Q1. Madame Sophia, comment analysez-vous cette "effervescence digitale" autour des Lions de l’Atlas sur les réseaux sociaux ?
Je la vois avant tout comme une preuve vibrante de l’engagement des Marocains envers leur équipe nationale. Cette avalanche de réactions, positives comme négatives, témoigne d’un attachement profond. Les critiques ne sont pas forcément des attaques, mais plutôt des signaux d’une attente très forte. Cela nous montre à quel point le football est devenu une affaire de cœur, de fierté et même de co-construction avec le public.

Q2. Le compte Instagram des Lions est souvent critiqué. Est-ce justifié ou excessif ?
C’est un compte avec plus de cinq millions de followers, donc évidemment, il est sous pression. On y voit de tout : des encouragements chaleureux, mais aussi des commentaires acerbes. Le reproche principal ? Un manque de régularité, d’interactivité et d’innovation. Certains vont jusqu’à harceler la page. Mais derrière cette impatience se cache une envie d’être plus proche, plus connecté aux joueurs, et de vivre les émotions au plus près. C’est une passion qui cherche un canal d’expression.

Q3. Où est la limite entre passion constructive et harcèlement numérique ?
C’est une question cruciale. Exprimer son mécontentement fait partie du jeu. Mais quand l’espace devient toxique, on franchit un cap. Il faut rappeler que l’admin du compte est aussi un humain, qui gère une pression énorme. Les supporters doivent comprendre que l’agressivité ne construit rien. En revanche, une passion bien canalisée peut devenir un moteur d’innovation et de créativité.

Q4. Quelles sont, selon vous, les pistes concrètes pour améliorer cette relation digitale avec les fans ?
Elles sont nombreuses ! Il faut d’abord diversifier les formats : stories immersives, lives, mini-docs, défis interactifs… Ensuite, créer des rendez-vous réguliers avec les joueurs ou les experts, et surtout faire participer la communauté. L’idée est d’impliquer les fans comme un 12e homme digital, et pourquoi pas, de miser sur l’humour, la complicité, l’autodérision. Cela crée un lien émotionnel fort.

Q5. Peut-on considérer cette ferveur digitale comme un levier de croissance pour l’écosystème footballistique marocain ?
Absolument ! C’est une formidable opportunité de croissance, pas seulement en visibilité mais aussi en termes de valeurs partagées. Le digital peut devenir une vitrine vivante et bienveillante de notre équipe nationale. Encore faut-il écouter les attentes, y répondre avec créativité, et ne pas rester dans une posture défensive.

Q6. Un dernier mot pour les supporters ?
Je leur dirais : continuez à encourager vos Lions, sur le terrain et sur les réseaux. Votre voix compte, elle peut être puissante si elle est bienveillante. Car mieux communiquer, c’est mieux vivre, ensemble, dans la même équipe.

Ce que révèle cet entretien, c’est qu’au-delà des critiques et des tensions numériques, une immense énergie collective cherche à s’exprimer. Pour Sophia El Khensae Bentamy, l’important n’est pas de censurer les voix discordantes, mais de mieux structurer le dialogue, d’écouter les signaux faibles et d’innover dans la manière de communiquer. Le digital peut devenir un puissant levier d’attachement, à condition d’en faire un espace de co-construction. Les supporters ne demandent qu’à participer, à vibrer, à s’impliquer. Et si on leur tendait vraiment la main ? Car dans ce match de la communication, le jeu se gagne ensemble.