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Dans cette même ligne, les échéances électorales prévues en 2021 étaient incertaines. Et ce n’est qu’avec le Conseil des ministres du 11 février dernier, présidé par SM le Roi, que les projets de textes législatifs pertinents ont été adoptés. De quoi donner un signe fort de maintien du calendrier électoral normal.
Pour le reste, qu’en est-il ? Quel est l’état des lieux ? Au-delà du factuel, dira-t-on, des questions importantes restent encore en instance. Un communiqué de l’association Damir, présidée par Salah Ouadi’e, en date du 8 mars courant, met les « points sur les i ». Il appelle à une mise à plat en relief d’une certaine pratique institutionnelle de plus en plus prégnante : celle de la forme qui supplante le fond.
A bon droit, est soulevée cette question du quotient électoral dans la loi N°13/21 tranchée par une large majorité, seul le PJD ayant voté contre. Qu’elle présente un intérêt pas seulement technique mais aussi politique en ce qu’elle régit les modes de répartition de sièges au sein de la prochaine Chambre des représentants, n’est guère contestable. Mais qu’elle ait une si grande place, depuis des mois, comme le rappelle l’association Damir, n’est pas plaidable. Tant d’énergie et de mobilisation, ici et là ; surtout, d’ailleurs du côté du Chef du gouvernement, Saad Dine El Otmani, de ses ministres PJD et de son parti, voilà qui est bien préoccupant. C’est qu’en effet, ce même chef de l’exécutif va achever son mandat dans moins de huit mois mais il va laisser dans son bilan déjà sujet à caution des textes importants et des réformes en panne. Pêle-mêle, que peut-on y ranger ? Les textes sur le code du travail, et le droit de grève, la charte de l’investissement et celle des services publics, la réforme fiscale annoncée à grand bruit aux assises de Skhirat en mai 2019, et tant de décrets d’application tel celui relatif à la loi N° 46-18 sur le partenariat public privé votée en janvier 2020...
Il faut encore ajouter, au passif, les conditions dans lesquelles le Chef du gouvernement a pris en main une grande réforme surplombant toute l’activité : celle du nouveau modèle de développement. En octobre 2017, le Souverain avait annoncé devant le Parlement la nécessité d’un profond réexamen du modèle de développement actuel pour le réarticuler dans une vision d’avenir, enjambant la mandature de ce cabinet et se projetant bien au-delà, à l’horizon 2025 ou 2030. Fébrilement, Saad Dine El Otmani a préparé alors – sans le concours de ses alliés de la majorité –une mouture ; elle a été retoquée parce qu’elle est par trop descriptive et institutionnelle, avec des termes de référence peu pertinents et prospectifs. Il a fallu attendre, de nouveau, que le Roi décide de nommer une commission ad hoc, présidée par Chakib Benmoussa, en décembre 2019. Celle-ci a achevé en janvier 2021 son travail lequel doit être rendu public. Mais la conjoncture sanitaire a reporté sa publication, obérant du même coup sa mise en exergue et le recadrage stratégique des politiques publiques et plus globalement… le modèle de développement de demain. Pareille situation ne pouvait minorer davantage la place et le rôle des partis politiques. Leurs projets respectifs de programme pour la prochaine législature 2021-2026 étaient ainsi décalés. Difficile de faire autrement puisqu’un nouveau référentiel devait être défini, décliné autour de mesures immédiates, d’autres à moyen et long terme, avec des leviers de changement et d’accompagnement.
La force de proposition des partis n’est plus la même : ils sont ainsi en attente, à la remorque d’un rapport national. Un facteur de complication dans la mesure où toutes les formations – ou la majorité d’entre elles en tout cas – auront à prendre en charge les principes et les axes validés d’ici là dans ce rapport. Dans ces conditions, quelle identité propre auront leurs programmes respectifs ? Le PJD y adhérera-t-il pleinement ? La FGD s’y ralliera-t-il ? Autant d’interrogations. Si la formation de Nabila Mounib maintiendra sans doute ses positions, il n’est pas acquis non plus que le PJD « lisse » beaucoup son programme et une certaine idéologie religieuse qui le nourrit et l’encadre, même par à-coups…
En tout état de cause, l’offre partisane y gagnera-t-elle ? Sur le papier, oui, puisque les électeurs auront le choix entre 34 partis même avec un statut variable. La compétition actuelle tournera surtout autour de quatre d’entre eux (PJD, PAM, PI, RNI), d’autres n’ayant qu’un rôle d’appoint (MP, UC, USFE, PPS). Mais tout cela est-il de nature à remotiver les électeurs pour une participation améliorée aux prochains scrutins ? C’est problématique ; les contraintes actuelles liées aux exigences de la lutte contre la pandémie ne permettront pas en effet de grands rassemblements publics ni les harangues populistes qui les accompagnent.
La place qu’occupe finalement la forme dans la vie politique est également illustrée par une certaine gouvernance. Un ministre d’Etat du PJD, Mustapha Ramid, qui démissionne et se reprend ; un Chef de gouvernement qui qualifie la loi sur le nouveau coefficient électoral de « ligne rouge » ; le même Saâeddine El Othmani réagissant vingt jours après à une lettre du ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita, en date du 1er mars décidant le gel de tout contact avec l’ambassadeur d’Allemagne à Rabat, pour réaffirmer que c’est lui seul qui a en charge la coordination et la responsabilité des membres de son cabinet. El Othmani s’obstine encore à ne pas lire ni interprété la Constitution et à évacuer quelque peu les attributions du Souverain dans les secteurs régaliens.
Il y a de quoi s’interroger sur le bon fonctionnement de la machine gouvernementale… Une mandature El Othmani qui a été finalement heurtée, confuse, manquant de réactivité et d’élan réformateur. Un palier dépressif qui n’a pas permis, de contribuer à réhabiliter le- et la – politique aux yeux du citoyen.
Rédigé Par Mustapha Sehimi