Par Aziz Boucetta
L’Allemagne. Le 10 décembre 2020, on le sait, coup de tonnerre sur la géopolitique nord-ouest-africaine : Donald Trump signe la reconnaissance de l’intégrité territoriale du Maroc, lequel reprend (officiellement) ses relations avec Israël. Les Allemands apprécient peu et saisissent le Conseil de sécurité de l’ONU pour évoquer la question. Un coup d’épée dans l’eau… Puis le parlement de Brême hisse le drapeau de la RASD devant sa façade, entre autres actes inamicaux comme la marginalisation du Maroc dans l’affaire libyenne. Le Maroc suspend ses relations avec les organismes allemands au Maroc, puis rappelle son ambassadrice, et enfin, bascule pour ses projets énergétiques (hydrogène vert en l’occurrence) vers les Anglais, eux-mêmes à la recherche de débouchés après leur Brexit. Berlin sursoit alors, punition ultime, à la délivrance de visas. Rabat ne bronche pas et laisse pourrir les choses.
Puis, le 13 décembre, un an après l’acte de Trump et la saisine du Conseil de sécurité, comme pour marquer la date, le ministère des Affaires étrangères allemand de l’ère Sholtz, publie un communiqué d’apaisement, dans lequel le ministère allemand des Affaires étrangères nous apprend en gros que le Maroc est bon dans à peu près tout ! Tout y passe, la solution acceptable et durable au Sahara, le plan d’autonomie « important », la place incontournable du Maroc dans la région, la coopération entre les deux pays et, "pour finir", cette phrase étrange :
« Pour finir, le ministère fédéral des Affaires étrangères soutient la préservation de la culture au Maroc »…
L’Espagne. Elle a reçu Brahim Ghali sans en informer Rabat, qui proteste, et se fait rabrouer par l’ancienne ministre des Affaires étrangères de Madrid. Le Maroc rugit, puis agit, et agite la carte de la migration, coupe les liaisons maritimes, organise le Grand Contournement de l’Espagne pour le retour des Marocains du monde… Le 20 août, le roi Mohammed VI a des paroles apaisantes, le 21 c’est au tour de Pedro Sanchez de nous qualifier, nous autres Marocains, de « voisins, alliés et frères » ! Rien ne se passe et ce 17 janvier, c’est au tour du roi Felipe VI d’appeler à une relation nouvelle fondée sur des piliers solides entre les deux pays, interdépendants et fondés sur des liens à caractère stratégique.
La France. Elle défend certes les positions marocaines à l’ONU, mais ne semble pas avoir compris l’évolution du royaume dans sa diplomatie et son économie. Mais ce n’est pas grave, elle est en campagne présidentielle et dévoile bien des choses sur sa relation à l’Afrique en général, au Maghreb en particulier et avec le Maroc très précisément.
« Nous tenons à exprimer Notre considération aux pays et aux groupements qui sont liés au Maroc par des conventions et des partenariats et pour qui nos provinces du Sud constituent une partie intégrante du territoire national. En revanche, à ceux qui affichent des positions floues ou ambivalentes, Nous déclarons que le Maroc n’engagera avec eux aucune démarche d’ordre économique ou commercial qui exclurait le Sahara marocain ».
Allemagne, France et Espagne s’inscrivent-elles dans cette logique, franchement et massivement ? Non. A une époque où les uns et les autres doivent choisir leurs alliés, avec audace et même prise de risque, ainsi que Rabat l’a fait avec Washington, Londres et Tel Aviv, Paris, Berlin et Madrid persistent à chercher le leurre et l’argent du leurre, à vouloir s’engager au Maroc et ménager l’Algérie.
Pour aimables qu’elles soient, les déclarations allemandes et espagnoles demeurent du verbiage diplomatique. Au Maroc de choisir ce qu’il veut : rester dans la logique du refus ferme du « flou « et de « l’ambivalence » et en assumer les risques politiques et économiques, ou se contenter de miettes et se suffire de mots doux, vérifiant la logique du « tout flatteur vit aux dépens de celui qui l'écoute; cette leçon vaut bien un verbiage, sans doute ».
Rédigé par Aziz Boucetta sur Panorapost