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Tout a commencé par une plainte de Me Abdelhamid Benmakhlouf, membre fondateur de cette institution ; une procédure qui a été initiée pour détournement de fonds publics. Un magistrat instructeur spécialisé, Mohamed Touileb, a été chargé de ce dossier. Il a mené ses investigations de manière approfondie : expertise des comptes de la Fondation par un cabinet assermenté, convocation de 20 sociétés (agences de communication, agences de voyages, représentants de banques), audition de dizaines de personnes,...). Le dossier étant finalisé avec sa mise en état, voici le temps de la juridiction de jugement.
Ce qui a déclenché cette affaire au départ ? Une facture de 48.000 euros (530.000 DH) pour l'affrètement d'un avion Fès-Milan, un séjour avec sa fille, pour "affaires"... Gros émoi dans les jours et les semaines qui suivent au sein du staff de direction de la Fondation puis dans la presse. Il a tenté de s'en justifier, un moment. Il a ainsi avancé que ce vol avait été organisé pour l'arrivée d’Anne Gravoin, violoniste, alors à un concert dans cette même ville. Elle était invitée au Festival de Fès- par ailleurs, c’était l’épouse de Manuel Valls, Premier ministre français. Cette "justification" s'ébruite. Elle fait l'objet d'une démarche informelle du Quai d'Orsay invitant instamment Abderrafie Zouiten à ne plus tenir des propos aussi inconséquents. C'est que ce même Valls avait fait l'objet, trois semaines auparavant, d'une autre "affaire" d'avion l'impliquant dans un voyage Poitiers- Berlin, le 6 juin, à bord d'un Falcon officiel. Lui aussi avait invoqué un "déplacement professionnel"- une réunion avec l’UEFA... Mais qu'il soit accompagné à cette occasion par deux de ses enfants posait question. Surtout que ce déplacement était lié à un match dans la capitale allemande entre le FC Barcelone - dont il est un fervent supporter - et la Juventus de Turin. Zouiten se ravise alors ; il dégage sa responsabilité en arguant que la facture a été réglée par le regretté Tajjedine Baddou, nouvellement nommé directeur du Festival. Lequel s'est vu, à cette occasion, présenter une vingtaine de factures.... Enfin, dans un dernier temps, au vu de l’avancement de la procédure pénale en cours, Zouiten a décidé de rembourser sur ses propres deniers cette somme de 48.000 euros au Festival.
Mais il y a plus. Zouiten est aussi poursuivi pour d'autres chefs d'incrimination, notamment celui de faux et d'usage de faux. Référence est faite à des procès-verbaux du conseil d'administration qui seraient falsifiés, les intéressés ayant été entendus lors de l'instruction. C‘est sur ces bases-là que Zouiten a écarté certains membres du conseil d'administration jugés "gênants". Mais dans cette même démarche, il a commis une faute fatale : l'exclusion aussi des membres de l'"Association Fès Saïss". Or celle-ci est seule titulaire du droit de propriété intellectuelle de la marque "Festival de Fès des musiques sacrées", déposée par acte notarié à l'OMPIC. Si bien que cette Association, présidée par Mohamed Kabbaj depuis sa création en 1994, s'est de nouveau réappropriée le Festival de Fès des musiques sacrées.
Voici quelques semaines, le flambeau a été confié, sous l'égide de Mohamed Kabbaj, à Abdelhamid Benmakhlouf succédant ainsi à Hassan Slighoua, parlementaire, et lui aussi membre "historique" de la Fondation de l'Esprit de Fès. C'est qu'il y a péril en la demeure ! Depuis des années, la direction du Forum de Fès corrélée au Festival des musiques a été quelque peu erratique. Si Faouzi Skali a eu deux longs mandats (1994- 2007 puis 2010-2014), d'autres, pour différentes raisons, n'ont pas vraiment laissé d'empreinte - 2007 à 2010: Naima Lahbib, Fatima Seddiki, Abdelhak El Azzouzi. Tajjedine Baddou avait un grand potentiel qui n'a pas pu se valoriser (2014-2016); son successeur, Driss Khrouz, nommé en juillet 2017, ne paraît pas avoir la main par suite de la gestion cabossée et contestée de Abderrafie Zouiten. Au passage, il faut signaler à cet égard le passage éphémère d'un certain philosophe parisien, Yves Michaud, nommé quelques mois par Zouiten. A quelques semaines du Festival et du Forum de Fès, il s'était distingué par une déclaration sur "L'islam (qui) n'est pas compatible avec la démocratie" (Le Monde.fr, 30 avril 2016). No comment !
Le nouveau président, Me. Abdelhamid Benmakhlouf, compte s'inscrire résolument, lui dans une approche de renouveau, apurant les passifs et s’appuyant sur des compétences reconnues. Le Festival et le Forum de Fès ? C’est un label qui s'est affirmé à l'international avec une forte visibilité artistique et culturelle. Cette capitalisation, on la doit notamment à Mohamed Kabbaj – dont la crédibilité et la surface personnelle sont établie depuis des décennies - à Faouzi Skali, islamologue et anthropologue de renom, à Abdelkader Ouazzani et Hamid Anbassi - à la tête de la direction du festival- et tant d'autres.
En dernière instance, Mohamed Kabbaj compte reprendre le gouvernail, redresser la barre et donner un souffle nouveau à une grande aventure d'un quart de siècle. Revitaliser. Redonner une âme à l'esprit de Fès. Continuer à être à l’écoute de la marche du monde dans sa quête de spiritualité. Elargir et consolider le dialogue des cultures et de fraternité. Un engagement autour des valeurs d'un humanisme universel auxquelles Fès et le Royaume ont quelques titres de légitimité millénaire...
Rédigé par Mustapha Sehimi sur https://quid.ma/