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A quand un musée maritime ?




Par le Commandant Bouzoubaa Abdelfattah

Le renouvellement d’intérêt général pour la marine marchande suscité par le discours de SM le Roi du 06 Novembre 2023 qui a appelé à réfléchir à la constitution d’une flotte de marine marchande, doit être soutenu par la base culturelle qu’est un musée maritime.
 
En effet, un musée maritime offrirait une plateforme pour éduquer le public sur l'importance de la mer dans l'histoire du Royaume, l'économie et l'environnement, ainsi que sur les défis et les opportunités liés au transport maritime.
 
Interpellée par l’absence d’un tel musée, une association culturelle vient d’être crée pour œuvrer à la promotion de la création d’un musée maritime et à la préservation du patrimoine maritime marocain.
 
De fait, un musée maritime existe déjà mais il est sur internet (https://museemaritime.ma) et fruit d’une initiative individuelle. Il a été créé en 2021 dans le but de conserver le souvenir de l’âge d’or de la marine marchande marocaine marqué par la possession d’une flotte de plus de 70 navires propriété d’une vingtaine d’armateurs dont deux publics.
 
Outre le souhait d’informer le public sur la marine marchande, le transport maritime et les métiers liés à cette activité, cette initiative avait aussi pour objectif de rassurer sur le fait que si on a pu dans le passé constituer une flotte importante de marine marchande sous contrôle national, on peut le faire de nouveau, dans les conditions qui régissent actuellement cette activité sur le plan international.
 
L’initiative atlantique source de renouveau.
 
Dans son discours du 6 Novembre 2023, SM le Roi a appelé à réfléchir à la constitution d’une flotte de marine marchande forte et compétitive et proposé d’accompagner la mise à niveau en cours du littoral atlantique par le lancement d’une initiative internationale visant à favoriser l’accès des États enclavés du Sahel à l’Océan Atlantique. Il a aussi émis le souhait que le littoral atlantique devienne un haut lieu de communion humaine, un pôle d’intégration économique et un foyer de rayonnement continental et international.
 
Ports et navires sont bien entendu les piliers de la concrétisation de cette vision fondatrice. Cependant, si tout le nécessaire a été fait en matière de ports, il n’en est pas de même en matière de navires.
 
Or le navire est le vecteur qui permet au Maroc  d’échanger avec le reste du monde puisque 95% de notre commerce extérieur passe par la voie maritime. On ne peut donc imaginer que le Maroc puisse rester sans flotte de marine marchande sous contrôle national et sans armateurs marocains ayant, dans une proportion raisonnable, la maîtrise de cet outil stratégique.
 
Le Maroc dont le littoral s’étend sur 3.500 Km et la Zone Économique Exclusive maritime sur 1,2 million de Km2 et qui a une ambition atlantique doit aussi disposer, en matière de marine marchande, des compétences humaines lui permettant d’opérer des navires de commerce, d’assurer le fonctionnement efficient de ses ports et d’exercer ses attributions souveraines d’État du Pavillon, d’État du Port et d’État Côtier.
 
Le navire, c’est très important.
 
Le navire est bien plus important que la plupart des gens ne le pensent bien qu’il a façonné et continue à façonner le monde que nous connaissons. 
 
La caravelle qui a permis la découverte des Amériques et le régime des vents des alizés qui permettait aux navires de voyager vers l’ouest et vers l’est ont façonné les cultures atlantiques. 
 
En Asie, le navire et les vents réguliers de la mousson ont permis de relier la péninsule arabique à l’Inde, à l’Indonésie et à la Malaisie, faisant ainsi voyager marchandises, hommes et idées.
 
L’essor des empires coloniaux et du commerce maritime mondial n’aurait pas été possible sans le navire. Aujourd’hui encore, 80 % du commerce mondial passe par la voie maritime. 
 
Enfin, le navire a été le vecteur de migrations forcées et volontaires et d’échanges culturels qui ont créé de nouvelles sociétés dans les Amériques et en Australasie.
 
La mer dans l’histoire du Maroc.
 
Des échanges commerciaux aux campagnes militaires, le rôle de la marine et des ports a depuis toujours mis en lumière l’importance stratégique de la position géographique du Maroc, à la croisée des routes entre l’Europe, l’Afrique et l’Atlantique. 
 
Les dynasties qui se sont succédées à la tête du Maroc ont toutes marqué l’histoire maritime du Royaume par des actions reflétant leur adaptation aux contextes politique, économique et militaire de leur époque. 
 
Le Maroc Almohade était reconnu comme une puissance navale atlantique et méditerranéenne. 
 
Au siècle dernier, au lendemain de l’indépendance en 1956, plusieurs actions ont été engagées pour renouer avec la tradition maritime du pays et favoriser la participation d’intérêts marocains au transport de nos échanges commerciaux et de passagers par la voie maritime.
 
C’est ainsi qu’en 1962, des textes législatifs, abrogés depuis, ont été promulgués pour réserver aux armateurs marocains le transport d’une partie du tonnage de certains produits importés et exportés. Dans la pratique cette législation a surtout servi de moyen de pression pour négocier, avec des succès divers, la participation des armateurs marocains au transport du commerce extérieur du Royaume. 
 
En 1973, un Code des investissements maritimes a été promulgué pour encourager les armateurs à acquérir des navires.
 
L’âge d’or de la marine marchande marocaine.
 
Ces mesures ont favorisé le développement de la flotte de commerce sous pavillon marocain qui est passée de 20 navires (60.000 Tonnes) en 1973 à 70 navires (600.000 Tonnes) en 1987. Le nombre d’armateurs est lui passé de 4 à une vingtaine dont 2 publics.
 
Les navires acquis étaient de tous types : porte-conteneurs, frigorifiques, general cargos, chimiquiers, pétroliers,  vraquiers et car-ferries. Les flottes de navires chimiquiers et frigorifiques comptaient parmi les plus importantes au monde. La flotte de car-ferries réalisait quant à elle la moitié du trafic de passagers par voie maritime.
 
En l’absence de cargaisons marocaines à transporter, les compétences acquises en matière d’exploitation commerciale et de gestion des navires permettaient aux armateurs marocains d’employer leurs navires sur des trafics tiers. C’était notamment le cas des navires réfrigérés pendant l’intersaison des agrumes-primeurs, des navires chimiquiers pour le transport d’huile de palme et pour les vraquiers à longueur d’année. C’est ainsi que le pavillon marocain était visible sur toutes les mers du globe.
 
La marine marchande marocaine a aussi permis l’émergence d’un savoir-faire opérationnel en matière de « shipping » et la formation de professionnels qui ont amélioré la qualité du service dans diverses activités en lien avec le transport maritime : pilotage, capitainerie de port, enseignement maritime, inspection de navires, agence maritime, affrètement, courtage, remorquage, exploitation portuaire, , etc… 
 
Le personnel qui exerce actuellement des fonctions clés dans les ports de TangerMed, Casablanca, Jorf-Lasfar…en qualité de pilote, d’officier de port, d’opérateur VTS, d’expert maritime et de classification,… a acquis l’expérience nécessaire sur les navires marocains qu’il y avait encore il y a 20 ans environ. 
 
Une libéralisation précipitée.
 
La libéralisation totale et précipitée du transport maritime en 2007, sans mesures d’accompagnement pour permettre aux armateurs marocains de s’adapter au nouveau cadre de travail imposé par cette libéralisation hâtive, a réduit comme peau de chagrin la participation d’intérêts marocains au transport de nos échanges commerciaux et de passagers.
 
Cette libéralisation est intervenue alors que les concurrents étrangers des armateurs marocains exploitaient leurs navires sous pavillons de libre immatriculation et opéraient à partir de paradis fiscaux pour s’affranchir des contraintes de cadres législatif et fiscal similaires à ceux qui pesaient sur les armateurs marocains. 
 
Actuellement, le nombre de navires battant  pavillon marocain n’est plus que de 16 unités soit le même nombre qu’au début des années 1960, tandis que le nombre de compagnies de navigation appartenant à des intérêts marocains se compte sur les doigts d’une seule main. 
 
La quasi disparition de la marine marchande marocaine a entrainé la perte du savoir-faire que les nationaux avaient acquis en matière de gestion nautique, technique et commerciale des navires, de gestion de lignes régulières, de transport de produits chimiques, de gaz et de vrac sec et liquide, d’affrètement et de courtage maritime.
 
Par ailleurs, sans flotte de marine marchande, le Maroc ne peut plus facilement constituer le réservoir d’officiers expérimentés pour occuper les emplois à terre qui nécessitent le passage par la case « navigant ».
 
C’est donc pour éduquer le public sur l’importance de la marine pour le Royaume et conserver le souvenir de ce qui a été fait dans ce domaine que la création d’un musée maritime s’impose.
 
 
 
 
 
 



Mardi 14 Janvier 2025

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