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Par Zineb MARJOUF
Le bonheur qui a suivi la conclusion du contrat de vente a été remplacé par un accident, un déménagement.
Rien n’est plus expressive que ce passage : « j’ai emménagé seule avec notre fils au cœur d’un enchainement chronologique assez brutale signature de l’acte de vente, accident, déménagement obsèques. L’accélération la plus folle de mon existence. » P. 14
Brigitte Giraud revient sur les circonstances qui ont conduit à ce jour fatidique du 22 juin 1999.
Une délicate introspection où elle tente toujours de comprendre ce qui a conduit au drame.
C’est ainsi qu'elle commence son introspection remet en question ce maudit destin, en dressant une liste de "si"
Chaque entrée de cette liste serait un chapitre :
Si je n'avais pas voulu vendre l'appartement,
Si mon grand-père ne se serait pas suicidé,
Si je n'avais pas visité cette maison…
Plus de vingt Si. vingt-trois, pour essayer de comprendre l'incompréhensible.
Ce qui est remarquable dans son écriture, c’est qu’elle utilise le « dis narré » chose qui est rarement utilisée en littérature.
Enfin, le terme « dis narré » désignera les éléments qui, dans une histoire, font explicitement référence à ce qui ne s'est pas produite, mais qui aurait pu s'est passé tel que nous voyant à travers ses mots :
Si je n'avais pas voulu vendre l’appartement.
Si je n'avais pas visité cette maison. Etc.
Il est vrai que l’œuvre littéraire est le produit d’un créateur auteur destiné à un lecteur dans la mesure où l’un écrit, l’autre lis, l’opération d’écrire nécessite et implique automatiquement celle de lire. Mais on ne peut pas considérer la création littéraire en dehors de l’esthétique de la réception, ni de la culture. Du simple fait que l’œuvre littéraire s’identifier à l’acte qu’elle produit à sa réception. Rien n’est plus expressif que la célèbre citation de jean Claude carrière : « En écrivant, un écrivain est condamné au succès ou à un deuxième métier. »
Avec cette litanie de "si" qui chapitre tout le roman, le succès de Brigitte est bien mérité rendant son style magnifique et unique en son genre. C’est ainsi que les vagues déchaînées de l'insurrection ont cédé la place à des eaux plus nostalgiques, et la lumière persistante du fugitif brille doucement dans les pages de deuil. Alors, à travers cette touchante histoire, humblement, on se retrouve à retenir notre souffle aux côtés de l'auteure, lui laissant le temps d'imaginer un instant son destin, si les événements ont passé aussi vite qu’elle n’a pas pu les saisir, les tenir voire même les comprendre.
En ayant recours à l’écriture, elle a pu au moins tenir la chronique des faits et des gestes en les écrivant à la main selon son propre rythme et en prenant bien son temps. Chose qui lui permet de prendre du recul, de ne pas aller aussi vite que le vent pour pouvoir trouver sa voie et la force d'affronter ses aléas immuables afin de comprendre et d’accepter la vie telle qu’elle est avec le bien et le mal.
Et finalement elle a pu comprendre qu’il n’y a rien à comprendre « chacun joue
Son rôle chacun bien à sa place. Tout est si bien huilé. Ça fonctionne, ça dysfonctionne, pour le meilleur et pour le pire.
Il n’y a pas de "si" » mais il y a la force de vivre, de continuer et de devenir à la fois homme et femme en acceptant la destinée telle qu’elle est apparemment écrite.