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" Brahim et Fatima " , une presque nouvelle de Hafid Fassi Fihri


Rédigé par le Mercredi 24 Février 2021

Hymne à l'amour, Hymne à la vie. Hymne à la survie.



Hymne à l'amour, Hymne à la vie. Hymne à la survie.

" Brahim et Fatima "  , une presque nouvelle de Hafid Fassi Fihri
Six heures du matin . Brahim dort toujours à poings fermés. Fatima est déja debout depuis deux heures plus tôt . Elle a préparé des crêpes et du pain , repassé la chemise de son mari qu'elle avait lavé la veille . Raccommodé son pantalon et ses chaussettes . 
 
Fatima n'est ni heureuse ni malheureuse , elle n'a absolument pas d'états d'âme et le bonheur , elle ne sait même pas qu'est ce que c'est ! 
 
Elle et Brahim ne se parlent pas ,  ne se regardent même plus. Même pas dans cette vieille et usée chambre à coucher où ils ont oublié de changer l'ampoule .
 
En fait de chambre à coucher , il s'agit de la seule pièce de leur modeste demeure .Une pièce qui leur sert également de séjour , de salle à manger où ils dorment avec leurs trois enfants .
Une pièce ouverte qui donne sur ce qui leur sert de cuisine et de WC  .
Avec son humour noir ou acide , franchement les deux en même temps , Fatima ironise en se disant qu'elle a une cuisine américaine. Avec la cuisine et l'Amérique en moins toutefois  .
 
 Et lorsque les odeurs de cuisson sont trop envahissantes, personne ne s'en plaint jamais car chez  ces gens-là  on s'estime très heureux d'avoir pu cuisiner et avoir trouver de quoi apaiser sa faim.
 
La Saint- Valentin du Pauvre !
 
Fatima n'arrête pas de marmonner et de tourner en rond veillant au grain dans son presque vingt -cinq mètres carrés : " Depuis le temps que je demande à Brahim de faire une vente et un achat qui nous reviendrons par le bien , cela nous aurait permis de tourner le mouvement un petit peu et de payer les dettes qui sont sur nous . Dans l'éducation des poules par exemple . Dans ce pays , chacun frappe sur sa tête , et quand j'étais femme de ménage , moi et Brahim on ne frappait le calcul de rien . 
 
On n'a pas vu le temps passer , ni les enfants grandir .On était insouciants . Là ,  je suis fatiguée , lasse et désabusée. Le plus dur , c'est de ne pas savoir s'il va ramener de quoi manger tout à l'heure. On a connu des jours heureux pourtant , la vie en rose . Les enfants allaient se baigner dans l'oued Bouregreg et on pouvait passer un moment en tête à tête . Là , la baignade est interdite et les enfants refusent d'aller passer la journée à la plage sans sandwich et boissons . On les comprend. 
 
Pour la Saint -Valentin , eh oui je sais ce que c'est car j'en ai entendu parler sur la terrasse , j'aurais aimé que Brahim nous ramène cinq beignets , peut-être même juste quatre . Malheureusement , même le vendeur de beignets du quartier a fermé boutique depuis le confinement et puis, on ne l'a plus jamais revu." 
 
Brahim a sa fierté. C'est tout ce qui lui reste car le fichu virus lui a pris le peu qu'il possédait.
 
Vive les pauvres .
 
La vie rêvée des pauvres .
Les pauvres ont de la chance tout de même. Les achats superflus , ils ne savent même pas ce que c'est. Ou bien alors ils regardent les autres faire .
Leur véritable chance c'est que lorsqu'ils perdent tout avec une catastrophe naturelle ou une pandémie , en fait ils ne perdent rien puisqu' ils n'ont rien ! 
Ils n'ont rien à perdre et il faut avouer que cela change beaucoup de choses , n'est-ce pas  réconfortant de ne pas avoir de problème de riches !? 
 
Quand Fatima était jeune fille ,elle vagabondait souvent avec ses parents qui commerçaient dans les Moussem. C'est d'ailleurs comme cela qu'elle a rencontré son homme
 
 
"  La seule fois où on a voyagé avec Brahim , c'était pour notre mariage où on avait égorgé deux coqs et préparer du Couscous pour enterrer ma vie de jeune fille . On était allés trois jours à Moulay Yacoub et puis cinq à Moulay Brahim . 
 
Depuis ce foutu virus , notre vie est sens dessus dessous car au lieu d'acheter des masques avec l'argent que nous n'avons même pas , nous préférons avoir un kilo de sardines et deux ou trois pains  .
 
A l'époque, il nous arrivait même d'aller au cinéma car c'était la grande mode .Mais, les scènes de ménage étaient fréquentes car moi je préférais voir les films hindous et lui Bruce Lee et le Karaté. Mais cette passion du cinéma nous a passé avec le temps et n'est plus qu'un lointain et agréable souvenir des belles et folles années de jeunesse." : Soupire Fatima avant de reprendre : 
 
"Notre chance c'est que nos seuls amis ne sont pas des hypocrites qui font semblant d'être des amis par intérêt. On ne se plaint de rien car Dieu ne nous oublie jamais  !
Le plus important , Alhamdoulilah c'est qu'ils vont tous bien même si nous n'avons rien à leur offrir à part notre affection et nos prières"
 
Brahim et Fatima n'ont même pas la télé et ils se disent que c'est tant mieux avec toutes ces débilités , indigestes et hors-propos par rapport à leur modeste quotidien qui les rendent dingues .Il ont juste un vieux transistor qui marche une fois sur deux . Sinon , la vie continue avec ou sans eux. 
Il était une fois Brahim et Fatima , des gens bien pauvres comme il y en a des millions dans ce pays qui est le mien.
 
Par Hafid Fassi Fihri
 






Hafid Fassi fihri
Hafid Fassi Fihri est un journaliste atypique , un personnage hors-normes . Ce qu'il affectionne,... En savoir plus sur cet auteur
Mercredi 24 Février 2021

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