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L’Occident et le fascisme d’un genre nouveau


Dans l’ancien magazine Pilote, disparu en 1989, on avait défini les Grecs comme étant « ceux qui ont inventé la démocratie, mais en ont oublié le fonctionnement ». C’était satirique, puissamment caustique, à l’image du magazine, et c’était au début des années 70 du 20ème siècle. En cette moitié des années 20 du siècle actuel, on peut corriger ou compléter cette phrase par « l’Occident a inventé la démocratie et les droits de l’Homme mais en a oublié le fonctionnement et en a perdu l’usage »



A lire ou à écouter en podcast :


Il est vrai que quand on considère les pays du G7 aujourd’hui, on ne peut qu’être frappés par les reculs démocratiques et l’extraordinaire indifférence face au respect, ou non, des droits des hommes, si l’on postule bien évidemment que les hommes sont égaux, qu’ils naissent et demeurent libres et égaux en droit (cela est aussi une invention occidentale). Ces nations sombrent aujourd’hui, presque toutes, dans une forme assurée et assumée d’autoritarisme, une bonne dose d’illibéralisme et, pour tout, dire, empruntent de plus en plus visiblement la voie de la radicalisation fascisante. C’est le très respecté historien Robert Paxton qui le suggère, ayant changé d’opinion sur Trump, qu’il considère désormais comme fasciste, et aussi sur les autres pays du G7.
 

L’idée de Paxton (nous y reviendrons) est que les fascistes du 21ème siècle ne se présentent plus avec fanions et uniformes, mais dans un style bien plus consensuel ; sauf qu’ils reprennent les comportements de leurs aïeux (seul contre tous), reproduisent leurs schémas partisans (le chef incontesté et la communauté charismatique) et, comme eux, sont servis par des contextes explosifs mais à leur différence, disposent d’une technologie qui permet l’universalité.
 

Le point, pays par pays.

1/ L’Allemagne. Grande démocratie s’il en est, l’Allemagne est caractérisée par une solide stabilité institutionnelle et de robustes garde-fous antifascisme. Mais ça, c’était avant… Aujourd’hui, le parti d’extrême-droite AfD avance avec constance et monte en puissance, prenant récemment la pole position dans deux Lander est-allemands. On peut deviner la suite et on peut s’inquiéter qu’en Allemagne, la nation qui a offert Hitler à l’humanité, un parti ouvertement raciste et xénophobe devienne un parti gouvernemental, dans un contexte politique de plus en plus friable.
 

2/ La France. Le Front, devenu Rassemblement, national, rassemble de plus en plus. Il est depuis plusieurs années le premier parti de France, et malgré les résistances des uns et les coups bas des autres, ce parti s’approche du pouvoir d’élection en élection et, au final, gouvernera la France. Dans l’intervalle, le président Macron a ignoré les élections et nommé un gouvernement largement issu du parti arrivé 5ème aux législatives. En France, terre de démocratie, les vainqueurs sont ignorés et les vaincus gouvernent.
 


3/ Le Royaume-Uni. La vénérable démocratie britannique prend de la gîte. Quatre premiers ministres en quatre ans, yoyo des majorités, élues par une population encore assommée par le coup de massue du Brexit. Le pays du respect et du fair-play a envisagé d’exporter ses migrants illégaux au… Rwanda ! Projet abandonné par l’actuelle majorité mais le mal est fait et le racisme gagne du terrain, l’extrême-droite aussi, lorgnant sur le grand frère américain.
 

4/ L’Italie. Depuis Berlusconi, l’extrême-droite prépare son retour dans le pays de Mussolini. Hier Salvini, aujourd’hui Meloni, dont le parti d'extrême droite Fratelli d’Italia est sorti de la matrice fasciste et rogne lentement mais sûrement les principes et valeurs de l’Etat de droit. Georgia Meloni construit patiemment les fondements d’une société « illibérale », terme élégant pour désigner une réalité politique autoritariste.
 

5/ Les Pays-Bas. Geert Wilders hait l’islam, les musulmans, les Arabes, les migrants non occidentaux, non Blancs, et il le dit. On le croit, on le soutient, on l’élit et on fait de son parti ouvertement raciste le premier parti du pays. M. Wilders ne sera pas Premier ministre, le pays n’étant pas encore prêt, mais il se prépare…
 

6/ L’Espagne. Le pays est gouverné depuis 2019 par des gouvernements minoritaires. Le talent politique et l’art manœuvrier de Pedro Sanchez font oublier la spectaculaire montée, malgré quelques reflux, du parti Vox, xénophobe et anti-migrants. Les récentes inondations à Valence montrent le potentiel de violence que cache l’apparente stabilité du royaume. Mais, exception à la règle, l’Espagne a su montrer la cohérence qu’elle place entre les valeurs humaines et démocratiques qu’elle défend et leur application sans concession, même contre les alliés israéliens.
 

7/ Israël. Entre la tentation autoritariste et totalitaire de Benyamin Netanyahou, l’intimidation des opposants, la répression des réfractaires et le carnage en cours dans la région, on ne peut plus vraiment qualifier Israël de démocratie, loin s’en faut. La « seule démocratie de la région » l’aura peut-être été un temps, mais plus aujourd’hui.
 

8/ Les Etats-Unis. Et, last but not least comme on dit chez eux, les Américains viennent de placer les clés du pays – présidence, Congrès et Cour suprême – entre les mains de Donald Trump qui a promis de n’être dictateur que le premier jour de sa présidence. Il n’a pas attendu, nommant des profils offensifs aux postes les plus élevés de son administration, sans passer par le Sénat. Et il promet plus et pire, sachant qu’il tient toujours parole.
 

Dans tous ces pays, on a pensé ou on pense à exporter (déporter serait un terme plus adéquat) les migrants. Massivement. Et pour cela, la construction de camps est envisagée, partout, dans des termes atténués, en mettant les formes. Mais des camps. Des camps en Europe et aux Etats-Unis !
 

Et de fait, montée en puissance des extrêmes droites ou au moins des droites extrêmes, recul des principes démocratiques, totale ignorance des valeurs d’humanité dès lors qu’il s’agit des alliés, et menaces sur la démocratie, ses codes, ses principes et ses pratiques… voilà comment on peut qualifier aujourd’hui le bloc occidental qui, consciemment ou non, sciemment ou pas, continue de répandre sa bonne parole sur les droits de l’Homme et la pratique démocratique.
 

Quant aux peuples, ils adhèrent, en dépit des quelques voix sages, de plus en plus rares, qui crient à la catastrophe dans toutes ces nations et qui prophétisent les catastrophes à venir. L’addition des colères, la perception d’un déclin, le ressenti d’une humiliation collective poussent des mouvements de masse vers le pouvoir, aidés par l’extraordinaire puissance des réseaux sociaux, dont les patrons (Peter Thiel, Elon Musk…) sont résolument engagés aux côtés de Donald Trump.

La Big Tech organisée en synarchie au service d’un nouveau fascisme ? Tel est le danger actuel, qui n’est pas virtuel.
 

Rédigé par Aziz Boucetta sur Panorapost


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aziz_boucetta.wav Aziz Boucetta.wav  (33.03 Mo)




Mardi 19 Novembre 2024

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