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Allô, chères infirmières marocaines revenez donc chez vous !


Rédigé par le Mercredi 26 Mars 2025

Des centaines d’infirmiers marocains confrontés à un parcours d’intégration désastreux au Québec
Un programme d’immigration mal calibré vire au cauchemar pour les soignants marocains
Rabat met fin au recrutement après les alertes sur les conditions d’accueil et de formation



Quand le rêve canadien se transforme en désillusion marocaine

Ils avaient tout quitté : leur poste stable, leur pays, parfois même leur famille élargie, pour répondre à l’appel du Québec en quête de bras soignants. Mais à peine arrivés, les sourires se sont fanés. Un vent de solitude, des procédures kafkaïennes et une intégration bâclée ont balayé les espoirs de centaines d’infirmiers marocains partis en 2022 tenter l’aventure nord-américaine. Le dernier rapport interne du ministère québécois de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI) en dit long : ce programme, censé combler les pénuries hospitalières, a surtout laissé sur le carreau des professionnels en souffrance.

À écouter les témoignages recueillis par la presse canadienne, le programme de « francisation » et de mise à niveau des compétences ressemble davantage à un parcours du combattant qu’à un tremplin vers l’emploi. « On nous a infantilisés. Aucun accompagnement réel, peu d’informations claires », confie un infirmier marocain sous anonymat. Titulaire d’un diplôme obtenu en 2019, il n’avait pas anticipé la lourdeur d’une formation pouvant s’étaler sur 14 mois, où l’échec à un module signifie exclusion immédiate… et perte de toutes ressources financières. Sans plan B. Sans droit de travailler. Sans accompagnement psychologique. Pour des professionnels qualifiés, ce traitement confine à l’absurde.

Et que dire des conditions de vie ? Affectés dans des régions reculées du Québec, loin des grands centres, ces soignants ont dû affronter un isolement social profond. Logement introuvable ou hors de prix, garderies saturées, crédits inaccessibles car inconnus au fichier bancaire : le quotidien est devenu une suite d’obstacles. Certaines infirmières, mères de famille, ont été contraintes d’arrêter leur activité pour garder leurs enfants, faute de places en crèche. D’autres ont dû acheter une voiture dans l’urgence pour pallier l’absence de transports publics, sans même avoir encore leur permis de conduire québécois. Un détail logistique ? Non : une épreuve administrative, coûteuse et souvent paralysante.

Ce chaos programmé a fini par franchir les frontières diplomatiques. En octobre dernier, les autorités marocaines ont demandé que leurs ressortissants ne soient plus inclus dans ce programme à partir du second trimestre 2024. Une décision lourde de sens, qui traduit un malaise profond. Face à cette alerte, le gouvernement québécois a accepté de suspendre le recrutement de Marocains « par souci d’éthique ». Un aveu d’échec à peine voilé.

Sur le papier, ce programme avait tout pour séduire : Québec avait besoin d’infirmiers, le Maroc en forme des milliers chaque année. L’idée d’une coopération gagnant-gagnant s’est transformée en une expérience amère, où l’humain a été relégué au second plan derrière la logique de chiffres. Il ne suffit pas de recruter, encore faut-il accueillir dignement. Un DRH digne de ce nom sait que l’intégration ne s’improvise pas : elle se prépare, se suit, se corrige.

Aujourd’hui, que reste-t-il de ces rêves canadiens ? Pour certains, un retour difficile, avec un CV marqué par une rupture et une expérience inachevée. Pour d’autres, une volonté de rester malgré tout, au prix de sacrifices personnels immenses. Mais une chose est sûre : cet épisode mérite un audit en profondeur, et surtout une réflexion éthique sur les conditions d’expatriation professionnelle. Car derrière les politiques d’immigration économique, il y a des vies, des familles, des espoirs. Et des blessures parfois irréversibles.

​Le Maroc, lui, ne peut plus se permettre de perdre ses soignants

Alors que le Royaume trace les contours de son ambitieux projet d’État social, misant sur la généralisation de la couverture médicale, la réforme des hôpitaux publics et la montée en compétence du personnel de santé, il devient vital de garder — et de chérir — ses infirmières. Leur rôle est central, stratégique, même. Les voir partir en masse, pour ensuite revenir désillusionnées, représente un gâchis à plusieurs niveaux : humain, économique, sanitaire.

Il est donc temps de tirer les leçons de ce fiasco nord-américain. Pas seulement pour mieux encadrer l’expatriation des compétences, mais surtout pour créer, ici, au Maroc, les conditions de travail, de respect et de reconnaissance qui donneront à nos soignants l’envie de rester. Car sans elles, sans eux, l’État social que nous appelons de nos vœux restera lettre morte. Il ne suffit pas de rêver le changement, encore faut-il y associer celles et ceux qui le rendent possible.

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Mercredi 26 Mars 2025

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