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Par Jamal Hajjam
Depuis la signature avec la France du traité du Protectorat en mars 1912 puis, en novembre de la même année, de celui définissant les trois zones d’influence espagnole (au Nord, au Sud et autour de Sidi Ifni), traités qui allaient s’avérer trompeurs à plus d’un titre, la résistance populaire et de l’élite nationaliste marocaine, bénéficiant par ailleurs du soutien et de la complicité du Palais, multiplièrent les actions et les luttes pour venir à bout du complot colonialiste tramé secrètement dans la foulée de l’«Entente cordiale franco-britannique» du 8 avril 1904.
Stratégie de lute graduelle
La stratégie du Mouvement national marocain piloté par de jeunes patriotes, fut graduelle. Elle a d’abord été marquée par le rejet des mesures et décrets contraires aux intérêts marocains et attentatoires aux prérogatives du Sultan, comme ce fut le cas pour le Dahir berbère en 1930 qui avait donné lieu, dans les principales villes du pays, à de grandes manifestations de rue réprimées dans le sang.
Les nationalistes sont ensuite passés à la réclamation de réformes à même de garantir aux Marocains leurs droits politiques et sociaux, à travers notamment la publication, en 1934, par le Comité d’Action Marocaine créé en 1933, du «Plan des réformes urgentes» dont le sort a été une fin de non-recevoir de la part des autorités françaises et de la Résidence générale qui sous estimaient les jeunes nationalistes et les assimilaient à «des agitateurs d'idées sans réelle audience».
Ces deux étapes qui avaient constitué des signes avant-coureurs de la fin de la présence coloniale dans le pays, confortèrent les aspirations des masses populaires à l’indépendance du Maroc, demande non encore solennellement exprimée par l’élite. Pour ce faire, les nationalistes marocains, multipliant les sacrifices, sont allés crescendo dans leur lutte avec détermination et conviction profonde malgré la répression féroce des autorités du protectorat qui ne reculaient devant rien dans le dessein de briser le mouvement d’émancipation.
Mais ni la répression, ni l’emprisonnement et l’exil des dirigeants nationalistes, ni les semblants de concessions de façade, ne sont parvenus à contredire l’évolution vers l’indépendance.
Franche déclaration d’indépendance
Evènement de taille, le 18 décembre 1943, les anciens cadres encore en liberté du Parti national interdit en 1937 et dont les principaux dirigeants (Allal El Fassi, Mohamed Hassan Ouazzani et d’autres) étaient encore en prison ou en exil, organisèrent clandestinement à Rabat, sous la houlette de Ahmed Balafrej, le congrès fondateur du Parti de l’Istiqlal, future bête noire du colonisateur français. Dans la zone Nord sous occupation espagnole où le même combat national était mené, le Parti de la Réforme National, sous la conduite de Abdelkhalek Torres, donnait autant de soucis au colonisateur espagnole.
La volonté de tous les patriotes allait enfin être cristallisée le 11 janvier 1944, après mûre et patiente réflexion. Le Parti de l’Istiqlal qui regroupait les membres du Parti national interdit et d’autres personnalités nationales, s’était résolu de présenter au Sultan Mohammed Ben Youssef, un Manifeste de l’indépendance qui s’apparentait de par sa forme à une franche déclaration d’indépendance. Le texte a été simultannément soumis aux autorités coloniales et aux représentations des trois puissances : les Etas-Unis, la Grande Bretagne et l’ex-Union Soviétique.
Le pas, planifié et tant attendu, a fini par être franchi, non sans courage, par quelque 66 jeunes patriotes, dont une femme (Latifa El Fassi), qui ont constitué ainsi une mouvance politique réelle, représentative de la société marocaine de tous les milieux, urbains et ruraux et de toutes les classes sociales. S’en est suivi des actions de sensibilisation et de mobilisation menées discrètement dans les quatre coins du pays.
Répression et résistance
La réaction de la Résidence française à Rabat ne s’est pas fait attendre. Une forte pression a été exercée sur le Sultan pour qu'il condamne publiquement le Manifeste ; en vain. Au même moment, il fut procédé à l'arrestation de tous les signataires connus et de nombreux nationalistes, déjà fichés par les services de la police coloniale. Ahmed Balafrej, Secrétaire général du Parti de l’Istiqlal et son adjoint Mohamed Lyazidi dit Bouchaïb el-Fatouaki, sont arrêtés à Rabat sous le prétexte fallacieux d'intelligence avec les forces de l'Axe. À Fès, Abdelaziz Bendriss et Hachmi Filali, nationalistes de premier plan, sont également incarcérés. De nombreux autres cadres du mouvement national ont connu le même sort.
À la suite de ces premières arrestations, des manifestations et des soulèvements de protestations secouèrent le pays et se soldèrent par de nombreuses victimes et de nombreuses autres arrestations, en particulier dans les villes de Rabat, Fès, Salé et Casablanca. Les condamnations à mort par les tribunaux militaires et l’exécution de nombreux résistants se suivaient, provoquant de l’indignation associée à de l'admiration.
Coup fatal pour la présence coloniale, le Sultan Mohamed Ben Youssef a lui-même pris le relais pour demander, à plusieurs reprises, l'indépendance du Maroc, notamment dans son historique discours de Tanger, le 10 avril 1947 et dans son mémorandum du 11 octobre 1950.
Le représentant légitime du peuple marocain entra ainsi en conflit ouvert avec les résidents généraux représentant la France, bras de fer qui lui a valu l’exil en 1953 avec l’ensemble de la famille royale. Grand sacrifice d’un souverain patriote qui rendit fatale l’indépendance du pays -acquise avec son retour au pays en 1955- au grand dam d’une France coloniale battue à plate couture par un peuple si fière, foncièrement libre et dont la symbiose avec ses souverains a forgé son Histoire ancestrale.
Stratégie de lute graduelle
La stratégie du Mouvement national marocain piloté par de jeunes patriotes, fut graduelle. Elle a d’abord été marquée par le rejet des mesures et décrets contraires aux intérêts marocains et attentatoires aux prérogatives du Sultan, comme ce fut le cas pour le Dahir berbère en 1930 qui avait donné lieu, dans les principales villes du pays, à de grandes manifestations de rue réprimées dans le sang.
Les nationalistes sont ensuite passés à la réclamation de réformes à même de garantir aux Marocains leurs droits politiques et sociaux, à travers notamment la publication, en 1934, par le Comité d’Action Marocaine créé en 1933, du «Plan des réformes urgentes» dont le sort a été une fin de non-recevoir de la part des autorités françaises et de la Résidence générale qui sous estimaient les jeunes nationalistes et les assimilaient à «des agitateurs d'idées sans réelle audience».
Ces deux étapes qui avaient constitué des signes avant-coureurs de la fin de la présence coloniale dans le pays, confortèrent les aspirations des masses populaires à l’indépendance du Maroc, demande non encore solennellement exprimée par l’élite. Pour ce faire, les nationalistes marocains, multipliant les sacrifices, sont allés crescendo dans leur lutte avec détermination et conviction profonde malgré la répression féroce des autorités du protectorat qui ne reculaient devant rien dans le dessein de briser le mouvement d’émancipation.
Mais ni la répression, ni l’emprisonnement et l’exil des dirigeants nationalistes, ni les semblants de concessions de façade, ne sont parvenus à contredire l’évolution vers l’indépendance.
Franche déclaration d’indépendance
Evènement de taille, le 18 décembre 1943, les anciens cadres encore en liberté du Parti national interdit en 1937 et dont les principaux dirigeants (Allal El Fassi, Mohamed Hassan Ouazzani et d’autres) étaient encore en prison ou en exil, organisèrent clandestinement à Rabat, sous la houlette de Ahmed Balafrej, le congrès fondateur du Parti de l’Istiqlal, future bête noire du colonisateur français. Dans la zone Nord sous occupation espagnole où le même combat national était mené, le Parti de la Réforme National, sous la conduite de Abdelkhalek Torres, donnait autant de soucis au colonisateur espagnole.
La volonté de tous les patriotes allait enfin être cristallisée le 11 janvier 1944, après mûre et patiente réflexion. Le Parti de l’Istiqlal qui regroupait les membres du Parti national interdit et d’autres personnalités nationales, s’était résolu de présenter au Sultan Mohammed Ben Youssef, un Manifeste de l’indépendance qui s’apparentait de par sa forme à une franche déclaration d’indépendance. Le texte a été simultannément soumis aux autorités coloniales et aux représentations des trois puissances : les Etas-Unis, la Grande Bretagne et l’ex-Union Soviétique.
Le pas, planifié et tant attendu, a fini par être franchi, non sans courage, par quelque 66 jeunes patriotes, dont une femme (Latifa El Fassi), qui ont constitué ainsi une mouvance politique réelle, représentative de la société marocaine de tous les milieux, urbains et ruraux et de toutes les classes sociales. S’en est suivi des actions de sensibilisation et de mobilisation menées discrètement dans les quatre coins du pays.
Répression et résistance
La réaction de la Résidence française à Rabat ne s’est pas fait attendre. Une forte pression a été exercée sur le Sultan pour qu'il condamne publiquement le Manifeste ; en vain. Au même moment, il fut procédé à l'arrestation de tous les signataires connus et de nombreux nationalistes, déjà fichés par les services de la police coloniale. Ahmed Balafrej, Secrétaire général du Parti de l’Istiqlal et son adjoint Mohamed Lyazidi dit Bouchaïb el-Fatouaki, sont arrêtés à Rabat sous le prétexte fallacieux d'intelligence avec les forces de l'Axe. À Fès, Abdelaziz Bendriss et Hachmi Filali, nationalistes de premier plan, sont également incarcérés. De nombreux autres cadres du mouvement national ont connu le même sort.
À la suite de ces premières arrestations, des manifestations et des soulèvements de protestations secouèrent le pays et se soldèrent par de nombreuses victimes et de nombreuses autres arrestations, en particulier dans les villes de Rabat, Fès, Salé et Casablanca. Les condamnations à mort par les tribunaux militaires et l’exécution de nombreux résistants se suivaient, provoquant de l’indignation associée à de l'admiration.
Coup fatal pour la présence coloniale, le Sultan Mohamed Ben Youssef a lui-même pris le relais pour demander, à plusieurs reprises, l'indépendance du Maroc, notamment dans son historique discours de Tanger, le 10 avril 1947 et dans son mémorandum du 11 octobre 1950.
Le représentant légitime du peuple marocain entra ainsi en conflit ouvert avec les résidents généraux représentant la France, bras de fer qui lui a valu l’exil en 1953 avec l’ensemble de la famille royale. Grand sacrifice d’un souverain patriote qui rendit fatale l’indépendance du pays -acquise avec son retour au pays en 1955- au grand dam d’une France coloniale battue à plate couture par un peuple si fière, foncièrement libre et dont la symbiose avec ses souverains a forgé son Histoire ancestrale.
Un Manifeste du Nord dans la foulée de celui de l’indépendance
Quelques semaines après la présentation du Manifeste de l’indépendance, et au regard de l’impact de celui-ci sur la conscience populaire de la nécessité de libérer le pays tout entier du joug du colonialisme, un autre document a vu le jour, le 29 février 1944 à Tétouan, pour consacrer l’unité du peuple marocain.
Les nationalistes du Nord sous protectorat espagnol ont tenu à confirmer leur adhésion totale et inconditionnelle aux termes et à l’esprit du Manifeste du 11 janvier. Les représentants du mouvement national dans ces régions ont ainsi tenu à affirmer leur attachement à la terre, à l’histoire et aux valeurs de cette Nation plus que millénaire.
Ils ont d’ailleurs mis l’accent sur la notion d’unité du peuple et de son Souverain légitime comme réponse à l’état de fait qui est la dislocation du territoire national par les forces coloniales. Ils y ont d’ailleurs tenu à préciser que cette union sacrée concernait la totalité des terres injustement spoliées, du Nord au Sud du Royaume. Union qui s’est concrétisée dans la foulée du combat politique et armé contre les occupants pour aboutir l’indépendance intervenue en 1956.
C’est donc à très juste titre que les historiens s’accordent à dire que la date du 11 janvier 1944 est la plus importante dans l’histoire du mouvement national et de la lutte pour l’indépendance du pays. Ce document avait tout simplement constitué un tournant historique décisif qui a en même temps scellé le pacte entre Feu Mohammed V et les composantes du Mouvement national pour un avenir fondé sur le pluralisme politique et syndical et faisant des valeurs démocratiques le socle de la vie politique du Maroc indépendant, où l’intégrité territoriale et l’unité nationale constituent des ingrédients qui cimentent la Nation.
Rédigé Par Jamal Hajjam
Quelques semaines après la présentation du Manifeste de l’indépendance, et au regard de l’impact de celui-ci sur la conscience populaire de la nécessité de libérer le pays tout entier du joug du colonialisme, un autre document a vu le jour, le 29 février 1944 à Tétouan, pour consacrer l’unité du peuple marocain.
Les nationalistes du Nord sous protectorat espagnol ont tenu à confirmer leur adhésion totale et inconditionnelle aux termes et à l’esprit du Manifeste du 11 janvier. Les représentants du mouvement national dans ces régions ont ainsi tenu à affirmer leur attachement à la terre, à l’histoire et aux valeurs de cette Nation plus que millénaire.
Ils ont d’ailleurs mis l’accent sur la notion d’unité du peuple et de son Souverain légitime comme réponse à l’état de fait qui est la dislocation du territoire national par les forces coloniales. Ils y ont d’ailleurs tenu à préciser que cette union sacrée concernait la totalité des terres injustement spoliées, du Nord au Sud du Royaume. Union qui s’est concrétisée dans la foulée du combat politique et armé contre les occupants pour aboutir l’indépendance intervenue en 1956.
C’est donc à très juste titre que les historiens s’accordent à dire que la date du 11 janvier 1944 est la plus importante dans l’histoire du mouvement national et de la lutte pour l’indépendance du pays. Ce document avait tout simplement constitué un tournant historique décisif qui a en même temps scellé le pacte entre Feu Mohammed V et les composantes du Mouvement national pour un avenir fondé sur le pluralisme politique et syndical et faisant des valeurs démocratiques le socle de la vie politique du Maroc indépendant, où l’intégrité territoriale et l’unité nationale constituent des ingrédients qui cimentent la Nation.
Rédigé Par Jamal Hajjam