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Trois histoires douloureuses de Beyrouth


Il y a six ans, j'étais l'invité d'une table ronde à la capitale libanaise, Beyrouth, sous le thème : « Renforcer le rôle de la société civile dans la médiation, la négociation, la recherche d'un consensus et la résolution des conflits », à l'invitation du « Centre Al Quds pour les études politiques », qui est basée à Amman, la capitale jordanienne.

Adil Ben Hamza / alalam.ma



Écouter le podcast en entier :


Des amis du centre m'ont demandé de faire une présentation à propos de l'expérience de la justice transitionnelle au Maroc sous le titre « L'expérience du Maroc… Des années de plomb à la justice transitionnelle », dans le cadre des travaux de la quatrième session, qui portait sur le rôle de la société civile et la période du rétablissement de la paix, de la réconciliation et de la construction d'un consensus national.

Je suis donc allé à Beyrouth. Toute ma préoccupation était de transmettre aux représentants des pays participants qui vivent des guerres civiles dévastatrices, l'expérience marocaine en matière de justice transitionnelle avec ses aspects positifs et négatifs. J'essayais, dans chaque intervention, de mettre ce qui se passe à la lumière des expériences d'autres peuples dans la transition démocratique et la justice transitionnelle, y compris ceux qui ont connu des guerres civiles totales.
 
La guerre civile espagnole a été l'un des modèles sur lesquels j’ai focalisé, compte tenu de son atrocité et de son aspect destructeur, car elle a fait de l'Espagne le deuxième pays au monde à avoir des fosses communes après le Cambodge, avec 2 500 fosses communes.

Ce qui est effrayant, c'est que les expériences d'un certain nombre de guerres civiles, y compris l'expérience espagnole, peuvent conduire à des régimes dictatoriaux, et dans le contexte des pays du "printemps arabe", cette possibilité est choquante, inquiétante et effrayante, mais elle reste possible ...

Personnellement, je pensais qu’il ne m'intéressait que de parler de l'expérience du Maroc. Une expérience qui reste très appréciée dans les pays d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient, malgré tous les reproches que certains ont sur la manière et la taille de traitement des résultats de la commission vérité et justice et le processus de réforme politique et constitutionnelle. Cependant, les témoignages que j'ai entendues, à Beyrouth, de la bouche de militants et de combattants sans étiquette politique ou idéologique spécifique, de Tartous, Bassorah, Mossoul, Taïz, Tripoli, Ben Guerdane et Gaza, m'a beaucoup éffrayé pour l'avenir, vue la fausse tranquillité et la supposée paix civile dans un certain nombre de pays de la région.

La même histoire se répète sous différentes formes, le meurtre sur l'identité, la barbarie qui demeure dans les âmes, et qui soudain ressort pour brûler des années de coexistence.

La première histoire vient de Mossoul en Irak, où les Yézidis, une minorité religieuse d'origine kurde, ont été soumis à un horrible processus de liquidation, alors que des femmes et des enfants ont été soumis aux pires formes de captivité et de viol, non seulement par des combattants étrangers qui ont renforcé les rangs de l'Etat islamique, mais comme l'a dit notre intervenant de Mossoul, ces crimes ont également été commis par les voisins sunnites des Yézidis.
 
Ces hommes ont violé les filles de leurs amis, y compris des mineures. Ces faits choquants révèlent que de nombreux aspects de la coexistence et la tolérance dans la société cachent bien des instincts sauvages. Notre ami de Mossoul nous a jeté à la figure une grande question : Comment la réconciliation peut-elle avoir lieu dans de tels cas ?

La deuxième histoire vient également d'Irak, mais cette fois de Bassorah, où règnent des règles claniques très étranges, révélant que l'islam, qui est dans la région, et après 14 siècles, n'a pas réussi à déraciner des pratiques qui trouvent leur origine dans l'ère préislamique.
 
Le narrateur explique que selon les règles claniques, lorsqu'un membre d'une tribu est impliqué dans le meurtre d'un membre d'une autre, le clan du tueur donne cinquante de ses filles à celui de la victime…
 
Cela s'est passé à Bassorah, seulement un mois et demi environ avant la rencontre de Beyrouth, face au silence de l'État, de la presse, des juristes et de la justice, tout le monde est complice de pratiques qui restent rares même dans les sociétés primitives, mais c'est une réalité qui révèle l'étendue de l'ignorance, du sous-développement et des instincts qui régissent le sort des peuples qui n'ont pas besoin de Daech pour manifester leur sadisme.

La troisième histoire est de Tartous en Syrie, qui est une région à majorité alaouite, et c'est une coïncidence qu'elle ait accueilli sur ses terres un grand nombre de réfugiés d'autres régions de Syrie, car Tartous abrite l'un des plus grands camps de réfugiés internes, et le destin veut que ces réfugiés soient sunnites.
 
L’intervenant, militant de la société civile locale, raconte que l'arrivée des réfugiés a coïncidé avec le premier attentat suicide dans la ville. La foule a attaqué le camp de réfugiés sunnites, tenus moralement responsables de l'explosion. Ainsi le camp et ses habitants ont été soumis à l'humiliation, au vol et à la violence. Sans l'intervention de la société civile et de certains religieux locaux, ces de réfugiés auraient été exterminés dans leur propre patrie.

Tous ceux qui nous ont dit nous ont confirmé que les gens vivaient ensemble dans une atmosphère paisible, malgré les différences que tout le monde connaît. Mais d’un coup tout a basculé, et chacun s'est retranché derrière sa propre identité et les leaders témoignant d’une certaine sagess se sont retirés, pour faire place à la mafia... Cette transformation subite pourrait arriver dans n'importe quelle communauté.

Je suis revenu de Beyrouth avec une grande peur pour de nombreux pays voisins et les répercussions que cela pourrait avoir sur la région dans son ensemble.



Vendredi 1 Avril 2022


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