​La géopolitique et le sport, deux faces d’une même monnaie


Le sport a toujours eu une place importante dans les politiques publiques des États tantôt comme loisir, et divertissement des peuples, tantôt comme outil au service des ambitions politiques et idéologiques des régimes en place.



Par Mamoune Acharki

Historiquement monopolisé par les élites, le sport comme moyen de divertissement et de création d’entente entre les différentes classes sociales voire même un facteur de paix et de convivialité entre toutes les composantes de la société, s’érige désormais comme une arme géopolitique redoutable au service du softpower des Etats qui aspirent se positionner sur la scène internationale.

La place prépondérante accordée au sport et l’engouement des populations pour ce domaine n’ont fait qu’accentuer les efforts des Etats pour tirer profit de ce moyen à la fois fédérateur et influenceur sur moult égards.

L’évolution historique de l’influence du sport sur la géopolitique mondiale

De retour aux Jeux Olympiques dans leur version moderne en 1896 et le lancement de la Coupe du Monde en 1930 en Uruguay ont largement contribué à la démocratisation des sports et en ont fait un facteur sociétal d’envergure, capable d’interagir avec la géopolitique. Cette interaction n’a pas tardé à se manifester. Les années trente, décennie des idéologies, verront l’univers sportif grandement influencé par les courants idéologiques tels que le capitalisme, le fascisme, le nazisme, ou encore le communisme.

La Coupe du Monde de 1934, organisée par l’Italie fasciste, est un exemple des plus éloquents de cette interaction. Le « Duce » assista à tous les matchs de la « Squadra Azzura ». L’importance de la victoire pour lui était telle qu’il fit parvenir un message aux joueurs avant la grande finale : « Vaincre ou mourir ». Terrorisés, ils jouèrent en tenues noires et, heureusement pour eux, gagnèrent la coupe.

Même modus operandi lors des J.O. de Berlin en 1936 où la fameuse image frappante de milliers de spectateurs debout dans les tribunes, arborant fiérement le salut nazi, avait fait le tour du monde reflétant ainsi l’image d’une Allemagne nazie aux antipodes des idéologies occidentales classiques.

En effet, Berlin s’efforça à refléter la « supériorité de la race aryenne » par le nombre de médailles qu’elle décrocha : 89 au total, dont 38 médailles d’or. Le pays finit donc en tête du classement, qui se fait pour la première fois, au grand plaisir de la propagande nazie et d’Adolf Hitler, « Führer ».

L’indissociabilité de la géopolitique et du sport se poursuvait lors de la guerre froide, caractérisée par une compétition exaspérée entre les Américains d’une part et les Soviets de l’autre, marquant ainsi une guerre idéologique entre le communisme soviétique, et le capitalisme américain. C’est dans ce cadre que s’inscrit la participation soviétique féminine distinguée de l’époque, dans le but de souligner la vision communiste d’égalité du genre et la supériorité de la femme communiste vis à vis la femme capitaliste.

Cet acharnement a atteint son zénith lorsque les Jeux de Moscou en 1980 étaient boycottés par les États-Unis en raison de l’invasion soviétique de l’Afghanistan. Réponse du berger à la bergère, l’URSS s’était, lui aussi, retiré des joutes olympiques de Los Angeles en 1984. Preuve ultime de l'interaction croissante entre la géopolitique et la sphère sportive. 

Cependant, ces enjeux ne se sont pas dissipés aujourd’hui. L’interdiction des drapeaux Russes lors des Jeux Olympiques de Paris de 2024, la cérémonie d’ouverture à consonance wokiste, et la présence d’athlètes israéliens soulevant fièrement leur bannière nationale en dépit des horreurs que leur État perpètre quotidiennement sur les territoires palestiniens occupés, en sont la preuve concrète.

Le sport dans la géopolitique marocaine

Sur le plan national, le sport est un exutoire prisé par des millions de citoyens au Maroc. Mais au-delà d’être une simple passion populaire, le sport, sous la Haute direction de SM le Roi Mohammed VI, est devenu un maillon incontournable de la chaine softpower par laquelle le pays fait valoir ses atouts et fait entendre sa voix.

Dans ce sens, le football, qui fait vibrer des millions de personnes de par le monde, est devenu un moyen adéquat pour promouvoir la culture et la civilisation marocaines. Ceci a pris olus de l’ampleur à la faveur de la performance palpitante de l’équipe nationale lors de la dernière Coupe du Monde organisée au Qatar.

Cette manifestation planétaire de grande envergure a permis au Maroc d’entrer de plain pied dans la cour des Grands et partant devenir un modèle à suivre dans sa politique sportive et son cursus de formation, notamment à travers l’Académie Mohammed VI de football.

Dans la même veine, les Jeux Olympiques de Paris constituent une occasion en or pour le Maroc en vue de consolider ses acquis et renforcer sa position de leader arabe et africain dans le domaine sportif. Ils sont aussi un vecteur de diffusion de la politique étrangère marocaine basée sur la coopération sud-sud, le respect et la compréhension.

Le sport sert aussi la première cause nationale dans la mesure où de nombreux pays sont convaincus de la justesse de la thèse marocaine à travers l’organisation de plusieurs manifestations dans les provinces du Sud et les infrastructures sont disposent ces régions.

Il est indéniable que le sport incarne de plus en plus la puissance et l’influence. Le Maroc est bien conscient de l’importance qu’il doit accorder à ce domaine pour asseoir sa présence et son influence sur la scène internationale et servir ainsi ses intérêts.

Cependant, la question qui se pose : le Royaume saura-t-il pleinement tirer profit de l’opportunité qui s’offre à lui en tant qu’hôte de deux manifestations sportives majeures, la Coupe d’Afrique des Nations 2025 et la co-organisation de la Coupe du Monde 2030, aux côtés de l’Espagne et du Portugal ?


Samedi 17 Aout 2024

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