Par Naïm Kamal
Les treize premières signataires qui visiblement pilotent cette lettre sont basées en France (2), en Belgique (3), aux Pays-Bas (2), en Allemagne (1), en Espagne (2) sachant que deux autres sont domiciliées à Mélillia mais situent la ville occupée dans ce même pays ibérique. Enfin la treizième nous provient de Mauritanie. Les quarante-cinq autres s’éparpillent un peu partout sur le territoire national.
L’amazigh oublié
Les associations commencent leur lettre en saluant le chef de l’Etat français pour son « historique discours devant le Parlement et particulièrement pour sa « reconnaissance de la souveraineté marocaine sur son Sahara occidental », considèrant « le plan d’autonomie proposé par le Maroc aux Nations Unies en 2007 ». La lettre précise ensuite en soulignant ce passage : comme « seule base pour aboutir à une solution politique juste, durable et négociée». Mais l’objectif de la lettre est ailleurs.
Quelques lignes plus loin en effet, les signataires expriment à M. Macron leur « profonde déception concernant la déclaration signée par le ministre de l’Éducation nationale, du Préscolaire et des Sports, M. Mohamed Saad Berrada, et (la) ministre de l’Éducation Nationale (française), Mme Anne Genet, en faveur de la contribution à l’enseignement de la langue arabe en France, en excluant injustement et délibérément, l’autre langue officielle et nationale du Royaume du Maroc, à savoir la langue amazighe, désormais reconnue dans la Constitution du 1er juillet 2011 et dotée d’une loi organique n°26-16, adoptée à l’unanimité par les deux chambres du parlement marocain en septembre 2019, pour la mise en œuvre de son caractère officiel. »
A première vue, rien qui puisse susciter l’émoi, si ce n’est que cette lettre adressée au président français est scandaleuse. `
Parce qu’il y a beaucoup à dire sur le caractère transnational que certains veulent donner au mouvement dans une sorte d’internationale Amazighe, estimant pouvoir snober les spécificités nationales et régionales, je ne rentrerai pas ici dans le débat sur le fond de la question amazighe, ses droits et ses devoirs et en premier lieu envers l’Amazighité. Et sans doute, ces associations ont-elles raison, notamment celles basées en Europe, d’interpeler le gouvernement français et plus généralement ses homologues européens « sur les négations dont sont victimes les migrants et leurs descendants Franco-Amazighs en matière d’apprentissage de leurs langues maternelles ancestrales. »
Mais pris dans leur ensemble, les signataires dont quarante-cinq sont domiciliées au Maroc, et que l’on peut, par ailleurs, supposer que les autres sont composées au moins en partie de Marocains, c’est à leur propre gouvernement qu’elles devaient s’en prendre et à lui qu’elles doivent s’adresser pour défendre leurs droits légitimes dans les pays partenaires du leur. Tant il est évident que s’il y a manquement dans le traitement de ce sujet, il incombe exclusivement aux négociateurs marocains.
Scandaleuse donc non pas par son contenu constitutionnellement légitime et socio-culturellement établi, mais par son erreur sur le nom, le titre et l’adresse de son destinataire.
Scandaleuse aussi, mais peut-être l’ont-elles oublié, parce que le Maroc est un pays indépendant et souverain aux destinées duquel préside un roi, artisan du discours d’Ajdir du 17 octobre 2001, qui a marqué la reconnaissance de la composante amazighe dans le contexte pluriculturel marocain et dont la langue a été portée au rang de langue officielle par la constitution de 2011.
Scandaleuse enfin, mais peut-être qu’elles ignorent ce fait aussi, toutes les tensions de ces trois dernières années entre Rabat et Paris ont prospéré sur fond de déséquilibre dans leurs rapports. Et il se trouve que l’un des facteurs du succès de la visite du président français, on le doit justement à la déclaration commune signée par le roi Mohammed VI et le président Emmanuel Macron, à laquelle les associations amazighes font référence dans la lettre, et qui consacre des « relations d'État à État » fondées sur « l'égalité de souveraineté, la non-ingérence dans les affaires intérieures et les choix de politique étrangère ».