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Par Aziz Boucetta
Dans cette course au soft power que se livrent les pays du monde, du moins les plus ambitieux, et le Maroc en est un, il ne semble pas que nous nous en donnions vraiment les moyens. Bien des manifestations sont organisées dans le royaume, de nature à faire rayonner le pays dans sa région, son continent et au-delà, et les festivals n’en sont pas le moindre des illustrations. Musiques sacrées de Fès, Gnaoua et musiques du monde d’Essaouira, Arts populaires à Marrakech, Tanjazz dans la mythique Tanger et d’autres encore…
L’Etat, les grandes entreprises publiques ou privées (« à mission » selon un terme tendance), les institutions financières sont-ils vraiment conscients de l’importance d’accompagner, soutenir, financer ces événements ou est-ce encore les organisateurs qui devront dépenser et se dépenser pour réussir leurs événements ?
Il en va de même pour les différents programmes et manifestations organisés, concernant notre cause nationale. A titre d’exemple, et depuis que le roi Mohammed VI a prononcé son discours en novembre dernier sur la vision stratégique afro-atlantiste du Maroc, nombre de conférences ont été tenues ou sont en voie de l’être… mais avec toujours le même problème d’argent et de fonds.
Cela signifie que la société civile fait sa part de travail, ou du moins essaie, en a la volonté mais pas les moyens. Et pourtant, pour renforcer et consolider le soft power d’un pays comme le Maroc, il ne faut pas trop compter sur le gouvernement. Soit parce qu’il n’a pas cette fibre de reconnaître le dynamisme de sa société et donc considère ses actions comme secondaires, soit que le ministère des Affaires étrangères, concernant l’affaire du Sahara, estime que la question relève de sa chasse gardée, étant donné la complexité de cette affaire, ses ramifications, les différentes susceptibilités et autres finesses diplomatiques qu’elle requiert.
D'autres rencontres, un peu moins marocaines, se sont tenues au Maroc, voici quelques années, et auraient reçu des financements. Pourquoi se montrer parcimonieux avec les nationaux...?
Le roi Mohammed VI avait voici quelques années donné ses instructions pour créer un fonds d’aide et de soutien pour les festivals, mais il ne semble pas qu’il y ait eu depuis des mécanismes mis en place et soigneusement rôdés pour garantir la pérennité et la qualité de ces manifestations culturelles ou géopolitiques. Et pourtant, Dieu sait combien ce pays a de choses à faire connaître, à partager, à enseigner aux autres nations.
Certains événements politiques, diplomatiques ou culturels ont été financés ces dernières années par l’argent public ou celui de grandes entreprises publiques et privées. C’est une bonne chose certes mais combien existe-t-il de bonnes volontés, sérieuses, dans ce pays, qui veulent promouvoir l’image du royaume, et qui ne trouvent pas le chemin du financement privé ou public ? Il ne sert à rien de définir des stratégies dépassant le cadre des frontières nationales, de nous en enorgueillir, de nous en autocongratuler bruyamment, si personne ou presque ne le sait à l’étranger.
Il existe bien une volonté d’aider, de soutenir, d’accompagner, de financer, mais elle est dispersée, conditionnée, difficile et incertaine. Il faudrait au Maroc une structure composée de personnalités soigneusement triées et nommées à haut niveau, pour identifier les bons projets, les grands événements, les idées les plus porteuses, et pour les (faire) financer, laissant ainsi les organisateurs s’occuper de choses plus concrètes, comme les contenus scientifiques ou artistiques des différentes manifestations, comme les profils de personnalités à inviter, comme les noms des artistes à programmer, en faisant intervenir au besoin nos représentations diplomatiques ou consulaires.
Mais il n’y a pas que les événements organisés sur le sol national… Une culture, une posture politique ou géopolitique, une vision, une histoire se projettent aussi à l’extérieur des frontières, mais combien de telles manifestations sont-elles programmées par les nôtres dans les pays du monde ? Peu. Quand on demande la raison, la réponse est invariable : manque de moyens et de soutien, indifférence des décideurs…
Encore une fois, le soft power s’entretient, se structure, se déploie, s’installe selon des conditions et des règles connues. Il appartient au Maroc, gouvernement ou autre, de prendre une décision dans ce sens, puis de s’assurer qu’elle est réellement mise en place.
L’enjeu est de quelques dizaines de millions de DH seulement ; cela ne devrait pas gêner ou ruiner le Maroc, qui y gagnerait en revanche beaucoup. Il suffit juste de vouloir.
Rédigé par Aziz Boucetta sur Panorapost