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BIDEN - TRUMP : La transition présidentielle


Le 5 novembre, Donald Trump a été officiellement élu président des États-Unis. La passation, aux termes de la Constitution, ne s'effectuera que le 20 janvier prochain. Une durée exceptionnelle de 75 jours. Et des difficultés singulières.



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Par Mustapha Sehimi

Il faut relever pour commencer que l'encadrement constitutionnel de la transition présidentielle est bien simple. La Constitution fédérale n'a pas prescrit formellement de synchroniser l'élection présidentielle et l'entrée en fonction du nouveau président. Elle le rend simplement possible en ne fixant la date de la passation de pouvoir que depuis 1804, d'abord le 4 mars, puis le 20 janvier depuis une révision constitutionnelle de 1933. Il revient au Congrès d'établir la date de l'élection présidentielle pour toutes les élections depuis 1792. Voilà bien une singularité. L'on peut y mettre fin. Il suffirait au Congrès de repousser l'élection de deux mois. Mais il y a plus. Ainsi, la Constitution n'encadre pas davantage les conditions dans lesquelles s'opère cette transition. Si bien qu'avant le 20 janvier, elle ne retranche aucune des compétences du président sortant, en l'occurrence Joe Biden, et n'en attribue pas davantage à son successeur, Donald Trump. Durant la transition, le pouvoir présidentiel s'exerce sans partage. 
 

Légitimité et pouvoirs présidentiels

Cette période présente une originalité principale: elle tient à la disjonction temporaire de la légitimité et du pouvoir présidentiels. En temps normaux, dira-t-on, ils vont de pair : le président tire ses pouvoirs de la Constitution ; il les exerce au nom de la légitimité de son succès électoral. Mais pendant la transition présidentielle, l'équilibre est bousculé par le déplacement de la légitimité électorale du président vers son successeur. D'une autre manière, l'on pourrait dire ceci: le président sortant jouit d'un pouvoir sans légitimité et son successeur, lui, d'une légitimité sans pouvoir.
 

Faute de prescriptions constitutionnelles détaillées, il faut éclairer la période actuelle et se tourner vers les pratiques institutionnelles. Habituellement, la transition est conçue comme le moyen d'aménager en douceur, dans l'intérêt général, la passation de pouvoir entre deux présidents et leurs administrations. Cette habitude est ancienne. L'on en  trouve trace au début de 1913, avec l'aide apportée par l'administration de William Tarft au futur secrétaire d'État de Woodrow Wilson, William Jennongs Bryan. Elle se systématise ensuite à partir de 1952: Harry Truman ordonne alors à son administration d'aider l'équipe de Dwight Eisenhower à se préparer à l'exercice du pouvoir. Pour le vainqueur de l'élection présidentielle volontiers qualifié de "président élu " (président-elect), il s'agit alors de remplir trois principales missions: approfondir sa compréhension des questions politiques du moment, élaborer des stratégies politiques et choisir les futurs membres du gouvernement et de l'administration. Les deux premières, au moins, impliquent qu'un dialogue soit possible avec le pouvoir en place. Le président Biden a fixé un rendez- -vous pour ce mercredi 13 novembre courant, à la Maison Blanche, pour arrêter avec le président Trump, les modalités de gestion de la transition jusqu'au 20 janvier 2025.
 

Une contrainte

A n'en pas douter, pour le président sortant, cette transition est d'abord une contrainte. S'il est bien en droit, titulaire de toutes les compétences présidentielles, de fait il ne jouit plus de la plénitude de ces dernières. Son influence avait déjà fortement décliné avec son retrait de la course présidentielle et la candidature de sa vice- présidente, Kamala Harris, le 21 juillet dernier. Depuis l'échec de celle-ci le 5 novembre, c'est encore plus accentué à mesure que s'approche 1'investiture officielle de son successeur. Les chefs d'État étrangers se tournent désormais plus volontiers vers Trump - on le voit également du côté des administrateurs et élus fédéraux ou encore des autorités des États fédérés en particulier lorsqu'ils partagent sa sensibilité politique républicaine. Pour désigner cette situation, la tradition politique américaine retient une image: celle d'un "canard boiteux" (lame duck)...
 

Cela dit, le poids de cette contrainte est variable selon les circonstances de telle ou telle élection présidentielle. Si le locataire de la Maison -Blanche est issu du parti du président, les transitions dans les administrations son moins heurtées, plus douces. A l’inverse, il existe un risque d'accroissement des tensions, en cas d'alternance. Autre cas: celui du président candidat malheureux à un nouveau mandat. Lorsqu'il n'est pas en revanche candidat à sa propre succession, la transition prend une autre signification lorsqu'il a été battu par son successeur. Gerald Ford face à Jimmy Carter en 1976, Ronald Reagan en 1980 face à Jimmy Carter ou encore Bill Clinton en 1992, face à George Bush et surtout en 2000 avec la passation pratiquement crisogène entre Trump et Biden.

 


Une forme d'irresponsabilité politique

Le président sortant a-t-il encore des moyens d'agir ? Libéré de l'ambition d'être réélu il bénéficie durant une dizaine de semaines, d'une forme d'irresponsabilité politique tout en disposant encore de nombreux instruments juridiques et politiques: adopter des actes réglementaires sur lesquels son successeur aura du mal à revenir, exercer même son veto - hypothèse peu probable cependant par la situation du congrès et, surtout, prononcer des grâces et des amnisties. Enfin, dans l'ordre international le président peut prendre des décisions pouvant lier le pays pour des mois ou des années. Il dispose toujours de la force armée. En matière d'engagements internationaux, des décisions - même symboliques peuvent s'imposer à l'administration suivante et la placer dans l'embarras  - telle la signature, en 2.000, du statut de Rome établissant la CPI, contre l'avis du Congrès - un engagement qui n'a pas été ratifié; ou encore, d'autres décisions plus pérennes comme le Tribunal arbitral irano- américain , instauré par Jimmy Carter en 1980, ouvrant des recours aux victimes d'expropriations américaines du nouveau régime de Téhéran.
 

Enfin, pour ce qui est des étapes de la transition présidentielle, l'agenda est le suivant: certification des résultats électoraux et nomination du collège électoral qui se réunit en décembre pour voter officiellement pour le président et le vice-président; validation de ces résultats par le Congrès début janvier 2025; préparation du président élu (mise en place d'une équipe de transition, examen des politiques en cours, nominations nécessaires de ministres et de chefs d'agences, préparation d'un programme de gouvernement; réception par le président élu et son équipe des informations confidentielles et des briefings de sécurité, y compris les questions de sécurité nationale, etc). La transition s'achève le 20 janvier prochain avec la cérémonie d'inauguration de prestation de serment et de prise officielle de ses fonctions.

Rédigé par Mustapha Sehimi sur Quid 




Mercredi 13 Novembre 2024


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