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​Chômage indemnisé en Algérie : une paix sociale qui entretient l’inactivité


Rédigé par La Rédaction le Mardi 8 Avril 2025



Une politique généreuse… mais contre-productive ?

Dans un contexte de crise économique persistante, l’Algérie s’est engagée dans une politique sociale inédite : indemniser massivement les chômeurs sans condition de contrepartie. Trois millions de demandeurs d’emploi perçoivent ainsi 70 % du SMIG, une mesure défendue par les autorités comme un rempart contre l’extrême pauvreté et un frein à l’émigration illégale. Pourtant, cette stratégie révèle aujourd’hui ses limites économiques et sociales.

Derrière cette redistribution de rente, financée par les hydrocarbures, se cache un paradoxe inquiétant : loin de favoriser la réinsertion, ce système semble consolider une économie de la dépendance, où le travail productif devient l’exception. Le message implicite envoyé à la jeunesse ? Mieux vaut attendre que travailler.

Un modèle économique dissuasif

Les entrepreneurs algériens, notamment dans l’agriculture, la petite industrie ou les services, dénoncent des difficultés croissantes à recruter. Dans plusieurs régions, les emplois proposés à 30 000 ou 35 000 dinars par mois sont refusés au profit de l’allocation chômage, moins contraignante et moins risquée.

Ce phénomène installe une logique perverse : le coût du non-travail devient plus attractif que celui du travail, surtout dans un contexte où les conditions d’emploi sont souvent précaires, sans contrat ni protection sociale. Le système de subvention, initialement pensé comme une aide temporaire, est devenu un substitut au marché de l’emploi.

L’économie informelle prospère

Par ailleurs, ce chômage indemnisé nourrit une économie souterraine florissante. Nombre de bénéficiaires exercent des activités non déclarées, parfois lucratives, cumulant ainsi allocation et revenus parallèles. Les pertes pour les caisses de l’État sont considérables, sans parler du sentiment d’injustice ressenti par les travailleurs réguliers.

La Banque d’Algérie estime que plus de 40 % de l’activité économique nationale s’effectue hors des circuits officiels. Ce poids de l’informel rend toute réforme fiscale ou sociale difficile à appliquer, et mine la capacité de l’État à construire un système de sécurité sociale viable.

Des effets limités sur l’émigration

L’un des objectifs affichés par le gouvernement était de dissuader les jeunes de prendre la mer. Mais les faits démentent cette ambition : les départs clandestins vers l’Europe continuent, y compris parmi les titulaires de diplômes universitaires et les allocataires. Le sentiment de stagnation, l’absence de perspectives et la corruption généralisée alimentent un profond désespoir.

Vers une réforme nécessaire mais impopulaire

Le président Tebboune, réélu en 2024, n’a pas encore osé remettre en question ce dispositif, malgré les alertes des économistes. Une réforme du marché du travail — basée sur la formation professionnelle, l’accompagnement des jeunes, l’investissement productif et l’incitation à l’emploi — serait pourtant indispensable. Mais elle suppose une refonte complète de l’appareil administratif, souvent jugé inefficace, et une vision politique de long terme, peu compatible avec la logique rentière actuelle.

Le chômage indemnisé en Algérie révèle un dilemme cruel : maintenir la paix sociale à court terme ou engager une véritable dynamique de travail. Tant que l’État n’offrira pas un cadre incitatif et digne pour produire, entreprendre et innover, il ne sortira pas du cercle vicieux de l’inactivité financée par une rente en sursis.

Dossier spécial de "L'Eco Business" de ce week-end sur l'Algérie économiquement parlant :

​1-L’illusion de la diversification économique en Algérie : entre annonces présidentielles et réalités structurelles
Focus sur les retards, blocages administratifs et dépendance persistante au pétrole malgré des projets emblématiques.
2-Hydrocarbures : le talon d’Achille de l’économie algérienne face aux enjeux de transition énergétique
Analyse des limites de Sonatrach, la faible part des renouvelables, et les conséquences des investissements insuffisants.
3-L’inflation algérienne vue du quotidien : quand un poulet coûte 10 % du SMIC
Témoignages et données sur l’impact de l’inflation sur les ménages, et le désajustement des salaires publics.
4-Les contradictions du modèle social algérien : subventions, chômage indemnisé et inactivité de masse
Enquête sur les effets pervers du système de redistribution, et l’incapacité à stimuler l’emploi productif.
5-Le pari raté de la politique industrielle : que reste-t-il de l’ambition d’un "Made in Algeria"?
Bilan des projets (automobile, sidérurgie, ciment), obstacles à l’intégration dans les chaînes de valeur mondiales.
6-Algérie-UE : vers une guerre commerciale larvée ?
Analyse des tensions autour des restrictions à l’exportation, les réactions de Bruxelles et les risques pour les IDE.
7-La transition énergétique algérienne : entre potentiel solaire et dépendance fossile
Algérie : le soleil brille, mais la transition énergétique reste dans l’ombre
8-Jeunesse algérienne : génération sacrifiée ou force économique ignorée ?
Un capital humain sous-exploité





Mardi 8 Avril 2025

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