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Entre la France et le Maroc, les petits résultats des petits pas


La politique des petits pas, un rabibochage progressif, la reprise par petites touches… autant d’expressions pour définir ce qui se produit aujourd’hui entre le Maroc et la France, deux Etats amis depuis cinq siècles, deux pays « interdépendants » depuis sept décennies, mais deux pays encore plongés dans la crise la plus profonde de leur histoire.



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Par Aziz Boucetta

Rabat et Paris ont connu l’affaire Ben Barka en 1965, puis celle de « Notre ami le roi » en 1991, puis encore la glaciation de l’ère Jospin au tournant du siècle (et du millénaire), puis l’affaire Hammouchi en 2014… Depuis quelques années, l’accumulation d’actes inamicaux français et les réactions marocaines encore plus inamicales ont creusé un fossé, devenu ravin, puis précipice entre les deux pays, les choses s’étant encore plus, voire très durablement, aggravées avec la question des restrictions des visas.

Avant cela, la brouille était seulement politique, elle devient humaine, et reconnaître comme l’a fait Emmanuel Macron que la politique du visa n’était pas une bonne idée n’y changera rien. Les Etats oublient, les peuples plus rarement, ou plus lentement.

Le président Macron mène une politique étrangère doublement particulière, d’abord en raison des contextes géopolitiques changeants depuis quelques années et ensuite par son approche personnelle tendant à rompre avec les alliances classiques dans l’objectif d’en proposer de nouvelles. La France en Europe, en Asie, au Moyen-Orient et en Afrique a changé de position et a opéré de nouveaux choix. Au Maghreb, la nouvelle orientation de M. Macron a conduit la France à se placer au bord de la rupture avec le Maroc tout en restant éloignée de l’Algérie, malgré les intentions et les déclarations.

Cette crispation avec le Maroc, durable et profonde, a suscité des réactions au sein de l’establishment économique, politique et militaro-sécuritaire en France et, après d’infructueuses car maladroites tentatives de rapprochement, Paris semble avoir décidé d’amorcer une nouvelle approche avec Rabat ; cette approche prend en compte la nouvelle doctrine diplomatique marocaine, déclinée par le roi Mohammed VI en août 2022, et axée autour du nouveau prisme de la politique étrangère du royaume.

Quelle est cette nouvelle approche française ? Il s’agit en fait de la traditionnelle et ancienne politique des petits pas… Les différents petits signes, comme la visite de militaires français début octobre, en uniforme, à Laâyoune, ou la petite phrase du représentant permanent français à l’ONU fin octobre sur la nécessité d’avancer sur le dossier du Sahara… ou encore la première puis la seconde sortie de l’ambassadeur de France au Maroc, d’abord dans les médias puis à l’université… et encore la première puis seconde déclaration du nouveau ministre des Affaires étrangères français Stéphane Séjourné, avant sa toute petite avancée mais avancée quand même à Rabat…

Par ailleurs, les différentes sorties médiatiques ou autres de...l’ancien ambassadeur de France en Algérie Xavier Driencourt ne sont sûrement pas le fruit du hasard, eu égard au rang du personnage et à l’extrême sensibilité de la question algérienne en France. Enfin, l’infléchissement de la position du quotidien le Monde – transformé depuis quelques années en porte-voix de M. Macron, qui fut derrière son rachat par ses possesseurs actuels – est significative.

Tout cela, comme dit plus haut, est le fruit du discours royal d’août 2022, mais pas seulement, car les Français semblent avoir pris la mesure de ce qu’ils pouvaient perdre sur les plans géopolitique, économique et sécuritaire, maintenant que l’opinion publique marocaine est devenue partie prenante de la question. Et le problème est bien là… les petites avancées amélioreront certainement les relations d’Etat à Etat, mais pas la perception de la France par les Marocains, qui regardent déjà ailleurs.

 

Une seule chose pourrait vraiment remettre la France dans les préoccupations et, pourquoi pas, dans les cœurs de Marocains où elle s’était durablement établie, et c’est le Sahara, où la France doit s’investir résolument et franchement avant d’y investir, lucrativement.

Dans le cas contraire, rien ne sera plus comme avant car, longtemps oublieux de leur propre histoire, les Marocains ont profité de cette crise et de la franche animosité de Paris à l’égard de leur pays pour replonger dans leur passé et d’y découvrir bien des faits qu’ils ignoraient, ou voulaient ignorer, comme la spoliation des territoires orientaux du royaume, aujourd’hui partie occidentale de l’Algérie. Le Maroc ne les revendique pas, mais les Marocains savent désormais le rôle de la France dans ce rétrécissement de leur pays.

Alors, si la France multiplie les signaux de faible mais croissante intensité, le Maroc agit de même. La rencontre des princesses royales avec Mme Brigitte Macron et l’accord pour la venue de M. Séjourné au Maroc sont des faits qui méritent certes l’attention des observateurs, mais autant que la dernière sortie de la directrice des Archives royales sur le morcellement de l’intégrité territoriale du royaume ou que les fuites sur le possible rachat par le capital marocain en un an d’une seconde banque française implantée au Maroc, en plus d’autres actions moins visibles…

Il est donc indéniable que la glace fond entre les deux capitales, anciennement amies proches et alliées solides et qui cherchent aujourd’hui à trouver un terrain d’entente et un langage commun pour aller, ensemble, vers l’avenir. Mais la politique des petits pas ne semble pas être la meilleure des approches pour atteindre le but d’un rapprochement franc et massif.

C’est la France qui a lancé les « hostilités », c’est à elle qu’il revient donc de trouver le ton juste et la bonne politique. Messieurs les Français, tirez les premiers !

Rédigé par Aziz Boucetta sur Panorapost 



Vendredi 15 Mars 2024


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