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De l’art de cultiver la ÇANTEHA… !


Une fois encore les jeunes bacheliers marocains au nombre de 41 ont trusté l’entrée à la plus prestigieuse des écoles françaises d’ingénieurs : Polytechnique.
Il n’y avait pourtant que 60 places à pourvoir. En seconde place, la Tunisie avec 10 places gagnées. Cela démontre une fois encore de l’excellence du niveau en mathématiques et en sciences physiques de l’école marocaine, tant décriée.
Certes beaucoup de ces jeunes lauréats passent par le lycée d’excellence du Lydex à Benguerir mis en place par l’OCP.



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Par Rachid Boufous

Pourtant il y’avait pas mal de lycées d’excellence un peu partout dans le pays, mais ils ont été supprimés par un ministre savant et égalitaire, au motif que tous les enfants du pays devaient avoir les mêmes chances.

Une vue de l’esprit quand on sait que sur une même classe d’âge, moins de 10% réussissent à faire des études supérieures et que le reste finit au chômage, dans les centres d’appels ou chez Macdo… 
Pourtant la question qui se pose : Que pouvons-nous bien faire de nos polytechniciens…?

On me dira que le pays a besoin de compétences, vu le nombre d’analphabètes diplômés ou non qui trustent nos administrations, notre parlement ou nos villes. Mais que peut un patron brillant ou un directeur au cursus universitaire excellentissime, quand le reste de ses collaborateurs ne sont pas la hauteur de sa science ou de son intelligence ? Il sellek souvent, faute de mieux !

Il arrive souvent que ces brillantes têtes soient marginalisées dans leurs postes au bled par des chefs qui refusent de quitter leurs maroquins, préférant traiter avec des subalternes, moins compétents, mais plus dociles, loyaux et moins frondeurs. 

Ces têtes bien faites, quand elles n’arrivent pas à s’acclimater à l’ambiance du pays, repartent briller ailleurs, pour le plus grand bonheur des multinationales qui les utilisent pour aller occuper des postes dans des pays éloignés, quand elle ne veulent pas y envoyer des « petits blancs » pour des questions de sécurité ou de préservation contre les maladies tropicales dont le terrible paludisme... 

D’ailleurs, on n’a jamais vu un polytechnicien marocain devenir capitaine d’industrie en France ou patron de banque ou suprême honneur, être nommé à la tête du Medef. Le plafond de verre est toujours là. 

Même Rachida ou Najat, qui ne sont pas polytechniciennes mais politiciennes, n’ont eu leurs promotions politiques et ministérielles qu’en ayant été cooptées par des personnalités politiques en vue comme Simone Veil ou Ségolène Royal…

On a plus voulu faire d’elles  des « Arabes de service »,  au service d’une politique d’intégration des fameuses minorités visibles, qu’autre chose. Mais on n’a jamais vu un ou une arabe patron du sénat, de l’assemblée nationale, ministre de l’économie ou de l’intérieur. Les postes stratégiques c’est pas fait pour les arabes ou les noirs, polytechniciens ou pas. Faut pas se leurrer, il y’a une limite à tout… Zemmourisation des esprits oblige !

Au bled on possède énormément d’hyperdiplomés de partout : Harvard, Stanford, UCLA, MIT, NormaleSup, Superaero, Supelec, Centrale, Ponts et Chaussées. D’ailleurs les lauréats de cette dernière école d’ingénieurs ont trusté tous les hauts postes dans l’administration et au ministère de l’intérieur depuis 24 ans, grâce à leur mentor Ssi Mezyane Belfequih, qui, à l’avènement du « nouveau concept de l’autorité » avait saisi l’occasion en or pour inonder le principal ministère du pays de son réseau d’ingénieurs. 

On a eu des gouverneurs et des walis ingénieurs après de longues décennies d’administrateurs venus de divers cycles de l’administration, de la justice, de la santé, de l’armée ou de l’université, ce qui constituait une réelle diversité parmi ce corps d’administrateurs important…

Il a placé aussi beaucoup d’ingénieurs un peu partout dans les organismes institutionnels ou d’autres entreprises étatiques. 

Car il faut savoir qu’au Maroc ou en France, la cooptation entre potes de promotion est nécessaire pour être promu à un poste de responsabilité. Ce réseautage ainsi installé, ne laisse que peu de place aux lauréats d’autres écoles ou universités, qu’ils soient brillants ou pas. Cette culture du clan produit pourtant la même pensée unique car ces responsables sont sortis du même moule et réfléchissent de la même manière, ce qui empêche toute diversité d’opinion et peu de choix à la diversité intellectuelle ou universitaire. 

Il en était de même au siècle dernier et durant celui qui le précède, avec une cooptation des vizirs issus des grandes familles de notables des villes de Fès, de Rabat ou de Tetouan. Cette uniformisation dans le choix des élites coûta beaucoup au pays d’ailleurs au début du 20e le siècle.

Or on ne fabrique pas un pays où une entreprise qu’avec une armée de généraux ayant fait la même école.

Pourtant, si ces hyperdiplomés sont très compétents, ils manquent pourtant d’audace et surtout de courage. Même quand ils exercent l’autorité, ils la font maladroitement et causent plus de dégâts que de simples administrateurs issus des vielles écoles, pourtant excellentes, de l’Enap, l’Escae ou de l’école des cadres du ministère de l’intérieur. 

Je ne parle pas des autres diplômés comme nous les architectes, éternels bouche-trous de l’administration quand on ne trouve pas d’ingénieur ou de topographe sous la main pour occuper le poste en question. Nous avons pourtant une formation polyvalente, mais nous avons mauvaise presse, vu la laideur des villes que nous produisons... Faut s’organiser les confrères et consœurs si on veut être plus présents et visibles dans la scène publique au Maroc…

Mais revenons au cœur de notre sujet en rapport avec la place des polytechniciens dans notre société en voie de développement. Certes c’est un gain notable pour le pays que d’avoir autant de ces ingénieurs de haut vol.

Le premier polytechnicien marocain fut Mohamed Douiri. Un vrai génie à son époque. Il réalisa la route de l’unité en très peu de mois vers 1958, en compagnie de 12.000 jeunes marocains harangués par un certain Mehdi Ben Barka, qui avait là l’occasion d’embrigader les premiers fantassins de sa révolution d’obédience maoïste et panarabe, heureusement avortée…

Les polytechniciens il y’en eut par la suite pas mal qui devinrent de grands ministres. Pourtant ils n’ont jamais réellement percé. Il faut dire qu’une tête bien faite est souvent caractérielle pour ne pas dire frondeuse, et ça le Makhzen n’aime pas trop, surtout les gens qui lui font la leçon ou qui se prennent pour les Einstein du Dimanche… Faut pas pousser non plus ! 

Non, ce qu’on adore dans ce pays, c’est l’hyperdiplomé qui ne la ramène pas, obéissant à outrance, mais sachant toutefois utiliser un tableur excell. Et gare à celui ou à celle qui n’assimile pas très bien cette leçon de « vivre ensemble » dans la haute hiérarchie administrative, économique ou politique du pays… Aucune tête ne doit dépasser ! 

Certains polytechniciens, pourtant prometteurs, ont appris à leurs dépens qu’il n’est pas suffisant d’être hyperdiplômé pour durer. 

D’autres ont tellement bien compris la leçon administrée à leurs prédécesseurs, qu’ils s’enferment à double tour dans leur bureaux d’ivoire, cherchant à avoir le moins de contact possible avec leurs administrés. 
D’autres encore inondent la presse et les médias de publicité pour qu’on ne parle d’eux, qu’en bien. 

Et quand un pauvre pigiste n’ayant pas reçu d’instruction de son redac-chef se prend pour l’Edwy Plenel de BeniMellal, attaque bille en tête ledit décideur hyperdiplômé, tout de suite la publicité disparaît de son journal et il se retrouve au chômage à vendre des téléphones portables en Medina, ou chercher par tous les moyens une patera pour quitter le pays, faute de visa, après avoir ruiné son journal….

Non, ceux qui réussissent vraiment dans ce pays, sont ceux qui connaissent les limites de leurs intelligence, mais qui sont toutefois, dotés d’une ÇANTEHA (avoir de l’entregent) à toute épreuve pour réussir leur parcours.

Voyez Faouzi Laqjaa, c’est l’archétype du bon fonctionnaire à la ÇANTEHA proéminente et à toute épreuve, qui, en vingt cinq ans de carrière obscure, passa de simple chef de service au département de l’agriculture, à directeur du budget, puis ministre du budget, puis patron de la fédération de football, puis vice-président de la fédération africaine de foot et enfin responsable de la candidature du Maroc au mondial de 2030...

Bravo maestro ! Un magnifique parcours pour quelqu’un qui n’est ni polytechnicien, ni normalien, ni presque Walou… et ce qu’il a réalisé comme exploit en relativement peu de temps, je parle de football bien sûr, aucun polytechnicien ou grand ingénieur n’a pu le faire et il y’en a eu …! 

Un autre exemple, Karim Lamrani. Simple vendeur de disques à Fès, n’ayant même pas le bac, il est devenu conseiller de Abderrahim Bouabid grâce à son pote Lahbabi, avant de diriger l’OCP durant des décennies et d’être nommé premier ministre plusieurs fois, tout en bâtissant un empire industriel et une immense fortune…

Tous les gens qui ont fait fortune au Maroc ou qui ont réellement réussi sont du même acabit…la ÇANTIHA je vous dis ! 

Avoir confiance en soi et en ses propres capacités est le meilleur diplôme dans la vie. Ne jamais avoir froid aux yeux, ni être impressionné par qui que ce soit, ni être impressionnable, tout en gardant son sang froid à toute épreuve, voilà la clé de la réussite au Maroc…

D’ailleurs l’art de la ÇANTEHA devrait être enseigné dans les grandes écoles, mais les polytechniciens comme les ingénieurs issus de ces écoles réputées sont formés pour administrer et non pour gouverner ou créer des entreprises, c’est cela leur point faible et il est himalayesque…
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Quant à nos chers polytechniciens et autres grands diplômés, je leur conseille vivement de se doter d’une bonne ÇANTEHA et ne pas avoir la tête qui enfle vite et plus que de raison, s’ils veulent percer au bled, sinon ils finiront par repartir au pays où ils ont été formés…

Ça serait intéressant d’ouvrir une école de la ÇANTEHA… un bon filon en perspective !

Rachid Boufous 



Mercredi 2 Août 2023


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