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Un vrai salaire pour la mère au foyer ? Et si le Maroc osait enfin comptabiliser l’invisible…


Rédigé par La Rédaction le Samedi 19 Avril 2025

Une proposition de rémunération du travail domestique relance le débat sur l’égalité des sexes.
Entre justice sociale et piège patriarcal, la société marocaine s’interroge.
Le Maroc pourrait s’inspirer d’autres pays pour valoriser le travail invisible des femmes.



Un pas vers la justice ou un retour à la case départ ?

Le Maroc pourrait être à la veille d’un bouleversement silencieux mais fondamental. Une idée, aussi audacieuse que clivante, commence à circuler dans les couloirs de la réflexion sociale : offrir une demi-rémunération légale (50 % du SMIG ou du SMAG) aux femmes qui choisiraient de se consacrer à leur foyer – à condition que leur conjoint ne gagne pas plus de 4 000 dirhams par mois. D’apparence simple, cette proposition soulève une multitude de questions qui dépassent la seule mécanique financière. Il s’agit, en réalité, de la reconnaissance politique, symbolique et économique d’un travail aussi ancien qu’invisible : celui de la femme au foyer.

Pour les partisans de cette mesure, ce serait une forme de justice longtemps attendue. Selon les données du Policy Center for the New South, les femmes marocaines assurent plus de 90 % des tâches domestiques non rémunérées, y consacrant près de cinq heures par jour. Pourtant, ces heures de soin, d’éducation, de cuisine ou de lessive ne figurent nulle part dans les statistiques économiques officielles. En 2012 déjà, le Haut-Commissariat au Plan estimait la valeur monétaire de ce travail à 285 milliards de dirhams – soit environ 35 % du PIB de l’époque. Mais ce chiffre, vertigineux, est resté dans l’ombre.

Une activiste bien connue dans les cercles féministes, résume l’enjeu avec clarté : « Ce n’est pas une aumône, c’est une reconnaissance. Si on veut construire des politiques publiques justes, il faut compter ce qui compte. Et le travail domestique compte. »

En d’autres termes, l’allocation proposée ne serait pas une faveur, mais une première tentative de rééquilibrer un contrat social profondément déséquilibré.

​Les critiques fusent : enfermer les femmes dans les murs du foyer ?

Mais la proposition ne fait pas l’unanimité. Certaines voix féministes, souvent parmi les plus engagées, voient dans cette mesure un piège doré. Derrière la gratification symbolique, il y aurait le risque de renvoyer les femmes à leur “destin naturel”, celui du foyer, et de freiner l’accès déjà fragile au marché du travail.

Une note du think tank InES alerte ainsi : « Ce qu’on appelle “travail reproductif” – soins aux enfants, entretien de la maison, accompagnement des personnes âgées – est essentiel au fonctionnement de l’économie. Pourtant, il est confiné à la sphère privée, non reconnu et encore moins rémunéré. » Autrement dit, transformer ce travail en “salaire social” sans ouvrir d’autres perspectives professionnelles reviendrait à graver dans le marbre un déséquilibre de genre déjà bien enraciné.

​Ailleurs dans le monde : entre exemples inspirants et fausses routes

Le Maroc ne serait pas seul à explorer cette voie. En Afrique du Sud, la ratification de la Convention 189 de l’OIT a permis de formaliser les emplois domestiques, avec un vrai contrat de travail et une couverture sociale. Au Brésil, une loi de 2013 a offert aux femmes de ménage les mêmes droits que tout salarié, y compris le salaire minimum et les congés payés. Des progrès réels, même si les inégalités persistent.

Mais attention à ne pas confondre travail domestique rémunéré (comme dans le cas des aides ménagères) avec travail domestique familial, effectué au sein du couple, sans contrat ni horaires définis. La subtilité est de taille.

Une réforme en gestation ? Le ministère de la Justice, a plaidé pour cette reconnaissance juridique du travail domestique des Marocaines lors d’un colloque tenu à Rabat. Et dans les documents préparatoires, une phrase revient souvent : le travail domestique est « un facteur fondamental de production de richesse ». Cette reconnaissance officielle – encore théorique – pourrait bien ouvrir la porte à une reconfiguration des équilibres familiaux et sociaux.

Mais à quelles conditions ? Qui contrôlerait l’effectivité de ce travail ? Et surtout, cela ne renforcerait-il pas l’idée que la place de la femme est “naturellement” à la maison ?

​Vers un débat public à ne pas manquer

On le voit : derrière la question budgétaire se cache une vraie révolution des mentalités. Reconnaître financièrement le travail des mères au foyer, c’est aussi interroger notre conception du mérite, du rôle genré, et de ce qu’on appelle, en économie, la valeur ajoutée. Peut-on continuer à construire un pays sur l’oubli systématique de l’une de ses forces les plus précieuses ?

Le débat ne fait que commencer. Et il promet d’être aussi passionné que nécessaire.

En 1994, Philippe Séguin, figure majeure du RPR, propose l’instauration d’un « salaire parental », destiné aux mères (ou pères) choisissant de rester à la maison pour élever leurs enfants.

Dans les années 1990, le RPR (Rassemblement pour la République), parti fondé par Jacques Chirac, a effectivement porté l'idée de reconnaître un revenu aux mères au foyer, notamment dans une logique de valorisation du rôle familial traditionnel.

L’idée s’inscrivait dans une vision conservatrice et familiale de la société, opposée à certaines évolutions féministes qui mettaient l’accent sur l’indépendance économique des femmes par le travail salarié.

Cette proposition a nourri de nombreux débats en France sur le statut du travail domestique, la valeur sociale de la maternité, et les risques de réassignation genrée des rôles sociaux.

À noter : bien que cette idée ait été soutenue ponctuellement, elle a souvent été rejetée ou marginalisée dans les politiques publiques, notamment à cause de son coût budgétaire et des tensions qu’elle suscitait avec les mouvements féministes.

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Samedi 19 Avril 2025

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