Le Maroc s'apprête à franchir une étape majeure dans la modernisation de son économie en lançant prochainement sa propre monnaie numérique, l’e-dirham. Ce projet ambitieux, piloté par Bank Al-Maghrib (BAM), intervient après une longue période de prudence vis-à-vis des monnaies virtuelles.

L’e-dirham s’inscrit dans une dynamique mondiale où plus de 130 pays explorent actuellement les Monnaies Numériques de Banques Centrales (MNBC). Contrairement aux crypto-monnaies décentralisées comme le Bitcoin, l’e-dirham sera basé sur une blockchain privée, garantissant ainsi sécurité, transparence et traçabilité des transactions.

Selon le G.I.E Africa Echange Maroc, cette nouvelle monnaie numérique sera indexée directement sur la valeur du dirham marocain, assurant ainsi une stabilité essentielle pour faciliter son adoption à grande échelle. Parmi ses objectifs stratégiques figure la réduction progressive de l’usage du cash, qui représente encore près de 30 % du PIB marocain, et l'offre d'une alternative moderne aux méthodes de paiement classiques.

Pour Mehdi El Fakir, expert comptable et économiste, interrogé par SNRTnews, « les monnaies numériques sont désormais une composante incontournable du paysage financier mondial ». Il explique que ces monnaies ne sont plus réservées aux seuls investisseurs individuels ou aux start-ups, mais qu’elles sont désormais adoptées officiellement par les grandes banques traditionnelles, dont Bank Al-Maghrib.

« L’e-dirham sera semblable aux monnaies numériques déjà adoptées par plusieurs banques centrales internationales », précise l’expert. Émise directement par Bank Al-Maghrib et soumise à la régulation des autorités financières officielles, cette monnaie offrira ainsi un niveau supérieur de sécurité et de stabilité comparativement aux crypto-monnaies traditionnelles.

Le lancement de l’e-dirham ne constitue pas seulement une évolution technologique, mais répond également à des enjeux économiques et sociaux majeurs :
 

• Sécurisation des transactions : En limitant l’utilisation d’argent liquide, l’e-dirham contribuera à réduire les risques liés au vol, à la fraude et au blanchiment d’argent.
• Facilitation des paiements : La monnaie numérique permettra des transactions plus rapides, fluides et moins coûteuses.
• Renforcement de l’inclusion financière : L’e-dirham favorisera l’accès aux services financiers modernes pour une plus large population.

Selon Mehdi El Fakir, l’adoption croissante des crypto-monnaies comme le Bitcoin a encouragé les grandes banques à intégrer ces actifs numériques dans leurs services. Face à cette tendance mondiale, plusieurs banques centrales, telles que la Banque Centrale de Chine avec le « yuan numérique » ou encore la Banque Centrale Européenne avec l’« euro numérique » (actuellement en phase d’étude), se sont déjà engagées dans cette voie.

Le Maroc rejoint ainsi ce mouvement global, conscient des bénéfices potentiels que peut apporter une monnaie numérique nationale en termes de compétitivité économique et d’innovation technologique.

Si l’e-dirham présente un potentiel important pour transformer l’économie numérique marocaine, son succès dépendra de plusieurs conditions. La mise en place d’une infrastructure technologique performante et accessible sera indispensable. Par ailleurs, une campagne de sensibilisation efficace devra être menée afin de rassurer et d’éduquer les citoyens et les commerçants sur l'utilisation et les avantages de cette monnaie. La confiance des utilisateurs constituera, en effet, un facteur clé de réussite.

Lors d’une conférence de presse tenue à l’issue de la réunion du Conseil de Bank Al-Maghrib, mardi 18 mars, Abdellatif Jouahri, Wali de BAM, a confirmé que l’e-dirham constitue désormais une priorité stratégique pour la banque centrale, après avoir achevé ses travaux sur les crypto-monnaies. Il a également précisé que BAM collabore actuellement avec la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International (FMI) afin de définir clairement les objectifs et les modalités pratiques de mise en œuvre.

L'introduction du dirham numérique pourrait également avoir un effet très positif sur les PME et les startups marocaines. En facilitant les transactions financières, en réduisant les coûts opérationnels et en simplifiant l'accès aux financements, cette innovation technologique pourrait stimuler la compétitivité et favoriser l'émergence d'un écosystème entrepreneurial dynamique et attractif au Maroc.

Enfin, Abdellatif Jouahri a souligné que l’adoption effective du dirham numérique représente un objectif à moyen ou long terme, nécessitant des ajustements culturels et technologiques importants, ainsi qu'une formation adéquate pour garantir son succès et son acceptation par la population marocaine.