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Cela fait déjà quelques cinq minutes que je suis attablé à la terrasse du café et Rachid, le serveur le plus insolent que la terre ait jamais porté, n’a toujours pas daigné m’apporter ma dose de remontant quotidienne, une tasse de café. Je fini par le héler.
- Qu’est-ce que je te sers, me demande-t-il avec un ton cassant.
- Tu me poses la question comme si je n’étais pas ton client depuis plusieurs années. Aurais-je commis une erreur à ton égard sans m’en rendre compte ?
- Tu pourrais très bien ne pas avoir dans ta poche de quoi te payer une tasse de café et vouloir te contenter d’un verre d’eau du robinet. Les temps sont durs pour tout le monde. Ou presque.
- Tu es sérieux ?
- Et comment que je suis très sérieux !
Rachid pose son plateau sur la table, mais reste debout. Il a déjà une tête de repris de justice, mais là, avec la grimace de colère qui déforme son visage, il fait vraiment peur.
- Tu es au courant, monsieur le journaleux, des prix des légumes sur le marché ? Ou serais-tu occuper à rédiger des articles sur la vie intime des artistes et autres scandales de mœurs ? Sais-tu l’enfer que vit ton compatriote pauvre qui n’ose plus sortir faire ses courses ?
- Calmes toi, Rachid, l’inflation touche le monde entier. Elle a été de 6,6% l’année dernière, au Maroc.
- Tu crois que je ne me tiens pas au courant ? L’indice des prix des produits alimentaires a augmenté de 11%, monsieur. Tu sais combien coûte le kilo de tomates sur le marché ? 13 dhs, monsieur ! Les oignons, 10 dhs le kilo ! La patate, monsieur, cette pauvre patate, elle trône sur son cagot à 13 dhs le kilo !
Tu regardes, mais tu ne touches pas.
Tu regardes, mais tu ne touches pas.
Essoufflé par sa longue tirade, Rachid fini par s’assoir. Mais ce n’était que pour mieux continuer.
- Et puis, il y a des légumes que l’on ne voit plus même plus à l’étalage. J’ai demandé, hier, à mon voisin, qui est marchand de légumes, si je pouvais prendre une photo souvenir avec des haricots verts, que je puisse montrer à mes enfants quand ils grandiront, pour leur parler d’une époque ou nous avions encore le droit de consommer ce légume produit chez nous, au Maroc.
Tu sais comment à réagi mon voisin ? Il m’a regardé de travers et dit qu’il ne l’apporte plus que sur commande, pour les quelques clients qui ont les moyens d’en acheter. Les haricots verts sont à plus de 30 dhs le kilo, monsieur.
Le plan Maroc vert a produit de l’or vert, hors de portée de la bourse du commun des mortels.
Tu sais comment à réagi mon voisin ? Il m’a regardé de travers et dit qu’il ne l’apporte plus que sur commande, pour les quelques clients qui ont les moyens d’en acheter. Les haricots verts sont à plus de 30 dhs le kilo, monsieur.
Le plan Maroc vert a produit de l’or vert, hors de portée de la bourse du commun des mortels.
La critique des politiques appliquées est à peine subtile, mais je décide de me faire l’avocat du diable.
- Ecoutes, Rachid, tu sais très bien que lorsque les prix des hydrocarbures grimpent, tout le reste suit. Ce sont les intrants de la production agricole qui sont devenus plus chers.
Rachid sort une cigarette, la tourne plusieurs fois entre ces doigts, avant de l’allumer.
- Tu me prends pour un imbécile ? Tu crois que je ne sais pas tout ça ? Mais dis moi, comment se fait-il que le Maroc exporte de plus en plus de produits agricoles et que l’on retrouve ces produits sur les marchés étrangers au même prix qu’au Maroc, quelques fois même un peu moins ?
J’ai un cousin qui vit en Espagne, il m’a envoyé par Whatsapp une vidéo sur les légumes marocains vendus là bas. J’ai vu les étiquettes des prix. Je sais faire la conversion de l’euro en dirham.
En fait, d’intrants, les engrais sont bien produits avec des dérivés des phosphates, extraits au Maroc même, n’est-ce pas ? Et les phosphates, c’est le produit-phare du Maroc en matière d’exportation, qui a réalisé de bonnes performances l’année dernière, est-ce que je me trompe ?
De toutes ces bonnes recettes, il n’y a pas de miettes pour les citoyens écrasés par le renchérissement du coût de la vie ? Il faut arrêter de prendre les Marocains pour des demeurés.
J’ai un cousin qui vit en Espagne, il m’a envoyé par Whatsapp une vidéo sur les légumes marocains vendus là bas. J’ai vu les étiquettes des prix. Je sais faire la conversion de l’euro en dirham.
En fait, d’intrants, les engrais sont bien produits avec des dérivés des phosphates, extraits au Maroc même, n’est-ce pas ? Et les phosphates, c’est le produit-phare du Maroc en matière d’exportation, qui a réalisé de bonnes performances l’année dernière, est-ce que je me trompe ?
De toutes ces bonnes recettes, il n’y a pas de miettes pour les citoyens écrasés par le renchérissement du coût de la vie ? Il faut arrêter de prendre les Marocains pour des demeurés.
- Le Maroc a cessé d’exporter les légumes vers les autres pays d’Afrique, justement à cause de ce problème.
Rachid me lance un regard perçant, glacial. Si ses yeux pouvaient tirer des balles, je serais mort à l’heure qu’il est.
- Alors là, c’est sûr que tu me prends pour un imbécile. Quel est la part de l’Afrique dans nos exportations agricoles ? Quelques 1%, c’est cela ?
Coincé, je cherche une échappatoire.
- Les producteurs agricoles sont libres de vendre leurs produits ou ils veulent pour maximiser leurs marges bénéficiaires. C’est la loi du marché.
- La loi du marché prévoit-elle de louer des terres agricoles publiques à bas prix et des subventions pour les producteurs pour que ces derniers exportent, en fin de compte, leurs productions ?
J’abandonne ma tasse de café, de toute manière refroidie, je pose le prix de la consommation sur la table, agrémenté d’un bon pourboire, et je m’empresse de m’éclipser. Je tiens, enfin, le sujet de mon billet.