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Suite à l'entretien de l'épidémiologiste Youssef Oulhote sur Medias24 cette semaine
Par Pr Aziza Benkirane, anesthésiste réanimatrice
De quel « culture du débat » parle notre ami ingénieur de l’Institut agronomique et vétérinaire de Rabat, master de l’Institut des Sciences et Industries du Vivant et de l’Environnement (AgroParisTech), puis doctorat en épidémiologie et santé publique à l’EHESP de Rennes, une école de santé publique qui forme à la gestion des Hôpitaux, et d’établissement sanitaire ou social, enfin spécialisé dans la neurotoxicité des métaux lourds chez l’enfant ?
Avec qui veut-il débattre, lors qu’il veut vacciner les marocains dans les supermarchés, bien qu’il affirme que « ce n’est pas une question d’argent », et qu’il veut shunter les médecins, dont la participation au « puzzle de la santé publique » est « accessoire » selon lui pour le traitement d’une maladie, fût-elle une pandémie ?
Cela donne la nette impression qu’il s’agit bien d’une question de convoitise et gros sous, qui obéît aux lois du marché mondial, dominé par la dictature US, et où les fabricants de vaccins avancent leurs pions, et publicités, avec des bookmakers à la Bourse, des actions qui s’envolent ou s’effondrent à la moindre publication, … ou selon l’état de santé du président des USA !
Dans cette course effrénée, pour produire un vaccin, en brûlant les étapes, il ne faut surtout pas que les médecins toutes spécialités confondues, seuls aptes à dire au final si un traitement marche ou pas, si un vaccin est efficace ou pas, s’il a des effets indésirables, il ne faut pas que les médecins s’en mêlent trop précocement et viennent perturber ce marché juteux.
Il ne faut pas que se reproduise ce qui s’est passé avec le Remdesivir (2340 $ le traitement) déclaré inefficace un peu partout, mais avoir « une certaine efficacité » selon son fabricant Gilead, qui l’appose sur l’ordonnance publique (ou publicitaire) de Donald Trump, malgré l’utilisation concomitante d’anticorps immuns ! Comparé au 5 $ du « traitement » sans prétentions à la chloroquine ou à l’hydoxychloroquine, qui permet à l’Afrique de résister, il n’y a pas photo dans la gestion du marché financier mondial.
C’est aussi une question de rivalité politique entre les grandes puissances, de guerre froide, dont on veut nous faire faire les frais. Il faut passer sous silence le vaccin russe. Et accuser la Chine d’opacité dans le processus d’évaluation de ses vaccins, voire d’espionnage scientifique, elle qui a si généreusement tout livré sur le séquençage du Sars-Cov-2 dès qu’elle en a fait le diagnostic, permettant ainsi aux scientifiques du monde entier de gagner du temps dans la recherche de traitements et vaccins.
Nous avons déjà connu au Maroc les laboratoires d’analyse gloutons, pour ce qui est du test PCR dont le prix est fixé par l’état à 500 DH, qui est facturé aux particuliers entre 1500 et 2000 DH, alors que son prix de revient est de 50 DH. On veut à présent nous jeter dans les bras de Johnson & Johnson, Dieu sait à quel prix, parce que nous sommes assimilés à des plantes, ou des « macaques », un mauvais pays (par opposition aux « bons »), dépourvu « de la culture du débat », sous développé en « armée de traceurs », quand plus de 75% des marocains ont des smartphones, qui peuvent les tracer facilement avec une petite application de rien du tout, si on le voulait.
Le pays de la marche verte qui a éradiqué la bilharziose, le paludisme, la poliomyélite, le trachome, la diphtérie, le choléra, la rougeole … et drastiquement diminué l’hydatidose, et même la tuberculose … laissés par le protectorat français, aurait besoin de « s’improviser pays de la science ou des inventions » pour pouvoir vacciner les marocains au Covid-19 ? Et puis nos universités auraient attendu notre épidémiologiste de génie pour publier de nombreuses thèses de recherche sur le saturnisme au Maroc (intoxication au plomb).
En matière de score du risque, qu’il veut établir en une semaine, basé sur les conditions sanitaires de la population et les conditions socia-démographiques, on a déjà vu les projections statistico-épidémiologiques (IHME) qui nous prédisaient 1000 morts par jour ! Ce projet de score Covid alors qu’il pratique le « Fin oudnek a jha ? » partant de l’Espagne, l’Allemagne, les USA, le 1er bateau contaminé pour calculer la létalité au Maroc !
Bref, en ces temps où les informations contradictoires pullulent, où les gens ont peur des vaccins, Mr Youssef Oulhout - qui certes est doué en matière d’art de la manipulation, par une alternance de contre-vérités, de lapalissades et des passages de discours percutants (lesquels rappellent la formation des mouvements de radicalisation), veut lui aussi instituer une dictature épidémiologique au Maroc, et une mise en équation des marocains (prélèvement de sang, urines, cheveux) bien avant l’ère qui nous guette demain de la dictature de la médecine par l’intelligence artificielle.
En dehors de la nécessité de prévoir une stratégie vaccinale, non merci pour une grande partie de ses propositions, et je n’ai pas peur de signer sans anonymat, Pr Aziza Benkirane, anesthésiste réanimatrice qui n’occupe aucun poste de responsabilité publique.