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Affaire Saad Lemjarred, viol lubrique en France et voile pudique au Maroc


Le chanteur marocain a finalement été condamné pour viol, et pour cela il devra purger une peine de six années de prison. C’est donc la fin du feuilleton Saad Lemjarred, qui dure depuis cette nuit d’octobre 2016, lorsqu’il avait été interpellé dans son hôtel parisien après des accusations de viol avec violences portées contre lui par Laura Prioul, en pleurs, en panique, vêtements déchirés, des marques de coups couvrant son corps.



Par Aziz Boucetta

Personne ne peut se réjouir de la condamnation de quelqu’un, mais personne ne peut non plus s’accommoder d’actes de viol et de violence sur une femme, ou un homme. Or, c’est ce qui s’est produit tout au long de ces six longues années, durant lesquels la passion pour le chanteur l’a très souvent emporté sur les faits qui lui étaient reprochés.

Pour certains, le chanteur devait expier, il était coupable, alors même que le débat contradictoire n’avait pas eu lieu, sur la seule base de ses errements passés, il est vrai troublants ; mais une personne ne peut être condamnée que par la justice. Pour d’autres, c’est la Française qui est fautive : « C’est un homme, c’est normal », « que faisait-elle avec lui dans sa chambre d’hôtel ? », «  si elle a accepté un baiser, comme elle le dit elle-même, c’est qu’elle était consentante pour le reste »… et puis, plus récemment, pour les plus imaginatifs, « c’est la fracture entre Paris et Rabat qui se reflète dans ce procès »… autant de commentaires apportés par ses fans, hommes et femmes, et aussi par des hommes et femmes qui ne sont même pas ses fans, mais qui considèrent ainsi une relation sexuelle, faite de naturelle domination pour l’homme et de nécessaire soumission pour une femme.

L’affaire Laura Prioul vs Saad Lemjarred a éclaté en 2016, un an avant la naissance du mouvement #Metoo, apparu à la suite des révélations du producteur hollywoodien Harvey Weinstein, accusé par de très nombreuses femmes de harcèlement sexuel, d'agression sexuelle ou de viol. La libération puis la prise de parole par les femmes, à Hollywood, puis aux Etats-Unis, puis dans le monde, allait sonner comme un grondement de tonnerre pour tous ces hommes aux mains baladeuses, et pas seulement les mains. En général des célébrités, supposément intouchables, de tous les bords et de tous les secteurs.

Les plaintes pour viols ou harcèlement explosent dans les commissariats qui peinent à suivre le mouvement, des carrières sont détruites, des responsables de premier plan démissionnent ou sont limogés, d’autres sont condamnés. Et d’autres sont protégés…

Mais pour autant, on ne peut se poser la question de savoir dans quelle mesure il n’y a pas eu d’abus, comme cela fut souvent le cas. De la même manière qu’il se trouve des agresseurs chez les hommes, il existe des menteuses, des mystificatrices dans les...rangs des femmes, pour solder de vieux comptes, pour se venger, pour menacer… C’est pour cela que la justice, pour Saad Lemjarred comme pour d’autres, doit pouvoir se prononcer sereinement, et ne pas forcément croire sans preuve une femme qui se dit violée ou agressée, pas plus qu’un homme qui se dit innocent.

Mais depuis, plus rien, ou si peu… De grands noms de la politique ou du spectacle et des médias, dans le monde, ont été cités dans des affaires, sans qu’il n’y ait eu de suites. Et il y a aussi ce constat que les dénonciations se sont taries avec le temps. Les hommes se seraient-ils donc disciplinés, assagis, acceptant de passer par la « voie » normale pour plaire, maîtrisant soudainement leurs langues et retenant leurs mains ? Que s’est-il donc produit pour que l’on n’entende plus autant de révélations qui, on s’en souvient, dans la seconde moitié des années 2010, étaient quasi hebdomadaires ?

Et au Maroc, serions-nous donc, nous les hommes, tous des saints ? Ou serait-ce la gent féminine qui n’ose pas dénoncer et qui subit des assauts en silence par peur de l’opprobre sociale ou des procès faciles en provocation ? Jadis, nous avons eu l’affaire du commissaire Tabet, aujourd’hui celle du chanteur Lemjarred, entre les deux, quelques scandales à l’université, mais combien d’errements, de harcèlements et d’attouchements sont-ils tus ? Nos politiques, artistes, enseignants, diplomates, sécuritaires et militaires, fonctionnaires, hauts ou non, journalistes et autres entrepreneurs sont-ils tous des hommes de bien, qui savent se tenir, n’exercent aucun chantage, ne sont pas imbus de leur masculinité ? Encore et toujours cette culture de l’impunité, par la puissance ou le silence.

Au vu des réactions de tellement de dames sur l’affaire du chanteur Lemjarred, on pourrait valablement s’interroger sur la capacité de tant de femmes à dire « non ! » et à dénoncer haut et fort en cas d’insistance ou d’indélicatesse, voire de violence de la part d’un homme. Sous nos latitudes, une femme violée peut ne pas être considérée comme une victime (« elle l’a provoqué »), et si elle l’est, elle est tout de même flétrie par l’image que la société se fait d’elle.

Et pourtant, malgré la loi et la foi, malgré les articles 489 et suivants du Code pénal, l’acte sexuel est, comme partout, l’acte de vie, de plaisir, et de tout le monde !

D’où la nécessaire question de l’introduction du débat sur la sexualité et sur l’éducation sexuelle dans nos écoles pour inculquer aux générations montantes qu’un viol est un viol et un acte criminel, que tout harcèlement est aussi un acte précriminel, que non c’est non, et qu’une femme doit pouvoir disposer de son corps et que l'homme doit s'y faire.

Autrement, nous continuerons d’avoir une société malade de sa sexualité, et donc inapte à se développer.

Rédigé par Aziz Boucetta sur Panorapost



Lundi 27 Février 2023


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