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Pour adopter et réussir une politique africaine, mieux vaut préalablement lutter, puis vaincre et enfin éradiquer toute forme de racisme. Le Maroc s’implique sur son continent, mais les Marocains – ou du moins une partie considérable d’entre eux – devraient renoncer à leur legs raciste. Oui, il faut le dire, nous avons hérité d’une forme de racisme à l’égard de nos co-continentaux, entre autres… et ce racisme configure notre société et défigure notre pays.
C’est à la richesse du vocabulaire raciste que l’on peut mesurer l’étendue de ce fléau chez nous ; ainsi, pour désigner un Noir, c’est « Azzi », « Hartani », « Draoui », « Louiyene », « q… », « bamboula »… Les termes sont d’une condescendance et d’un mépris inouïs ! Et pour les autres catégories d’étrangers, aussi : « Nesrani », « lgaouri », « lberrani », « leblaq », des termes moins insultants mais tout aussi exclusifs.
Une autre affaire de racisme agite aujourd’hui notre société, du moins la frange sensible aux droits. L’ancien joueur et actuel coach Moussa Ndaw (photo), Sénégalais établi depuis des années au Maroc, a fait l’objet d’insultes racistes. Levée de boucliers dans les réseaux et les médias, essentiellement francophones, c’est dire… Dire donc que le fait est isolé et qu’il ne représente pas une grande partie de la société est faux.
Le Marocain est raciste, naturellement, sauf quand il réalise un travail sur lui-même pour comprendre et admettre qu’une personne de couleur différente, de religion différente n’est pas inférieure, mais simplement… différente. Ne pas reconnaître ce racisme consubstantiel à notre nature est inutile au mieux, dangereux au pire, car le fléau persistera et perdurera, s’amplifiera encore et encore, s’alimentant de lui-même. Il ne sert à rien de plonger dans le déni, alors même que l’on veut s’intégrer dans notre ensemble continental.
La constitution dit que les Marocains sont égaux. Mais la constitution parle pour elle-même : l’égalité de genre est encore lointaine, s’éloignant comme un mirage à mesure qu’on en approche… les inégalités de classes sociales sont criantes et visibles… les riches vs les pauvres… les Fassis contre le reste du monde… les citadins toisent les ruraux, qui les raillent en retour… Le racisme est bien ancré chez nous, sans haine certes, mais bien enraciné.
Des études pourraient être par ailleurs réalisées pour la haute fonction publique, militaire ou civile, sur la présence timide des Marocains noirs, estimés à 10% de la population, ce qui fait quand même quelques millions de personnes… des réflexions doivent être menées sur cette conception de l’Autre chez nous : est-elle de nature sociale, historique, régionale ? Et pourtant les Marocains sont réputés pour leur sens de l’hospitalité, leur gentillesse, leur humour, leur empathie pour les autres… Que nous manque-t-il donc pour bannir les pensées racistes ?
L’éducation, sans doute. Tout passe par la case école, d’une manière ou d’une autre. Inculquer cela à nos jeunes, à nos enfants, est une solution pour proscrire le racisme dans notre pays, pour instruire à la diversité, pour asseoir la culture de la différence… La politique aussi, peut contribuer, si tant est qu’elle en soit capable, en promouvant une culture de la diversité et une politique de la nationalité (pourquoi feu Mehdi Faria et pas Moussa Ndaw ?).
L’ancrage africain du Maroc est une orientation stratégique, mais il ne saurait être qu’en abolissant le racisme dans notre société. Le Maroc en Afrique, ce n’est pas seulement l’économie ou la géopolitique, ce sont d’abord et avant tout les rapports humains. Cela prendra une ou deux générations, mais il faut commencer, et pour commencer, il faut que nos dirigeants politiques en soient vraiment convaincus.
Le sont-ils réellement ? De la réponse à cette question se profilera la nature de notre société dans les années à venir.
Rédigé par Aziz Boucetta sur https://panorapost.com