenu diffamatoire, menaçant, abusif, obscène, ou tout autre contenu qui pourrait transgresser la loi.

5-Tout propos raciste, sexiste, ou portant atteinte à quelqu’un à cause de sa religion, son origine, son genre ou son orientation sexuelle ne sera pas retenu pour publication et sera refusé.

Toute forme de plagiat est également à proscrire.

 








Inscription à la newsletter

Plus d'informations sur cette page : https://www.lodj.ma/CGU_a46.html