Au cœur du sud-est marocain, dans la région oasienne du Tafilalet, un trésor culinaire continue de se transmettre de génération en génération : L’Medfouna, littéralement “la cachée”, souvent surnommée la “pizza du désert”. Mais réduire ce mets traditionnel à une simple comparaison avec la cuisine italienne serait passer à côté de sa véritable richesse : un voyage à travers le temps, les saveurs et les valeurs d’une terre ancestrale.

Loin des fourneaux modernes, la préparation de L’Medfouna est un rituel qui mobilise les sens, le corps et l’âme. La pâte, faite de farine et d’eau, est pétrie à la main avec patience. Elle accueille ensuite une farce généreuse à base de viande (souvent du bœuf ou du mouton), finement hachée et mélangée à des épices emblématiques de la région : cumin, paprika, safran, poivre noir, et parfois des herbes sauvages cueillies aux abords des palmeraies. Le tout est scellé dans la pâte, puis enfoui sous des braises ardentes, cuisson traditionnelle qui confère à ce plat son goût fumé inimitable.

Cette méthode, héritée des modes de vie nomades, illustre l’ingéniosité d’un peuple habitué à tirer le meilleur de ressources modestes. Dans les familles du Tafilalet, L’Medfouna est plus qu’un repas : c’est un acte d’amour, de mémoire, et d’hospitalité.

À Rissani, berceau de ce plat emblématique, Fatima Oulida, figure respectée de la tradition culinaire locale, en est l’une des gardiennes les plus ferventes. Dans sa modeste cuisine de terre, ses mains dans la farine et les yeux pétillants de passion, elle incarne la transmission vivante d’un savoir-faire qui refuse de disparaître. À travers ses gestes précis, elle raconte bien plus que des recettes : elle raconte l’histoire des femmes oasiennes, de leurs combats, de leurs joies et de leur attachement viscéral à leur terre.

Fatima ne cuisine jamais L’Medfouna pour elle seule. Elle invite, elle partage. Comme dans tout repas de cette région, la convivialité est au cœur du moment. Déguster L’Medfouna, c’est s’asseoir en cercle, rompre le pain à la main, échanger des anecdotes, rire fort et boire du thé à la menthe. Chaque bouchée est un souvenir, une confidence, un fragment de culture.

Aujourd’hui, alors que les cuisines du monde se croisent et s’hybrident, L’Medfouna reste une sentinelle des racines. Elle rappelle que derrière chaque plat traditionnel, il y a un peuple, une géographie, un climat, une mémoire collective. Et dans le désert marocain, sous les palmiers et les dunes, le parfum de L’Medfouna continue de flotter comme un hommage à celles et ceux qui la préparent avec amour.