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Ça y est, c’est parti, les discussions s’enflamment dans les états-majors des partis politiques marocains, et surtout entre eux. Puisqu’il y aura élection en 2021, semblerait-il du moins, alors il faut les préparer, et c’est la fameuse ingénierie électorale qui s’enclenche. Qui pour voter ? Comment voter ? Quel mode de scrutin et surtout quel mode de comptabilisation ?
Le Maroc compte trois douzaines de partis, 34 pour être précis, selon le rapport 2018 de la Cour des Comptes, et tous vont, ou devraient, concourir pour les prochains scrutins, prévus pour 2021 et plus précisément vers le troisième trimestre. Et comme chaque fois, ou presque, les lois et règles électorales sont âprement discutées entre les partis, puis entre les partis et le ministère de l’Intérieur, grand ordonnateur des élections devant l’Eternel. Cette année encore, l’inscription sur les listes ne sera pas automatique pour les plus de 18 ans.
Et puisque le scrutin sera vraisemblablement basé sur les listes, il faudra gérer la question du calcul du quotient électoral, et c’est là que les choses vont se jouer. En principe, il faut calculer ce quotient sur la base des votes réellement exprimés et validés (moins celles des partis n’ayant pas atteint le seuil électoral) en les divisant par le nombre de sièges à pourvoir dans une circonscription. Mais les partis politiques (hormis le PJD) et le ministère de l’Intérieur veulent privilégier la méthode de calcul consistant à mettre en numérateur le nombre des inscrits de la circonscription.
Le PJD hurle doucement à la supercherie, mais l’Intérieur et les autres partis parlent d’une plus grande équité pour les petits partis qui pourront commencer à entrevoir la possibilité d’avoir 1 ou 2 députés. Le débat est ouvert et l’habituelle foire d’empoigne annoncée, sauf en cas de renoncement des partis à toute forme de retenue, voire de dignité. Ce qui semble être le cas. Nous ne sommes plus dans l’ingénierie électorale, bien comprise et nécessaire, mais dans les calculs d’un ingénieur devenu fou, quelque peu nostalgique de la peu regrettée ère Basri…
Prendre comme base de calcul le nombre des inscrits, en instaurant un seuil, équivaudrait en effet à retenir des voix non exprimées (celles des abstentionnistes et aussi celles des personnes décédées entre la date de clôture des listes électorales et le scrutin) et à écarter des voix dûment validées (celles ayant choisi les petits partis). Faire cela reviendrait à vider l’opération électorale de toute sa substance, à passer de la conscience démocratique à l’inquotient électoral. Faire cela aboutirait à la formation d’une majorité balkanisée (le mot devrait être changé en « marocanisée »), et conduirait à la constitution d’un gouvernement pléthorique sans véritable gouvernail… légal peut-être mais illégitime !
Au parlement, cette proposition de loi sera très vraisemblablement rejetée par le PJD et votée par les autres… Le 1er parti sera donc en minorité dans sa majorité, alliée objective de l’opposition, les deux aspirant à former demain un parlement avec une étrange « majopposition » qui formerait une coalition de 12 partis ! Et on ose encore parler de l’image du pays à l’étranger, où aucun pays n’a adopté ce type de calcul électoral !
Résumons : un scrutin fondé sur des calculs électoraux devenus calculs politiciens, avec un taux de participation très poussif, même « poussé », des partis décharnés tétanisés par leur incompréhension d’une économie et d’une société abîmées par le Covid… Franchement, tout ça pour ça… A moins que la Cour constitutionnelle ne siffle la fin de la récréation institutionnelle ! A défaut, ne serait-il finalement pas plus judicieux de reporter le scrutin, plutôt que de l’organiser de cette manière et de se ridiculiser durablement ?
Publié par Aziz Boucetta le 03 octobre 2020 sur www.panorapost.com