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​Problématiques du secteur culturel, statut des artistes et précarité


le Lundi 3 Mai 2021

​Dualité de la culture

L’ancien ministre de la Culture Mohammed Amine Sbihi, brillant scientifique et enseignant à la faculté a passé 5 ans, de 2012 à 2017, comme ministre dudit secteur. Ia travaillé sur des visions pérennes pour relever ce secteur.
M. Sbihi a mis en exergue la problématique du secteur de la culture et étalé le bilan et les mesures déployées durant son mandat. Il a apporté une vision claire sur les sujets relevés lors du webinar organisé par l’Alliance des Economistes Istiqlaliens placé sous le thème : « Art et culture : D’un patrimoine immatériel à un écosystème générateur d’emplois et de richesse ».

A lire ou à écouter en podcast :



Mohammed Amine Sbihi : Des entraves liées aux politiques sectorielles

​problematiques_du_secteur_culturel,_statut_des_artistes_et_precarite.mp3 ​Problématiques du secteur culturel, statut des artistes et précarité.mp3  (8.53 Mo)

Tout un travail a été élaboré avec M. Brahim El Mazned depuis 2013 sur une idée dont il est porteur, et qui est celle de la promotion de la musique au niveau de l’Afrique et du Moyen Orient. Ce concept s’intégrait d’ailleurs dans l’approche globale recherchée à  l’époque, qui est celle la dualité de la culture, laquelle est associée à la fois à la cohésion sociale et au développement économique. Il s’agissait de faire en sorte que la culture puisse s’intégrer dans le monde économique pour  pouvoir en tirer profit, relever sa productivité et marquer sa présence. Et de se dire que la culture est un ensemble de filières qui ont des caractéristiques propres.

La problématique de la musique n’est ni celle du théâtre, des arts plastiques  ou du design, ni celle de l’édition et du livre. La particularité de la filière musique réside dans le strict respect de la liberté, dont celle d’établir un cahier de charges précis pour que le soutien puisse être apporté sur des bases de professionnalisme, sans entrer dans les choix artistiques portés par ce projet. Il s’agissait aussi de chercher à renforcer la décision, soit le côté industriel de la musique.

Visa For Music, en tant que plateforme, est venue s’inscrire dans cette approche. L’idée a été élargie en permettant aux promoteurs, aux producteurs et à tous les professionnels de la musique de venir rencontrer leurs paires au Maroc. C’est une expérience extrêmement riche aussi pour les professionnels marocains et artistes qui ont bénéficié de déplacements à l’international. Cette étape avait donné lieu, avec M. Brahim El Mazned et la Fondation Hiba,  au MoMex : Moroccan Music Export Office, financé par le pouvoir public du ministère de la Culture et d’autres partenaires privés, une idée réussie. C’était une période marquée par une construction graduelle d’éléments et mesures importants, pensée en termes de filières marocaines dans un modèle culturel marocain.

Le Maroc de part son évolution politique a choisi un modèle qu’on peut appeler de social démocrate, prônant l’intervention du pouvoir public en matière de création, de promotion et de diffusion culturelle. Et ce, dans la stricte liberté de création culturelle et dans le respect de la diversité culturelle du pays, avec aussi comme objectif, le renforcement du statut de l’artiste et la protection des droits des créateurs. 

Seulement, le renforcement de filières différentes dans ce modèle de la culture  au Maroc et la construction d’un écosystème de la culture a besoin de l’établissement d’un système de financement. L’accès au financement est une problématique pour les entreprises culturelles en l’absence de garantie bancaire et avec un faible du fonds de soutien.

Les autres entraves sont liées aux politiques sectorielles portées par le ministère de la culture, avec un budget relativement modeste. Le problème n’est pas seulement de moyens, mais aussi de soutien de la part du ministère des Finances et du ministère de l’Industrie. Pour avancer dans les industries culturelles, il faut un programme et une structure qui est soit une société public-privé, soit une agence. Le programme a été soumis aux deux ministères qui étaient intéressés, mais la partie du programme relative à la facilitation de l’accès bancaire, sur la base d’un cahier de charges, n’a pas été prise en compte. Ce programme permet de renforcer les capacités des industries culturelles et de soutenir les projets culturels. Une stratégie nationale publique pouvant relever le modèle économique choisi par le Maroc fait défaut.

Pendant la période 2012-2017, il y eut aussi la refonte totale de la loi sur les artistes et les métiers artistiques, une loi très avancée qui permet, dans quelques années, le développement des entreprises culturelles et le statut des auto-entrepreneurs, dont des droits sociaux (couverture sanitaire, CNSS).
 
 

Hicham Abkari : Les failles de l’arsenal juridique

Hicham Abkari, Directeur artistique de festivals, Président des industries culturelles et créatives au niveau de la CGEM évolue aussi dans le caritatif et le social. Il a crée des associations et dirigé aussi différents Centres culturels à Sidi Balyout.

M. Abkari a parlé du statut des artistes, de leur vécu et de leur précarité en période  de covid mais aussi de l’arsenal juridique à améliorer.

En ce qui concerne la situation des artistes en période de crise, il faut dire qu’en l’absence de rassemblement public,  d’interdiction d’événements culturels en salle, de mariage, de théâtre, de concerts, de festivals et de cinéma, les artistes n’ont aucune ressource. A l’épreuve de la réalité, tous les beaux discours ne valent rien. Les gens ont besoin de vivre. L’arsenal juridique existe mais a beaucoup de « failles » et les textes d’application de la loi sur l’artiste tardent à émerger, que ce soit pour ce qui est du contrat type ou des conventions collectives.

La mutuelle des artistes existe, mais, à défaut de contrat-type, la loi n’a souligné ni perte d’emploi ni rapport salarial, au sein même d’une entreprise culturelle.

Actuellement, le seul droit applicable, c’est le Droit du travail.  La nature même de l’activité artistique est différente de l’activité salariale (salaire mensuel). Elle est marquée par le travail discontinu, intermittent, de surcroit non reconnu par notre système tel qu’il est constitué. Aussi, le statut de l’auto-entrepreneur ne reconnait pas la patente artistique.

En termes de propriété culturelle et de droit de voisin, il y a aussi des anomalies liées au Bureau Marocain des Droits d’Auteur (BMDA) dont le statut, datant de 1965, est flou. C’est l’organisme collecteur des droits des artistes qui se produisent, il fait la perception et répartition. Il est aussi le seul à ester en justice pour défendre les intérêts des ayant-droit contre le piratage, de par la loi qui a cette autorité. Le projet actuel du nouveau statut du BMDA est en discussion au Parlement.

On ne peut pas construire une économie pour des gens qui produisent alors qu’ils ont des problèmes quant à la propriété de leurs produits. Vendre veut également dire percevoir le dû pour survivre. Et c’est ce schéma qui fait défaut parce que la loi de la propriété intellectuelle est scindée. Il y a loi sur la propriété intellectuelle industrielle relevant de l’OMPIC et celle des droits d’auteur et des droits voisins (qui concernent les interprètes), relevant du BMDA.

Durant cette pandémie, un travail louable a été fait par le BMDA, en répartissant, pour la première fois, les droits voisins. Il y a une pléthore d’interprètes mais qui doivent assurer la condition d’être inscrits au bureau pour percevoir ces droits.

Il y a certes des avancées mais les discours élogieux, en termes de politiques publiques, ne vont pas protéger la population qui souffre. Les gens qui ne peuvent travailler  n’ont pas le sou, faute à ces dysfonctionnements. On établit des lois, de bonne foi, mais  leur mise en œuvre fait défaut.

Comme recommandations contre la précarité de ces gens, il faut tout d’abord une remise en question de l’ingérence de l’Etat dans certains secteurs économiques.

L’actuel projet de loi en discussion au Parlement a encore le monopole, au nom de l’Etat, pour gérer de l’argent privé.  Ces produits appartiennent à ces gens qui produisent eux-mêmes. Comment se fait-il que l’artiste soit obligé de céder son produit à une entité publique pour sa gestion? Alors qu’à l’étranger, ce sont les labels qui gèrent les produits sur le marché, avec les publicités... Avec l’ouverture des frontières, il y a aussi l’exploitation des produits culturels via le web. Comment pouvoir chercher l’argent chez Apple music ou chez Spotify dans l’état actuel, avec cet arsenal juridique ?  

Donc, la première démarche, c’est de revoir l’intervention de l’Etat dans la gestion de l’argent privé.  C’est ce qui fait aussi qu’on perçoive la culture comme un secteur qui n’est ni productif ni rentable.

Bouteina BENNANI






Lundi 3 Mai 2021

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