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Par Bargach Larbi
André Azoulay n’a pas besoin d’être défendu ; son parcours, son implication et ses actions plaident pour lui. Il est, pour ceux qui ne le savent pas, le créateur d’un mouvement précurseur de la solution à deux États, connu sous le nom d’Identité et Dialogue. Il fait partie de ceux qui ont permis les premiers rapprochements entre Juifs et musulmans après de longues années de séparation. Contrairement à ce que l’on pense en général, la rupture entre les deux communautés religieuses n’a pas commencé avec la création d’Israël en 1948, mais avec les débuts de la colonisation de l’ère industrielle. Cette phase, que l’on peut situer au début des années 1800, correspond à l’émergence du wahabisme dans le monde arabe, doctrine prônée par son initiateur, le prédicateur Abdelwahab, et à la volonté des colons de distinguer entre des communautés liées par un destin commun, celui de l’expulsion d’Andalousie en 1492 et 1610.
La création d’Israël n’a bien entendu pas arrangé les choses, d’autant que cette création s’est déroulée sous le joug d’un mouvement nationaliste, le sionisme, dont on voit aujourd’hui la version la plus radicale et la plus suprématiste.
S’attaquer à ce symbole du rapprochement entre les deux communautés, c’est jouer le jeu du sionisme radical, porté aujourd’hui par Ben Gvir, Smotrich, du salafisme rétrograde et du mouvement « gauchiste » violent des années 60.
Les slogans politiques visant M. Azoulay s’inspirent des pires rhétoriques de la communication politique. Ils s’attaquent directement aux émotions des populations, légitimes dans ce cas de figure, et cherchent à neutraliser leurs capacités à réfléchir.
La question de la normalisation se pose alors avec acuité. Pour certains, c’est une question de principes : Israël est une création coloniale et, même si elle a été validée par la communauté des Nations Unies, elle s’est faite au détriment du peuple palestinien, contraint à l’exil.
N’oublions pas que des personnalités éminentes du pouvoir israélien ont eu des passeports palestiniens avant la création d’Israël. Ben Gourion, Shimon Peres ou Golda Meir en font partie. Ce principe remet en cause ce que les puissances ont imposé comme étant le droit international. C’est une posture que l’on aurait pu comprendre si leurs principes n’étaient pas entachés d’exceptions. Ces mêmes personnalités se sont battues bec et ongles pour le respect des frontières issues de la colonisation, une colonisation particulièrement injuste. Les timbres des courriers envoyés de Tindouf, par exemple, étaient estampillés « Maroc » jusqu’en 1952. C’est une ville algérienne aujourd’hui, personne ne le conteste, à part quelques militants nationalistes nostalgiques d’une période révolue.
Les principes à géométrie variable sont légion. Ils ont permis à beaucoup de régimes d’utiliser des causes à des fins politiciennes. Le soutien inconditionnel à Israël en Occident relève de cet opportunisme politique. On le voit avec l’extrême droite française, héritière idéologique du régime de Vichy, devenue comme par enchantement le premier soutien de Netanyahu en France. On le voit aussi lorsqu’un certain nombre d’hommes politiques, soi-disant militants des droits de l’homme, acceptent de recevoir un homme recherché et condamné par la CPI.
On le voit enfin chez la plupart des régimes arabes qui utilisent la cause palestinienne comme étendard et interdisent toutes manifestations de solidarité en faveur d’un peuple qui souffre. C’est choquant de se rendre compte que des manifestations en faveur de Gaza ont pu avoir lieu à Tel Aviv, même si elles n’ont malheureusement pas réuni grand monde, et pas dans la plupart des capitales arabes.
Ce n’est pas le seul argument avancé par les détracteurs de la normalisation. Un autre se veut plus efficace. Il tente de répondre à la question suivante : Est-ce que la normalisation a joué un rôle positif pour la question du Sahara marocain ? La réponse à cette question est difficile, pour une raison bien simple : on ne gagne jamais en diplomatie, on avance.
Cette question en impose quelques autres :
- Quels résultats ont été obtenus par ceux qui n’ont pas normalisé sur la question palestinienne ? Là aussi, la réponse est compliquée. Parmi les pays arabes, il y a ceux qui n’ont pas encore normalisé ; leur posture leur permet de peser sur les USA, principal soutien d’Israël, c’est le cas de l’Arabie Saoudite. Un cas spécial qui ne dispose pas de ce seul moyen de pression. Il y a aussi ceux qui n’envisagent pas du tout la normalisation ; ils se font discrets et n’ont aucune chance de se rendre utiles à la cause palestinienne.
- Quelles ont été les motivations du Hamas dans les attaques du 7 octobre ? Le leadership sur la question palestinienne ? Ils sont devenus incontournables et la déclaration de Macron au Caire montre qu’il n’a aucune volonté de trouver une solution.
- La libération de la Palestine ? On a du mal à le croire compte tenu des forces en présence.
Autant de questions qui devraient nous interpeller et nous pousser à sortir de l’enfermement idéologique binaire de l’alliance contre nature d’une extrême gauche nostalgique et revancharde et d’une extrême droite salafiste rétrograde.
« Free Palestine » devrait être le slogan commun de toute la communauté humaine. On ne soutient pas la Palestine parce que nous sommes Arabes, mais parce que nous sommes humains et que l’on combat l’injustice et la violence contre des civils, des femmes et des enfants, innocents par nature.
Reconnaître Israël en tant que pays ne nous empêche pas de le combattre au niveau de toutes les instances internationales. On nous a imposé, nous les pays du Sud global, un droit dit international. Il ne fonctionne pas et doit se retourner contre ses instigateurs. Ils le voulaient universel et ils le piétinent aujourd’hui.
Suffit les discours de postures héritées de Nasser ; ils ont suffisamment participé à la décrédibilisation du monde arabe. Il nous faut de nouvelles armes, celles du développement, de la lutte contre les injustices et de la liberté d’expression. Une liberté respectueuse mais active, où chacun exprime ses opinions et son ressenti. Sur ce dernier registre, le Maroc est sur la bonne voie.
Bargach Larbi