Par Naim Kamal
Au bout de plus d’un mois de polémiques, parfois justifiées, souvent infondées, Mme le maire de Rabat, Fatiha El Moudni, est enfin sortie de son silence pour expliquer le nouveau plan d’aménagement qui vise, dit-elle en substance, à faire de la ville un pôle culturel, économique et touristique à la hauteur des attentes de ses habitants et des visiteurs. Cette ambition coïncide, ajoute-t-elle, avec l'organisation prochaine d'événements internationaux d'envergure, telles que la Coupe d'Afrique des Nations et la Coupe du Monde 2030.
Même si l’on a eu la peut-être fausse impression que l’on assistait à un numéro de ventriloque où celui qui parle n’est pas celui que l’on voit, on ne peut que souscrire au projet dans son ensemble, et la maire a encore raison lorsqu’elle assure que "Rabat mérite le meilleur plan d’aménagement possible, d’autant plus qu’il ne s’agit pas seulement d’une capitale administrative, mais aussi d’une capitale culturelle et touristique qui attire de plus en plus d’investissements".
Il va de soi que toute transformation urbaine d’envergure s’accompagne de défis et de contestations, notamment lorsque des destructions et expropriations sont nécessaires. Rappelons-nous-en : tout au long de la réalisation du Tramway, un ouvrage destiné pourtant aux classes sociales moyennes et pauvres, on a vu sortir du bois les râleurs de tous bords en dépit de son utilité évidente pour qu’ils se rendent à cette évidence qu’après sa réalisation
Néanmoins, pour réussir sans accrocs le processus réaménagement, il était impératif de respecter un cadre rigoureux alliant concertation et débat publics en amont – ce qui a fait gravement défaut - des compensations justes (solutions de relogement, indemnisation équitable) et une communication claire des objectifs et bénéfices du projet pour éviter les incompréhensions et résistances.
Faute de l’avoir fait, on assiste, comme avant et après chaque match de football, à des apprentis entraineurs dire ceux qu’il faudrait aligner et après coup ce qu’il aurait fallu faire, et l’on voit nombre de critiques contre le plan de réaménagement de la capitale discuter, ce qui est sain en soi, les choix des autorités, certains s’érigeant en maitres d’ouvrage pour en conclure hâtivement et sans craindre l’exagération que l’on veut faire de Rabat un antre exclusif pour riches.
Les principaux objets de la contestation
Dans le collimateur des contestataires, le passage à l’acte sans préliminaires, les destructions de douar Laaskar et des masures Sanya Al Rharbia au quartier l’océan, ainsi que l’élargissement de l’Avenue Mohammed VI considérée comme une artère déjà suffisamment bien lotie.
Le cas de douar al-asskar et les masures du quartier l’Océan n’est pourtant blâmable que par les conditions dans lesquelles il a été mené. L’élargissement de l’avenue Mohammed VI est lui, un faux procès. Ceux auxquels il arrive de l’emprunter habituellement ou occasionnellement ne peuvent que constater qu’il est de plus en plus difficile à circuler, particulièrement aux heures de pointe.
Mais au-delà des encombrements actuels, il y a cet avenir déjà présent. Face à une urbanisation galopante et à la saturation des espaces intra-muros, Rabat ‘’repense’’ sans attendre et par le fait accompli son expansion. Car à moins de commettre le sacrilège de toucher à la Ceinture verte, l’un des traits de génie du défunt Roi Hassan II, l’une des solutions les plus viables qui s’offre à la ville est l’extension vers Zaïr et Aïn Aouda, situées au sud-est de la capitale. Ces zones, encore largement rurales, offrent un potentiel d’urbanisation permettant d’alléger la pression foncière sur Rabat et Témara, tout en évitant une croissance désordonnée.
Situées après et quasi parallèlement à Témara, d’ores et déjà saturé, ces localités bénéficient d’une relative proximité avec Rabat, facilitant leur intégration dans la dynamique métropolitaine. L’expansion de Rabat vers cette zone n’est plus d’ailleurs une simple hypothèse d’étude. Aïn Aouda, en particulier, connaît déjà une transformation accélérée, portée par plusieurs projets de logements et d’infrastructures, et avant d’arriver à Aïn Aouda toute une nouvelle commune, Al-Manzah, est en train de sortir de terre juste après le siège de la DGED qui n’a pas non plus été épargné par l’expropriation.
Une Vision Royale pour une Capitale Moderne
Loin d’être un projet conjoncturel, la transformation de Rabat s’inscrit dans un cadre plus large initié par le Roi Mohammed VI dès son accession au trône. Et c’est à ce niveau que le lien fait avec les coupes du monde et d’Afrique est une erreur de communication, les deux échéances n’ayant été que des accélérateurs.
Dès le début des années 2000, avec le lancement du plan d’aménagement de la vallée du Bouregreg qui a marqué une étape majeure, suivi par le programme « Rabat, Ville Lumière, Capitale Marocaine de la Culture », le souverain a inscrit la mise à niveau de la capitale dans une volonté de modernisation équilibrée alliant héritage historique de la ville et mdernisation.
Le projet Bouregreg, emblématique de cette mutation urbaine, a permis de réhabiliter les berges du fleuve tout en reliant Rabat et Salé par des infrastructures modernes. Parmi les réalisations notables on retiendra la marina et la corniche, devenues des espaces de loisirs et de tourisme attractifs, le Grand Théâtre Mohammed VI, chef d’œuvre de l’architecture déconstructiviste, et le Musée d’Art Moderne, renforçant l’offre culturelle, sans oublier la rénovation de sites historiques comme la kasbah des Oudayas et le Chellah.
Dans cette continuité, le programme « Rabat Ville Lumière » a mis l’accent sur la rénovation des grandes artères, l’amélioration des espaces verts et le développement des transports durables, avec notamment le tramway et la mise à nouveau du transport urbain par bus, en attendant le tour des taxis qui ne saurait tarder.
Ainsi, ponts, tramway, rocades et autres trémies ont énormément contribué à faciliter la mobilité à Rabat et entre Rabat et Salé. Si bien qu’aujourd’hui, Rabat, est l’une des plus belles villes du Royaume, en voie de parachèvement, telle que rêvée et pensée il y a longtemps depuis la rive droite.
Rédigé par Naim Kamal sur Quid