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Il faut désormais veiller à élaborer un nouveau pacte économique et social inclusif en se réorientant vers la production, l’innovation et la transition écologique.
Que retenir de cette pandémie? Que bien des pays développés n’ont pas été à la hauteur des enjeux -l’exemple de la France, apparentée à un «pays du tiersmonde » est sans doute le plus révélateur. Le Maroc, lui, s’est classé sanitairement parmi les plus performants. Cette pandémie impose désormais cette contrainte majeure: la santé est une responsabilité régalienne. A ce titre, elle doit être placée au même rang que la politique monétaire et fiscale, la police, l’armée, la justice ou la politique étrangère. Elle doit être reconnue comme telle. La Constitution de 2011 impose à l’Etat, aux établissements publics et aux collectivités territoriales de permettre aux citoyens «de jouir du droit aux soins de santé» ainsi qu’à «la protection sociale, à la couverture médicale et à la solidarité mutualiste ou organisée par l’Etat». Dans cette même ligne, il faut rappeler que l’un des principes de la création de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) stipule que «les gouvernements ont la responsabilité de la santé de leurs peuples; ils ne peuvent y faire face qu’en prenant les mesures sanitaires et sociales appropriées».
La santé, donc, comme «bien» commun. A tous. Pour tous. Une nouvelle donne, majeure même, qui ne procède pas du paradigme de l’Occident mais qui s’est imposée dans toute la planète avec cette pandémie. L’Occident n’est plus à l’avant-garde du progrès et de la civilisation universelle. Il a en effet perdu beaucoup de sa crédibilité et montré sa vulnérabilité en n’arrivant pas à gérer les risques systémiques et les chocs qui caractérisent les deux premières décennies du XXIème siècle. Un «autre» monde est en marche.
Le capitalisme a délaissé de plus en plus la production pour la spéculation et l’innovation pour la rente. Son modèle économique et social est de moins en moins soutenable: il associe croissance faible, surendettement et accentuation des inégalités. L’éducation et la science ont été minorées; la démocratie a été corsetée par l’érosion des contre-pouvoirs et de l’Etat de droit; l’idée de bien commun (santé, éducation, environnement,...) a été euthanasiée; le court terme s’est imposé et a interdit pratiquement toute vision de l’avenir. Il faut désormais veiller à élaborer un nouveau pacte économique et social inclusif en se réorientant vers la production, l’innovation et la transition écologique; se réinventer donc, en ranimant la démocratie participative et en réengageant les citoyens dans la vie publique.
Retour au vrai, choc des réalités. Voilà qu’un virus -un nuisible microscopique- a mis pratiquement à genoux la planète entière. Un monde plongé dans l’autosatisfaction, se regardant et se contemplant même comme une phase avancée du progrès et, plus encore, de la civilisation. Le réveil a été douloureux: ce monde se croyait triomphant invulnérable… Cette crise est l’une des variétés de l’allégorie, une parabole. Elle révèle la fragilité de l’inconsistant, le vide même, d’un mode de vie, d’un référentiel de valeurs et de société. L’Homme de demain auquel s’attellent les biotechnologies -une sorte d’Homme de synthèse d’une humanité invincible et immortelleest totalement remis en cause. Et l’Homme se voit nu, avec sa faiblesse. Et sa vulnérabilité. Le retour à l’essentiel s’est imposé et en particulier la place et l’importance des rapports avec la spiritualité, donc avec la religion et Dieu.
L’expérience du confinement depuis plus de trois mois a été salutaire. Preuve que l’Homme «moderne», qui se veut indépendant et ne rien devoir à personne se berce d’illusions. A été ainsi revitalisé le lien social; a été aussi renforcée la cohésion sociale avec ce corollaire: la solidarité des membres d’une nation. Ce qui était en cause n’était rien de moins qu’un destin collectif; la sauvegarde et la survie d’une communauté par delà les vies individuelles.
La foi est venue, comme à la rescousse, apporter son témoignage. Et la mise en exergue de la foi, en première ligne, n’est-ce pas la défense des plus faibles, des plus simples, des exclus? C’est le coeur de chaque personne -de chaque croyant- qui s’est trouvé finalement au coeur de cette tourmente devenue une déferlante mondiale. Pareille ferveur perdurera-t-elle? Les individus ont souvent la mémoire courte; pas les peuples, sans doute. L’illusion du monde d’hier va-t-elle pour autant se dissiper? Pas sûr, cependant...
Publié le 19 juin 2020 par Mustapha SHIMI sur www.maroc-hebdo.press.ma