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Par Rachid Boufous
C’est énorme pour un pays d’à peine 36 millions de bipèdes…
Je reste tout de même dubitatif et même parfois enclin à y croire. Souvent je rencontre des gens, bien sous tous rapports et qui semblent, à première vue, équilibrés mentalement. Toutefois, il m’arrive de les voir changer, soudain, de tempérament, d’attitude ou de comportement. C’est assez étrange et cela me pousse à me poser de sérieuses questions. On ne peut pas passer d’un comportement calme à un comportement à la limite de la schizophrénie, en très peu de temps.
La nature humaine marocaine étant par essence instable et changeante selon les humeurs du jour, de la lune, du soleil, de la pluie, du beau temps, des hormones, des menstruations, de de l’argent, de l’amour, de l’échec, de la Hazqa, de l’Ukraine, de la Palestine, du prix du carburant, du prix de la tomate, de celui de la viande, des retards du train, de la religion; je n’arrive toujours pas à comprendre comment on passe d’un état primaire à un état second, chez nous, en un laps de temps, qui rendrait la vitesse de la lumière obsolète et dépassée…
J’ai beau chercher à comprendre, compulser les œuvres doctes de savants étrangers, je me rends compte qu’il nous manque des psychanalystes locaux sérieux et rigoureux, pour s’épancher sérieusement sur notre mal psychique local. Je crois toutefois avoir décelé quelques facteurs communs qui rendent les gens, ici, un peu moins prévisibles qu’ailleurs.
Tout d’abord et en premier lieu, l’argent. Dans un pays où la majorité des gens sont en proie à la Hazqa structurelle, cette « faucherie » généralisée, avoir de l’argent pour s’en sortir économiquement et socialement demeure une quête constante chez la plupart des individus.
En manquer, reviendrait à vivre des moments très difficiles, vivre des instants pénibles, devoir subir le regard condescendant et méprisant de ceux qui ont en et surtout passer des nuits blanches à cogiter sur le moyen, légal ou pas, d’en avoir suffisamment pour « peter » à la face des autres ou pour juste payer la traite à la fin du mois, faire ses courses ou payer la scolarité de ses enfants…
Cela devient même un sport national, que de partir tous les jours à la poursuite de l’auguste Dirham. La « faim justifie les moyens » comme dirait Machiavel s’il était venu s’installer chez nous. Faim de vivre, de posséder, de narguer les autres, de rouler en 4x4 rutilantes, de se payer des vacances de rêve, d’envoyer ses enfants dans les meilleures écoles, de construire une grande villa, de s’habiller à la dernière mode, afin d’être quelqu’un qui mérite le respect dans une société, socialement hypocrite et qui ne respecte et ne craint que les possédants, pas les possédés…
En second lieu, les rapports sociaux et sentimentaux. Le mariage étant un contrat entre deux personnes autour d’un projet de vie, censé apporter le calme et l’aisance suffisants pour bâtir un foyer et une famille, beaucoup cherchent à le réaliser, sans y parvenir, pour de multiples raisons.
D’ailleurs l’âge du mariage est de plus en plus tardif et avoisine les 29 ans pour les filles et 32 ans pour les garçons, en moyenne. Toujours cette question de moyens qui se met en travers d’un hypothétique bonheur conjugal. Mais pas que cela. La méfiance des deux sexes l’un envers l’autre est devenue endémique.
La peur de se faire avoir, de se donner à quelqu’un qui ne le mérite pas, à court ou à moyen terme, devient une donne incontournable dans la réflexion des jeunes et des moins jeunes. Résultat : 171.000 divorces pour la seule année 2021, ce qui pose des questions sérieuses sur la survie du mariage au Maroc.
Cela déprime grandement les filles, qui tardent à trouver le « Ould Nass », capable de les comprendre sans les mépriser, de les aimer sans user de la violence ou de les mettre en valeur sans les jalouser. Cela déprime aussi les garçons, qui pensent la même chose, sans oser se l’avouer, car leur « homitude » en prendrait un sacré coup…
Alors essayer de vivre avec l’être choisi, afin de le « tester » avant la signature de l’acte de vie commune, reste quelque chose de risquée.
Je reste tout de même dubitatif et même parfois enclin à y croire. Souvent je rencontre des gens, bien sous tous rapports et qui semblent, à première vue, équilibrés mentalement. Toutefois, il m’arrive de les voir changer, soudain, de tempérament, d’attitude ou de comportement. C’est assez étrange et cela me pousse à me poser de sérieuses questions. On ne peut pas passer d’un comportement calme à un comportement à la limite de la schizophrénie, en très peu de temps.
La nature humaine marocaine étant par essence instable et changeante selon les humeurs du jour, de la lune, du soleil, de la pluie, du beau temps, des hormones, des menstruations, de de l’argent, de l’amour, de l’échec, de la Hazqa, de l’Ukraine, de la Palestine, du prix du carburant, du prix de la tomate, de celui de la viande, des retards du train, de la religion; je n’arrive toujours pas à comprendre comment on passe d’un état primaire à un état second, chez nous, en un laps de temps, qui rendrait la vitesse de la lumière obsolète et dépassée…
J’ai beau chercher à comprendre, compulser les œuvres doctes de savants étrangers, je me rends compte qu’il nous manque des psychanalystes locaux sérieux et rigoureux, pour s’épancher sérieusement sur notre mal psychique local. Je crois toutefois avoir décelé quelques facteurs communs qui rendent les gens, ici, un peu moins prévisibles qu’ailleurs.
Tout d’abord et en premier lieu, l’argent. Dans un pays où la majorité des gens sont en proie à la Hazqa structurelle, cette « faucherie » généralisée, avoir de l’argent pour s’en sortir économiquement et socialement demeure une quête constante chez la plupart des individus.
En manquer, reviendrait à vivre des moments très difficiles, vivre des instants pénibles, devoir subir le regard condescendant et méprisant de ceux qui ont en et surtout passer des nuits blanches à cogiter sur le moyen, légal ou pas, d’en avoir suffisamment pour « peter » à la face des autres ou pour juste payer la traite à la fin du mois, faire ses courses ou payer la scolarité de ses enfants…
Cela devient même un sport national, que de partir tous les jours à la poursuite de l’auguste Dirham. La « faim justifie les moyens » comme dirait Machiavel s’il était venu s’installer chez nous. Faim de vivre, de posséder, de narguer les autres, de rouler en 4x4 rutilantes, de se payer des vacances de rêve, d’envoyer ses enfants dans les meilleures écoles, de construire une grande villa, de s’habiller à la dernière mode, afin d’être quelqu’un qui mérite le respect dans une société, socialement hypocrite et qui ne respecte et ne craint que les possédants, pas les possédés…
En second lieu, les rapports sociaux et sentimentaux. Le mariage étant un contrat entre deux personnes autour d’un projet de vie, censé apporter le calme et l’aisance suffisants pour bâtir un foyer et une famille, beaucoup cherchent à le réaliser, sans y parvenir, pour de multiples raisons.
D’ailleurs l’âge du mariage est de plus en plus tardif et avoisine les 29 ans pour les filles et 32 ans pour les garçons, en moyenne. Toujours cette question de moyens qui se met en travers d’un hypothétique bonheur conjugal. Mais pas que cela. La méfiance des deux sexes l’un envers l’autre est devenue endémique.
La peur de se faire avoir, de se donner à quelqu’un qui ne le mérite pas, à court ou à moyen terme, devient une donne incontournable dans la réflexion des jeunes et des moins jeunes. Résultat : 171.000 divorces pour la seule année 2021, ce qui pose des questions sérieuses sur la survie du mariage au Maroc.
Cela déprime grandement les filles, qui tardent à trouver le « Ould Nass », capable de les comprendre sans les mépriser, de les aimer sans user de la violence ou de les mettre en valeur sans les jalouser. Cela déprime aussi les garçons, qui pensent la même chose, sans oser se l’avouer, car leur « homitude » en prendrait un sacré coup…
Alors essayer de vivre avec l’être choisi, afin de le « tester » avant la signature de l’acte de vie commune, reste quelque chose de risquée.
Pas possible de voyager ensemble, ni de prendre une chambre d’hôtel à deux, ni même de s’isoler calment sur un banc public, sans devoir subir les regards réprobateurs d’une société qui cherche pourtant à ce que ses enfants puissent se rencontrer et s’unir, mais qui refuse absolument de les voir copuler, afin de vivre calmement et sereinement leur idylle. Ils ne pensent les relations garçons-filles que selon l’amour de Platon : regarde sans toucher !
Des « Wili wili !, c’est Haram ! » fusent dès que les tourtereaux locaux essayent de vivre leur vie de couple, à l’image du reste de la jeunesse et des adultes du globe. La société toujours elle, hypocritement, leur refuse une liberté à laquelle ils ont pourtant droit, en tant qu’adultes consentants, sans préjugés aucuns. L’état et la justice n’ont pas à fourrer leur nez dans les slips des gens, du moment qu’ils ne font pas de tort à autrui.
Mais la société marocaine, forte de ses préjugés religieux et coutumiers de l’entend pas ainsi et refuse de rejoindre la mondialisation, sur ce registre du moins. D’ailleurs, des lois liberticides ont été instaurées afin de prévenir sévèrement tous les contrevenants. Mêmes les hommes et les femmes divorcés, qui cherchent à refaire leurs vies, en rencontrant de nouvelles personnes, n’y échappent pas.
Alors ils vont se rencontrer où ces amoureux, ou ces être en quête d’une future liaison stable ? Au café ? à devoir ingurgiter des jus d’avocat et de citron-gingembre à n’en plus finir, en se racontant des mensonges, alors que leurs âmes crient famine et qu’ils n’attendent que la première occasion pour s’embrasser, s’enlacer, se posséder mutuellement ?
Cela augmente durablement la frustration et l’abattement psychique chez ces adultes, alimenté par un taux d’hormones mâles et femelles en constante explosion…
En troisième lieu, l’horizon bouché et le manque d’espoir. Faire des études tout en étant convaincu, à tort ou à raison, qu’il n’y a pas de travail en bout du compte. Avoir une carrière de chômeur ou de chômeuse est une perspective terrible, qui pousse les adultes à « criser », sérieusement. Devoir rester à la charge de ses parents, au-delà d’un âge raisonnable est une idée qui rend souvent dingues les garçons et les filles de ce pays.
C’est pour cela qu’ils cherchent coûte que coûte à s’en sortir, du mieux qu’ils peuvent, acceptent souvent des « métiers de merde » plutôt que de rester sans rien faire. Ou, quand ils n’ont pas d’autres alternatives, c’est la fatalité de la drogue, en commerce ou en consommation, pour les garçons et le tapin pour les filles. C’est humiliant pour les deux sexes, mais ils n’ont souvent que ces ultimes choix dégradants pour garder un ultime espoir de s’en sortir ou se détruire, Danube façon ou d’une autre…
Pourtant, les filles qui ramènent de l’argent par la force de leur entrejambes sont souvent acceptées et honorées par leurs familles, car l’argent coule à flot, soudain la voiture et l’appartement ne tardent pas arriver et la mère, le père et même le grand frère, préfèrent détourner le regard, tout en annonçant à leur entourage et au reste du quartier, que la petite dernière travaille à Dubaï ou à Istanbul dans une « très grande société ». Elle fait dans « l’aide à prise de décision » disent-ils souvent.
Cela donne des idées aux gamines qui passent leur temps à reluquer des starlettes sur Instagram où TikTok, qui étaient moches il y’a à peine dix ans de cela et qui arborent de nouvelles plastiques à coups de chirurgies turques, s’enduisent de maquillages en triples couches et paradent avec des sacs à plusieurs millions et dans voitures toutes aussi acquises selon leur propre modèle économique…
Toujours cette société hypocrite et « Hazqa », fauchée, qui accepte l’argent, d’où qu’il vient, pourvu qu’ils n’en n’aient pas vu les conditions de son gain…
Cela est devenu une idéologie, que même les jeunes adoptent, très tôt. Si ça ne marche pas à l’école, ben ils choisiront « l’université émiratie ou turc » usitée par la grande sœur ou le « commerce de poudre » où prospère le grand frère. L’essentiel est de se débrouiller pour s’en sortir. Personne ne se pose la question que ces adultes, vivent des situations psychologiques difficiles, qu’ils doivent aussi lutter contre le regard narquois et hautain, d’une société qui accepte leur argent sans les adopter socialement, car ils n’ont pas réussi comme les « gens normaux »…
En quatrième lieu, les rapports au travail. Que l’on soit dans le secteur public ou privé, les rapports sociaux sont toujours emprunts de luttes infinies pour exister. Rapports ambigus entre chefs et subalternes, entre clients et prestataires. Des rapports de dominants et de dominés. Les premiers exagèrent leur pouvoir et les second leur résignation. Le pire survient quand les rapports au travail sont assujettis à du harcèlement ou de la violence. Il est rare toutefois que les victimes aillent jusqu’au bout de la contestation et recourent à la justice. L’exemple du personnel de maison ou des ouvrières, restent édifiants dans beaucoup de cas.
Il en est de même dans l’administration, les entreprises privées. Les femmes sont les premières victimes de cette souffrance psychologique. Elles doivent de moult stratagèmes pour esquiver les avances ou les harcèlements de leurs chefs. Même l’espace public, et surtout la rue et les transports publics, où 60% des utilisateurs sont des femmes, n’échappent pas à la règle. Cela finit par produire des souffrances psychologiques et psychiatriques importantes.
La société marocaine étant pyramidale et féodale depuis plusieurs siècles, les droits horizontaux sont assez récents pour être intégrés dans la vie au quotidien. Un racisme latent, et une ségrégation de tout instants, qui ne dit pas son nom, plombent les rapports sociaux autant dans les lieux de travail que dans la vie courante. Dans une société de pauvres, on est toujours le pauvre d’un autre pauvre juste un peu plus aisé et qui cherche à dominer plus bas que lui dans l’échelle sociale, par tous les moyens dont il dispose…
Résultat des courses : beaucoup de malades psychiatriques, victimes de tant de situations injustes et non voulues, qui atterrissent en bout d’un chemin de douleur et de souffrances, dans les très rares hôpitaux spécialisés existants et qui, malgré leurs moyens limités font un travail formidable pour venir à bout de ces souffrances psychologiques multiformes.
Le coût d’un malade local en soins psychiatriques avoisine les 2000 dirhams par jour. Par ailleurs, il faut en moyenne dépenser entre 300 et 600 dirhams (entre 27 et 55 euros) pour une consultation dans un cabinet privé. Une somme qui n’est pas à la portée de tout le monde.
Avant, les gens pauvres qui souffraient de troubles psychiatriques étaient tout simplement enfermés, voir souvent enchaînés dans un sinistre lieu, Bouya Omar, à Beni Mellal. Les hôpitaux de Berrechid, de Razi ou autres se démènent depuis des décennies, avec les moyens erratiques des hôpitaux publics pour venir en aide à ces malades en grandes souffrances psychiatriques.
En attendant, la société marocaine, malade de ses maux sociétaux, refusant de voir cette réalité psychiatrique, continue de vivre avec cette souffrance mentale endémique, comme si de rien n’était… jusqu’à quand ?
Rédigé par Rachid Boufous
Des « Wili wili !, c’est Haram ! » fusent dès que les tourtereaux locaux essayent de vivre leur vie de couple, à l’image du reste de la jeunesse et des adultes du globe. La société toujours elle, hypocritement, leur refuse une liberté à laquelle ils ont pourtant droit, en tant qu’adultes consentants, sans préjugés aucuns. L’état et la justice n’ont pas à fourrer leur nez dans les slips des gens, du moment qu’ils ne font pas de tort à autrui.
Mais la société marocaine, forte de ses préjugés religieux et coutumiers de l’entend pas ainsi et refuse de rejoindre la mondialisation, sur ce registre du moins. D’ailleurs, des lois liberticides ont été instaurées afin de prévenir sévèrement tous les contrevenants. Mêmes les hommes et les femmes divorcés, qui cherchent à refaire leurs vies, en rencontrant de nouvelles personnes, n’y échappent pas.
Alors ils vont se rencontrer où ces amoureux, ou ces être en quête d’une future liaison stable ? Au café ? à devoir ingurgiter des jus d’avocat et de citron-gingembre à n’en plus finir, en se racontant des mensonges, alors que leurs âmes crient famine et qu’ils n’attendent que la première occasion pour s’embrasser, s’enlacer, se posséder mutuellement ?
Cela augmente durablement la frustration et l’abattement psychique chez ces adultes, alimenté par un taux d’hormones mâles et femelles en constante explosion…
En troisième lieu, l’horizon bouché et le manque d’espoir. Faire des études tout en étant convaincu, à tort ou à raison, qu’il n’y a pas de travail en bout du compte. Avoir une carrière de chômeur ou de chômeuse est une perspective terrible, qui pousse les adultes à « criser », sérieusement. Devoir rester à la charge de ses parents, au-delà d’un âge raisonnable est une idée qui rend souvent dingues les garçons et les filles de ce pays.
C’est pour cela qu’ils cherchent coûte que coûte à s’en sortir, du mieux qu’ils peuvent, acceptent souvent des « métiers de merde » plutôt que de rester sans rien faire. Ou, quand ils n’ont pas d’autres alternatives, c’est la fatalité de la drogue, en commerce ou en consommation, pour les garçons et le tapin pour les filles. C’est humiliant pour les deux sexes, mais ils n’ont souvent que ces ultimes choix dégradants pour garder un ultime espoir de s’en sortir ou se détruire, Danube façon ou d’une autre…
Pourtant, les filles qui ramènent de l’argent par la force de leur entrejambes sont souvent acceptées et honorées par leurs familles, car l’argent coule à flot, soudain la voiture et l’appartement ne tardent pas arriver et la mère, le père et même le grand frère, préfèrent détourner le regard, tout en annonçant à leur entourage et au reste du quartier, que la petite dernière travaille à Dubaï ou à Istanbul dans une « très grande société ». Elle fait dans « l’aide à prise de décision » disent-ils souvent.
Cela donne des idées aux gamines qui passent leur temps à reluquer des starlettes sur Instagram où TikTok, qui étaient moches il y’a à peine dix ans de cela et qui arborent de nouvelles plastiques à coups de chirurgies turques, s’enduisent de maquillages en triples couches et paradent avec des sacs à plusieurs millions et dans voitures toutes aussi acquises selon leur propre modèle économique…
Toujours cette société hypocrite et « Hazqa », fauchée, qui accepte l’argent, d’où qu’il vient, pourvu qu’ils n’en n’aient pas vu les conditions de son gain…
Cela est devenu une idéologie, que même les jeunes adoptent, très tôt. Si ça ne marche pas à l’école, ben ils choisiront « l’université émiratie ou turc » usitée par la grande sœur ou le « commerce de poudre » où prospère le grand frère. L’essentiel est de se débrouiller pour s’en sortir. Personne ne se pose la question que ces adultes, vivent des situations psychologiques difficiles, qu’ils doivent aussi lutter contre le regard narquois et hautain, d’une société qui accepte leur argent sans les adopter socialement, car ils n’ont pas réussi comme les « gens normaux »…
En quatrième lieu, les rapports au travail. Que l’on soit dans le secteur public ou privé, les rapports sociaux sont toujours emprunts de luttes infinies pour exister. Rapports ambigus entre chefs et subalternes, entre clients et prestataires. Des rapports de dominants et de dominés. Les premiers exagèrent leur pouvoir et les second leur résignation. Le pire survient quand les rapports au travail sont assujettis à du harcèlement ou de la violence. Il est rare toutefois que les victimes aillent jusqu’au bout de la contestation et recourent à la justice. L’exemple du personnel de maison ou des ouvrières, restent édifiants dans beaucoup de cas.
Il en est de même dans l’administration, les entreprises privées. Les femmes sont les premières victimes de cette souffrance psychologique. Elles doivent de moult stratagèmes pour esquiver les avances ou les harcèlements de leurs chefs. Même l’espace public, et surtout la rue et les transports publics, où 60% des utilisateurs sont des femmes, n’échappent pas à la règle. Cela finit par produire des souffrances psychologiques et psychiatriques importantes.
La société marocaine étant pyramidale et féodale depuis plusieurs siècles, les droits horizontaux sont assez récents pour être intégrés dans la vie au quotidien. Un racisme latent, et une ségrégation de tout instants, qui ne dit pas son nom, plombent les rapports sociaux autant dans les lieux de travail que dans la vie courante. Dans une société de pauvres, on est toujours le pauvre d’un autre pauvre juste un peu plus aisé et qui cherche à dominer plus bas que lui dans l’échelle sociale, par tous les moyens dont il dispose…
Résultat des courses : beaucoup de malades psychiatriques, victimes de tant de situations injustes et non voulues, qui atterrissent en bout d’un chemin de douleur et de souffrances, dans les très rares hôpitaux spécialisés existants et qui, malgré leurs moyens limités font un travail formidable pour venir à bout de ces souffrances psychologiques multiformes.
Le coût d’un malade local en soins psychiatriques avoisine les 2000 dirhams par jour. Par ailleurs, il faut en moyenne dépenser entre 300 et 600 dirhams (entre 27 et 55 euros) pour une consultation dans un cabinet privé. Une somme qui n’est pas à la portée de tout le monde.
Avant, les gens pauvres qui souffraient de troubles psychiatriques étaient tout simplement enfermés, voir souvent enchaînés dans un sinistre lieu, Bouya Omar, à Beni Mellal. Les hôpitaux de Berrechid, de Razi ou autres se démènent depuis des décennies, avec les moyens erratiques des hôpitaux publics pour venir en aide à ces malades en grandes souffrances psychiatriques.
En attendant, la société marocaine, malade de ses maux sociétaux, refusant de voir cette réalité psychiatrique, continue de vivre avec cette souffrance mentale endémique, comme si de rien n’était… jusqu’à quand ?
Rédigé par Rachid Boufous