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Cyberattaques et vulnérabilités marocaines


Le Maroc vient de vivre des cyberattaques bien orchestrées, qui incitaient à une émigration massive de jeunes, pour la plupart mineurs, depuis Fnideq vers Sebta et Melilla, villes occupées par l’Espagne.



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Par Pr Aziza Benkirane

Cyberattaques et vulnérabilités marocaines
Le Maroc vient de vivre des cyberattaques bien orchestrées, qui incitaient à une émigration massive de jeunes, pour la plupart mineurs, depuis Fnideq vers Sebta et Melilla, villes occupées par l’Espagne.
La cyber manipulation à des fins politiques ou commerciales désigne l'utilisation de technologies numériques, des plateformes en ligne et des algorithmes pour influencer les comportements, les opinions ou les décisions d’individus ou de groupes d’individus.

Cette manipulation peut se faire de manière subtile et invisible, exploitant des failles psychologiques, sociales ou technologiques. La cyber manipulation remet en question les notions de libre arbitre, d’autonomie, ou de souveraineté, en influençant les décisions des utilisateurs sans qu'ils en soient pleinement conscients.

L’exemple historique le plus marquant de cyber manipulation est celui de l'Internet Research Agency (IRA) russe, qui avait tenté d’influencer le résultat de l'élection présidentielle qui a opposé Donald Trump et Hillary Clinton en 2016.  

Le phénomène du 15 septembre 2024 a pris une telle ampleur au Maroc, qu’il interroge sur les vulnérabilités de notre pays. La première étant cette ahurissante génération alpha (nés après 2010), pour qui rien n’est impossible sur les réseaux sociaux. La maîtrise totale de TikTok, Instagram, Facebook, YouTube, WhatsApp ... Avec des message courts et efficaces, quasi anonymes. Des émoji mariant drapeaux marocain et espagnol. Des cartes, des itinéraires. Une planification du rassemblement à Fnideq, et de la traversée massive, à pied, ou à la nage, vers « l’Eldorado espagnol », « où on ne refoule pas les mineurs non accompagnés », et qui « ce jour-là va les recevoir les bras ouverts » ! Les messages ne venaient pas seulement de Fnideq, Tétouan, Martil, …  Toutes les grandes villes du Maroc étaient quadrillées.

Pas une âme charitable n’est venue les mettre en garde contre le danger de cette traversée périlleuse, avant qu’ils ne se jettent à la mer, leur dire « que le voyage ardu implique de nager pendant 10 à 15 heures, sur une distance de 10 kilomètres depuis la plage de M'diq.  Que depuis Belyouch il faut pendant 2 heures faire face à de puissants contre courants marins et à des rochers dangereux tout du long »[1] . Et que la réalité est tout autre : qu’ils seront refoulés dès leur arrivée à Sebta.

Certes, l’existence d’enclaves espagnoles au Maroc est une autre vulnérabilité, surtout quand elles font une pression commerciale, pour la réouverture à la contrebande massive du poste frontière de Tarajal. Et quand leurs journaux affirment que personne ne se jetait à la mer avant la fermeture de ce poste frontière, qu’on « pouvait aller travailler à Ceuta avec ou sans papiers »

Il y a bien sûre l’hostilité acharnée de l’Algérie qui a averti, via la bouche de son Chef d’Etat Major, qu’elle entrait en guerre cybernétique avec son ennemi classique » qu’est le Maroc. Surtout quand il s’agit de camoufler leurs échecs économiques, et le nombre de migrants clandestins qui fuient quotidiennement leur pays. Sans parler de leur rêve de nous fâcher avec l’Espagne, et nuire à l’image du Maroc pour tenter d’influer sur les décisions prochaines des Nations Unies. A cet égard les objectives de l’Algérie se lisent à livre ouvert sur les titres à la Une de l’APS : « Envahissement de Ceuta, Sahara Occidental : la menace du Makhzen sur le gouvernement de Pedro Sanchez », « Cette action d’envergure que dissimule l’appel à la migration collective au Maroc », « Le Rif et le Front Polisario unis pour ramener le Maroc à sa véritable taille »

Mais il y a surtout plus grave : la perte de confiance totale dans le gouvernement Akhenouch, faible et muet, empêtré dans une rentrée scolaire cafouilleuse, des enseignants en détresse, des étudiants en médecine en suspens, une justice inqualifiable, un coût de la vie en zigzag, un recensement inutile quand tout est digitalisé, … des querelles politiciennes, la corruption. Et qui a peut-être laissé faire pour bien montrer ses muscles.
 
Parmi les méthodes de cyber attaques utilisées pour l'opération du 15 septembre 2024, on peut noter :
 

  1. Des faux comptes et Bots, il a été rapporté que des milliers de comptes, souvent sous de fausses identités féminines, ont été créés en Algérie pour pousser les mineurs, à tenter cette migration clandestine vers Sebta[2] . Près de 164 algériens auraient étés expulsés, des tunisiens … pour avoir participé à cette large stratégie de désinformation sur les réseaux sociaux de l’intérieur du Maroc.
  2. Des Fake news et désinformation : Des messages viraux sur les plateformes, de courtes vidéos sur des comptes comptant des milliers d'abonnés montrant des images de rassemblements antérieurs juste en face du poste frontière d'El Tarajal[3] , des messages concis et des centaines de commentaires anonymes encourageants « Que la paix soit sur vous, chers frères[4] », invoquant la bénédiction divine « Que Dieu facilite à tous la sortie de ce pays ».
  3. Le Micro-ciblage des mineurs vulnérables à la veille des cafouillages anxiogènes de la rentrée scolaire.
  4. Des Deepfakes (AI-generated videos) ont circulé, et circulent encore, attribuant à cette opération d’immigration massive, les images de la tournée du pape, ou les événements tragiques du pèlerinage en Arabie Saoudite, diverses révoltes, et répressions avec des corps dénudés comme ceux des palestiniens en Israël.
 
Il y aurait eu cinq morts durant cette opération Fnideq. Rien que cette année, le bilan s’élèverait à 37 morts et 33 disparues, dont plusieurs ressortissants algériens, ce qui dresse un tableau déchirant du coût humain de ce nouveau mode de migration. Alors que la méditerranée demeure la route de migration vers l’Europe la plus dangereuse avec 3.129 morts et disparus en 2023.

L'objectif principal de cette ingérence numérique a échoué, mais nous avons pu constater que nos vulnérabilités, peuvent nous exposer à des cyberattaques aptes à mobiliser nos rues. A l’heure où les moyens de communications peuvent être mortellement piégés cela menace doublement notre liberté d’expression et de discussion sur l’espace cybernétique. Il faut trouver une parade.
 
[1] Observatoire du Nord pour les droits de l'Homme
[2]Le Desk, Atalayar.
[3Journal espagnol Vozpópuli
[4] El Independiente



Jeudi 19 Septembre 2024


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