Depuis l’époque kharrijite les Sijilmassiens contrôlaient aussi les mines d’argent de la région de Tinghir. Ils utilisaient l’argent pour frapper la monnaie mais aussi pour fabriquer des bijoux à travers les artisans juifs berbères qui vivaient en nombre important dans la région, et à qui, on avait aussi dévolu le métier de maçon et qui construisirent Sijilmassa…
Plus tard, les Almoravides démarrèrent leur conquête du Maroc à partir de Sijilmassa, après avoir pris la ville antique vers 1051.
Sijilmassa en tant que hub marchand à l’échelle mondial durant tout le moyen âge amorcera son déclin avec les Merinides au 14eme siècle et précisément vers 1396.
Même si un sursaut survint vers 1591 avec la conquête de l’empire du Songhai au Mali par les Saadeens, le faste d’antan n’était plus d’actualité et la ville finit par être entièrement rasée, par la fameuse tribu belliqueuse des Ait Atta, vers 1803…
Au faîte de sa gloire, Sijilmassa fut tour à tour, kharrijite, chiite puis sunnite, acceptant tout les gens venus de diverses civilisations et religions pour fabriquer, dans cette partie du Maroc, ce vivre-ensemble que l’on nous envie tant, et qui n’existe que chez nous.
Depuis, une nouvelle ville a pris la place de Sijilmassa, Rissani, qui abrite le mausolée du fondateur de la dynastie Alaouite Moulay Ali Cherif.
Les chorfas Alaouites étaient venus s’installer dans la région au 13e siècle, à la demande des populations locales, ravagées par les sécheresses et les épidémies de bayoud qui ruinaient leurs palmeraies. Ces Amazighs avaient fait le voyage jusqu’à Yanbouu, une oasis en Arabie saoudite, en quête de la Baraka de ces Chorfas, descendants en lignée directe du prophète Mohammed.
L’un des leurs, Hassan Dakhil, le plus noble des enfants d’un cherif Alaouite de la Mecque, viendra dans le Tafilalet répandre sa Baraka et s’occuper des palmiers malades.
Depuis, les chorfas Alaouites seront grandement respectés dans la région par les populations berbères environnantes. Celle-ci vont les aider à prendre le pouvoir vers 1664 dans tout le Maroc, déjouant les convoitises des confréries religieuses, notamment celle de Dilaii et ramèneront la paix et la stabilité au Maroc, après 50 ans de guerres civiles larvées…
Le site de Sijilmassa fait actuellement l’objet de nouvelles fouilles menées par l’institut national archéologique. Le site est sévèrement gardé par la gendarmerie pour éviter, sans doute, que des pillards ne viennent visiter le site, comme par le passé.
C’est une excellente initiative, à moins que des découvertes archéologiques inédites aient été faites entre-temps, wait and see…!
La ville de Rissani, quant à elle, gagnerait à bénéficier d’une sérieuse opération de mise à niveau urbaine, tant ses artères et rues sont défoncées, sans goudron ni trottoirs. Le grand souk est dans un état déplorable.
Pourtant j’ai croisé sur mon parcours des dizaines de cars, autocars, jeeps bourrés de touristes blonds aux yeux bleus, venus s’enquérir de cette civilisation perdue…
Il y’a aussi une urgence à structurer le tourisme dans la région. Les gens viennent pour voir les dunes de Merzouga, visitent quelques khatarates, achètent des bricoles made in china dans le souk de Rissani, acheter quelques fossiles et repartent illico.
Aucun développement touristiques ne vise les Oasis, Ksours et Kasbahs limitrophes, pourtant luxuriantes et très intéressantes à visiter, à Jorf, Mellaab, Taouz ou Aoufouss. Les dizaines Ksours de Rissani et d’Erfoud non plus, ne font partie d’aucun circuit touristique structuré et pour les plus emblématiques parmi eux, souvent inaccessibles. Mêmes les commerces de base sont fermés et quand on cherche une bouteille d’eau fraîche, les frigos ne sont pas branchés à l’électricité, l’énergie courant cher pour des populations démunies…
Mais surtout Goulmima, qui est le second chef-lieu de la province d’Errachidia et qui reste la plus grande et la plus belle oasis encore préservée dans toute la région, s’étendant sur 4000 hectares et dotée d’un très fort potentiel touristiques, pas du tout exploité.
Dans les années 70, Goulmima était le passage obligé des touristes de la région. Aujourd’hui, on a détourné le circuit touristique, sans passer par Goulmima, ce qui est une honte innommable. Je me demande même si la ministre du tourisme sait où se trouve Goulmima ou qu’elle la confond, comme beaucoup, avec Guelmim sur l’oued Noun…
Bref, je souhaite ardemment que les décideurs de Rabat sortent un peu de leur torpeur atlantique et viennent passer leurs vacances dans ce Sud-Est oublié.
Les gens de la région veulent juste une plus grande équité dans la redistribution des richesses nationales et qu’on leur donne leur quotepart du fabuleux développement du pays. Ici, les gens ne veulent pas d’autoroutes, ni de TGV, ni de Tramway ni même de grand stade. Mais juste des crédits substantiels pour dédoubler la route nationale d’Errachidia vers Ouarzazate, construire le barrage sur l’oued Gheris, promis par feu Hassan II en 1970, construire des instituts de formations et un Lydex dans une région bourrée de matheux et de talents scientifiques et surtout un peu moins d’autorisation de fermes intensives de cultures de palmiers dattiers, qui assèchent dangereusement les nappes phréatiques, patiemment constituées depuis des millions d’années…
Tout cela est possible, mais c’est peut-être trop demander à des décideurs qui ne savent peut-être même pas où se trouve le berceau de la dynastie Alaouite : Rissani …