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Par Abdeslam Seddiki.
Avant d’examiner le cas du Maroc et son classement peu enviable dans le palmarès du développement humain, chose qui n’est pas nouvelle, il faudrait rappeler pourquoi parle-t-on d’impasse et que faire pour en sortir aux yeux du PNUD ?
Le monde est dans l’impasse pour une série de raisons.
D’abord à cause des inégalités croissantes en matière de développement notamment entre les pays riches et les pays pauvres, inégalités aggravées par la crise-covid. Le deuxième facteur réside dans le recul de la démocratie. Si 9 personnes sur 10 affichent un soutien indéfectible à l’idéal de la démocratie, le nombre de personnes qui soutiennent des dirigeants susceptibles de saper cet idéal a dépassé la moitié de la population mondiale. Partout dans le monde, les individus font état de niveaux élevés de tristesse, de stress et d’inquiétude. Le troisième et dernier facteur réside dans l’impossibilité à réaliser les ODD (Objectifs de développement durables) et les engagements de l’Accord de Paris en matière de lutte contre le réchauffement climatique.
Que faire pour sortir de l’impasse ? Trois pistes sont proposées :
Premièrement, il faut mettre en place une « architecture des biens publics mondiaux adaptée au XXIe siècle ». Ce serait le troisième volet de la coopération internationale, qui viendrait compléter l’aide au développement centrée sur les pays les plus pauvres et l’aide humanitaire centrée sur les situations d’urgence.
Deuxièmement, il faut faire baisser les températures et lutter contre la polarisation, qui empoisonne pratiquement tout ce qu’elle touche et entrave la coopération internationale. La fourniture de biens publics mondiaux y contribuera.
Troisièmement, nous devons combler les déficits de capacité d’agir, qui s’expliquent en partie par la divergence entre ce que les sociétés croient possible ou probable et ce qui est objectivement possible. Ces déficits se manifestent également dans la mesure où la moitié des personnes dans le monde déclarent n’avoir pas ou peu de contrôle sur leur vie et plus des deux tiers estiment n’avoir que peu d’influence sur les décisions prises par leur gouvernement.
Venons à présent à l’IDH proprement dit pour examiner la place du Maroc.
On rappellera tout d’abord que cet indice synthétique variant de 0 à 1 se compose de trois éléments : l’espérance de vie à la naissance, le nombre d’années de scolarité et le RNB (revenu national brut) par habitant. Cet indice composite a été adopté par le PNUD pour dépasser les insuffisances du classement établi par la Banque Mondiale basé sur le seul critère du Revenu National.
Ainsi, l’IDH n’est pas nécessairement corrélé avec le niveau de la richesse nationale. Le rapport calcule la différence entre le Rang selon le RNB par habitant et le rang IDH. Pour les pays qui dégagent un chiffre positif, cela montre qu’il y a un progrès au niveau de l’IDH en comparaison avec le RNB. Et vice-versa. Par exemple, le Maroc dégage une différence de 4. En revanche, les Etats-Unis dégagent un chiffre négatif de -11. Pour être plus précis, si les USA, sont classés au 20ème rang selon l’IDH, ils occupent la 9éme place selon le critère du RNB par habitant. Le classement du Maroc est de 120 sur la base de l’IDH et de 124 selon le RNB/hab.
Comment peut-on apprécier ce nouveau classement du Maroc (relatif à l’année 2022 bien entendu) ?
Par rapport à 2021, où il a occupé le rang 123 (dans le nouveau rapport, il s’agit plutôt de 122 mais, mais là n’est pas le problème) le pays a enregistré un progrès de 2- 3 points. Comme l’appréciation des progrès ou des reculs ne se mesure pas sur une année, mais elle doit porter sur une période longue, nous avons suivi l’évolution de l’IDH depuis la publication du premier rapport sur le développement humain en 1990.
Ainsi, l’IDH Maroc a augmenté régulièrement durant la période 1990- 2022, à la seule exception de 2020 où il a connu une légère diminution. En 2021, il retrouve son niveau de 2019 contrairement à beaucoup de pays de son groupe. Cette évolution positive de l’IDH n’aboutit pas forcément à l’amélioration régulière du classement.
Au contraire, nous avons assisté durant cette période à une évolution erratique faisant que le classement varie entre le rang 134 en 2017 et 112 en 1994,1998 et 1999. Par ailleurs, d’après les données fournies par le rapport, le Maroc a enregistré un taux de croissance annuel moyen de son IDH de 1,40% durant la période 1990-2022, contre un taux moyen de 0,65% au niveau mondial, 0,95% au niveau des pays en développement, et 0,77% au niveau des pays arabes. Toutefois, on relève une « croissance décroissante » de ce taux d’une période à une autre : 1,6% entre 1990-2000 ; 1,41% entre 2000-2010 et 1,21% entre 2010-2022.
Ces données incitent à se poser des questions.
Globalement, l’IDH Maroc en 2022 qui est de 0,698 est pratiquement le même que celui enregistré au niveau des pays en développement (0,694). Toutefois, si l’on compare les trois indicateurs de cet indice, on relève des différences nettes. Ainsi, si l’espérance de vie à la naissance est de 75 ans au Maroc, elle est à peine de 70,5 ans dans l’ensemble des PVD ; le nombre d’années de scolarité dégage un déséquilibre en défaveur du Maroc : 6,1 contre 7,6 ; il en est de même pour le RNB par habitant.
Le RNB du Maroc représente 71% de la moyenne des PVD soit respectivement 7900$ et 11125 $. L’un des enseignements majeurs à tirer de ces comparaisons c’est que à chaque fois que le Maroc investit sérieusement dans un domaine donné, tel est le cas de la généralisation du vaccin à l’ensemble des nouveau-nés, les résultats ne tarderont pas à apparaitre. Par contre, le fossé se creuse avec les pays comparateurs au niveau de l’éducation et de la création de richesse.
Bien sûr, beaucoup d’analystes et d’hommes politiques soulignent les insuffisances de ce rapport, sachant que des modifications substantielles ont été introduites dans les récentes éditions par rapport aux moutures précédentes.
La perfection est toujours souhaitable. Mais il faut reconnaitre que cet indice tel qu’il est élaboré, sur la base des statistiques nationales faut-il le préciser, est scruté de plus près par les investisseurs et les instituts de notation et de rating. C’est un instrument à prendre en considération dans tous les cas.