Les banques s’ouvrent aux petites entreprises… mais à quel prix ?
Parmi les réformes économiques les plus attendues au Maroc, le financement des TPME (Très Petites, Petites et Moyennes Entreprises) revient comme une promesse souvent répétée, rarement tenue. Pourtant, un frémissement récent pourrait bien changer la donne. Ou du moins, le faire croire.
Il faut dire que le poids des TPME dans le tissu économique national est massif : elles représentent 88 % des entreprises marocaines. Et pourtant, leur accès au crédit bancaire reste désespérément limité. Ce paradoxe n’est pas nouveau. Mais la Banque centrale semble vouloir y mettre un terme – ou au moins en atténuer les effets.
Souvenons-nous : en octobre 2019, SM le Roi Mohammed VI lançait un appel solennel à la simplification de l’accès au crédit, en particulier pour les jeunes entrepreneurs. Ce coup de semonce visait directement les banques, accusées de manquer d’audace et de soutien concret. La réponse s’est faite sentir avec le programme Intelaka, une initiative mobilisant 8,6 milliards de dirhams, au bénéfice de 32 000 porteurs de projets. Mais cinq ans plus tard, le constat est mitigé. Trop administratif, trop rigide, trop éloigné des besoins réels des petites structures.
Aujourd’hui, les autorités monétaires veulent corriger le tir. Et cela commence par le cœur du système : le taux directeur.
Lors de sa réunion du 18 mars 2025, Bank Al-Maghrib a abaissé son taux directeur de 25 points, le fixant désormais à 2,25 %. Un geste technique, certes, mais qui vise à relancer l’investissement et alléger la pression sur les porteurs de projets. Plus intéressant encore : un programme de refinancement à taux préférentiel a été mis en place, ciblant spécifiquement les très petites entreprises.
L’objectif ? Que les banques puissent prêter davantage à ces acteurs de proximité, souvent considérés comme risqués. Mais ce levier reste conditionné à une réalité : la volonté – ou non – des établissements bancaires de jouer le jeu.
Autre initiative en cours : la refonte du programme Intelaka. Cette fois, les mots d’ordre sont “suivi”, “accompagnement”, “réalisme économique”. Des expressions qui sentent le bon sens… mais qui demandent du concret. Une réunion prévue en juin entre la CGEM, Bank Al-Maghrib et les banques pourrait clarifier les contours du nouveau cadre d’action.
Par ailleurs, Tamwilcom, bras armé de l’État pour les garanties, est mis à contribution. Objectif : adapter les quotités et les commissions pour inciter les banques à desserrer l’étau. Mais là encore, la recette magique reste à inventer. Car baisser les taux ne suffit pas si les banques continuent de classer les TPE comme "non rentables" par principe.
Un fonds pour sauver les entreprises viables, mais fragiles
Dans un Maroc secoué par des crises successives, la question des entreprises en difficulté passagère devient centrale. BAM, Tamwilcom et le Groupement Professionnel des Banques ont lancé un fonds de soutien ambitieux. Destiné aux TPME réalisant moins de 175 millions de dirhams de chiffre d’affaires, ce mécanisme permet d’obtenir jusqu’à 50 millions de dirhams de prêts subordonnés, sur une période maximale de 10 ans. Un coup de pouce qui pourrait faire la différence… pour ceux qui y accèdent.
Enfin, dans le cadre de la nouvelle Charte de l’investissement, un dispositif vise à accompagner les projets compris entre 1 et 50 millions de dirhams pour les entreprises ayant un chiffre d’affaires allant jusqu’à 200 millions. Encore une fois, la cible est claire : encourager les porteurs de projet à investir, à créer, à risquer. Reste à voir si l’environnement bancaire saura faire preuve de souplesse et de vision.
Ce que l’on ne dit pas (encore)…
Ces nouvelles annonces dessinent, en apparence, un tournant stratégique. Mais derrière la vitrine des taux abaissés et des mécanismes de garantie révisés, une question de fond demeure : le blocage est-il vraiment technique... ou profondément culturel ?
Car oui, même si les lignes bougent du côté de Bank Al-Maghrib et de Tamwilcom, l’accès effectif au crédit reste miné par une culture bancaire dominée par l’aversion au risque, des procédures opaques, et un manque criant d’accompagnement de proximité. Trop souvent, les TPE sont perçues non pas comme des moteurs d’innovation ou de croissance, mais comme des dossiers à risque à écarter poliment.
La volonté politique est là, les instruments financiers aussi. Mais tant que les mentalités dans les agences bancaires – sur le terrain – ne changeront pas, tant que les TPME devront se battre pour prouver qu’elles méritent d’être financées, le crédit restera un privilège réservé à ceux qui ont déjà les bons codes.
En fin de compte, peut-on vraiment construire une économie inclusive sans libérer, pour de bon, le potentiel de ces petites structures ? Pour l’instant, les promesses s’empilent plus vite que les décaissements.
Car oui, même si les lignes bougent du côté de Bank Al-Maghrib et de Tamwilcom, l’accès effectif au crédit reste miné par une culture bancaire dominée par l’aversion au risque, des procédures opaques, et un manque criant d’accompagnement de proximité. Trop souvent, les TPE sont perçues non pas comme des moteurs d’innovation ou de croissance, mais comme des dossiers à risque à écarter poliment.
La volonté politique est là, les instruments financiers aussi. Mais tant que les mentalités dans les agences bancaires – sur le terrain – ne changeront pas, tant que les TPME devront se battre pour prouver qu’elles méritent d’être financées, le crédit restera un privilège réservé à ceux qui ont déjà les bons codes.
En fin de compte, peut-on vraiment construire une économie inclusive sans libérer, pour de bon, le potentiel de ces petites structures ? Pour l’instant, les promesses s’empilent plus vite que les décaissements.