Violence basée sur le genre : appel insistant à la révision de la loi 103-13


Rédigé par le Dimanche 3 Décembre 2023

En marge du lancement de la 21ème Campagne nationale de lutte contre les violences faites aux femmes, les militantes féministes appellent à une révision complète de la loi 103-13 afin d'améliorer la protection contre les violences numériques et économiques.



À l'instigation du ministère de la Solidarité, de l’insertion sociale et de la famille, la 21ème Campagne nationale de lutte contre la violence envers les femmes et les filles a été lancée cette semaine. Sous le thème "La violence est condamnée. Mobilisons-nous pour la signaler en tous lieux", cette campagne se déroulera jusqu'au 10 décembre, avec pour objectif déclaré "d'établir un environnement sûr pour protéger les femmes et les filles contre diverses formes de violence", selon le ministère. Cette initiative, réalisée en partenariat avec le Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA) et avec le soutien du ministère des affaires étrangères du Danemark, coïncide avec la campagne mondiale de l'ONU "Tous UNiS", une mobilisation de seize jours pour prévenir la violence envers les femmes et les filles.

La ministre de la Solidarité, de l’insertion sociale et de la famille, Aawatif Hayar, a expliqué le choix du thème central de cette 21ème campagne en mettant l'accent sur l'importance de sensibiliser et de promouvoir la culture du rejet de la violence dans toutes les composantes de la société marocaine. Elle a souligné l'impératif de dénoncer les actes de violence contre les femmes pour lutter contre l'impunité, affirmant que "le ministère est résolu à faire de cette campagne une étape cruciale pour la mobilisation sociale, la préservation des acquis et la création d'un environnement sain rejetant toute forme de violence et de discrimination".

Ces préoccupations sont partagées par les activistes féministes, qui ont saisi l'occasion pour exprimer leurs inquiétudes. Déplorant les statistiques alarmantes sur les violences faites aux femmes au Maroc, ces associations constatent "l'inefficacité" des lois actuelles. Bouchra Abdou, directrice de l'association Tahadi pour l'égalité et la citoyenneté (ATEC), réclame ainsi une révision intégrale de la loi 103-13 afin d'optimiser la prévention de la violence, renforcer la protection des femmes, favoriser la prise en charge des victimes et pénaliser les agresseurs.

Une loi inneficace

Même constat de la part de Amina Lotfi, présidente de l’Association démocratique des femmes du Maroc (ADFM). " La loi 103-13 n'a fait que réviser certains articles du Code pénal sans répondre pour autant aux standards internationaux. Pour une meilleure efficacité, il faut absolument aligner ses dispositions avec la Constitution de 2011 et les conventions internationales ratifiées par le Maroc ", réclame la présidente de l'ADFM.
82,6% de femmes marocaines ont subi au moins une forme de violence durant leur vie 

Selon la directrice de l'ATEC, il est désormais essentiel de mettre en place une Instance de la parité afin de renforcer la lutte contre toutes les formes de discriminations et de fournir un cadre institutionnel à cette cause. En attendant, Abdou souligne l'urgence d'une révision complète de la loi 103-13 pour assurer la protection des femmes contre les violences, qu'elles surviennent dans l'espace public, privé ou numérique.
"Après cinq ans d'application, la situation des femmes s'est détériorée, en particulier sur le plan économique, avec l'impact plus prononcé de la crise sur la gent féminine. La loi 103-13 n'a en rien amélioré cette situation difficile", dénonce la militante féministe, appelant à une révision immédiate de cette loi.

En quoi consiste la révision espérée ?

" Commencer par les définitions claires et précises de toutes les formes de violence afin d'éviter les mauvaises interprétations et autres "détournements", et définir aussi les responsabilités de tous les intervenants des actions de lutte anti-violence contre les femmes ( police, justice..) " s'accordent à réclamer les activistes féministes.

Selon ces dernières, la législation devrait détailler des mesures appropriées et précises permettant aux autorités compétentes d'initier des enquêtes, de sanctionner les agresseurs et de réparer les préjudices subis par les victimes. Inflexibles, les associations demandent l'abrogation des articles qui permettent aux coupables d'échapper aux poursuites judiciaires si la victime choisit de retirer sa plainte, ou si elle est "forcée" de le faire. "Nous plaidons également pour la consolidation de tous les textes et lois relatifs à la violence numérique contre les femmes au sein d'un seul Code de lutte anti-violence numérique", ajoute-t-on du côté de l'ATEC.

Chiffres inquiétants

Selon les résultats de l'enquête nationale sur les violences faites aux femmes réalisée par le HCP en 2019, sur une population de 13,4 millions de femmes et de filles âgées de 15 à 74 ans, plus de 8 femmes sur 10 ont été victimes d'au moins une forme de violence au cours de leur vie (82,6%). Cette prévalence globale est encore plus élevée dans certaines régions du Maroc, notamment à Casablanca-Settat (92,8%), Beni-Mellal-Khénifra (92,5%), Tanger-Tétouan-Al Hoceima (91%) et Souss-Massa (90,3%). Cependant, elle est moins élevée dans d'autres régions, comme l'Oriental (71,3%), les régions du sud (76,3%) et Draa-Tafilalt (78%). Le HCP commente que ces pourcentages très élevés mettent en lumière l'aspect structurel de la violence dans la société marocaine.

En expansion, la violence numérique et électronique représente désormais 19% de toutes les formes de violence subies par les femmes, touchant près de 1,5 million de Marocaines. Un chiffre qui pourrait être sous-estimé en raison du silence entourant ce type d'affaires, empêchant les victimes de dénoncer leurs agresseurs. Ce pourcentage atteint cependant des niveaux plus alarmants chez les filles âgées de 15 à 19 ans, atteignant 34%, et chez les jeunes femmes âgées de 20 à 24 ans, atteignant 28%. L'incidence de ce type de violence est nettement plus élevée chez les jeunes femmes (29%), les diplômées de l'enseignement supérieur (25%), les femmes célibataires (30%) et les étudiantes (36%).



Salma LABTAR
 




Journaliste sportive et militante féministe, lauréate de l'ISIC En savoir plus sur cet auteur
Dimanche 3 Décembre 2023
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