La politique monétaire accommodante de Bank Al-Maghrib (BAM) est restée fidèle au statu quo depuis juin 2020, où le taux directeur a été ramené à 1,5%. A la veille de la première réunion trimestrielle du Conseil de la Banque centrale au titre de l’année 2022, rien ne laisserait présager un changement de conduite de cette politique, censée concilier, au plus juste, les objectifs de croissance et d’inflation.
Dans un contexte de stress hydrique pesant sur les perspectives de croissance économique, une politique monétaire expansionniste favorisant des conditions optimales de financement est toujours privilégiée pour accompagner la reprise de l’économie nationale.
En effet, les prévisions des fins connaisseurs du marché pointent vers un maintien du taux directeur à son niveau actuel, soit 1,5%, compte tenu de l’évolution de l’inflation, les perspectives de la campagne agricole et les conditions de la liquidité du secteur bancaire.
Une poussée inflationniste à l’international
En dépit des tensions inflationnistes au niveau mondial qui poussent vers un durcissement des politiques monétaires des principales banques centrales, les observateurs du marché estiment que l’inflation demeure globalement maîtrisée au Maroc, ce qui écarte le scénario d’une hausse éventuelle du taux directeur.
« L’environnement inflationniste demeure, à date d’aujourd’hui, globalement maîtrisé », à travers un niveau des prix à la consommation au Maroc évoluant autour des 2% en 2022 contre 1,4% en 2021 (estimations BAM) », souligne Attijari Global Research (AGR), dans un récent rapport.
Après un contexte inflationniste stable en 2021, les grandes banques centrales sont aux prises avec une accélération durable de l’inflation sous l’effet des plans de relance inédits et la montée en flèche des cours des matières premières, dans le sillage du conflit russo-ukrainien.
Aux Etats-Unis, la Réserve fédérale (Fed) a relevé, mercredi dernier et pour la première fois depuis décembre 2018, ses taux directeurs d’un quart de point de pourcentage, dans une tentative de courber une inflation rapide. Six autres augmentations similaires sont attendues courant cette année.
Le même virage de politique monétaire a été opéré par la Banque d’Angleterre (BoE) qui vient d’augmenté son taux d’intérêt de 0,25 point de pourcentage à 0,75%, soit son niveau pré-pandémie, pour contrer l’inflation, qui pourrait atteindre, selon l’institution, 8% au deuxième trimestre 2022, et peut-être encore plus haut plus tard dans l’année.
Au niveau national, AGR estime que l’évolution de l’inflation au Maroc devrait rester inférieure par rapport aux niveaux observés à l’international, ajoutant que « les perspectives d’orientation de l’inflation et les risques importants qui entourent la croissance du PIB en 2022 ne justifieraient pas à ce stade, à notre sens, un durcissement monétaire de BAM en 2022″.
Réitérant le même constat, CDG capital Insight explique dans un flash pré-conseil qu »une hausse du taux directeur risquerait d’amplifier le ralentissement prévu de la croissance nationale en 2022 à travers un rétrécissement des conditions de financement, sans pour autant maîtriser le dérapage à la hausse de l’inflation ».
Liquidité bancaire: carton plein pour BAM
Avec un niveau confortable des avoirs officiels de réserve (AOR) qui ont atteint un nouveau plus haut historique de 337,3 milliards de dirhams (MMDH) début mars 2022, la Banque centrale remplit pleinement sa fonction de régulateur de la liquidité du système bancaire.
« Dans ces conditions, les taux interbancaires demeurent en ligne avec le taux directeur et les taux MONIA évoluent autour de leur moyenne annuelle, soit 1,42% », précise AGR dans une note couvrant la période allant du 11 au 17 mars courant.
De son côté, CDG Capital Insight attribue l’atténuation du déficit de la liquidité du secteur bancaire à une amélioration des avoirs officiels de réserve et une régression du taux d’accroissement de la monnaie fiduciaire.
Une transmission « incomplète » de la baisse du taux directeur ?
L’accès au financement à un coût avantageux demeure une condition sine qua non pour une reprise durable des secteurs productifs. Le Taux directeur est l’instrument phare pour agir sur le coût de financement, d’où son importance pour les opérateurs économiques et la dynamique d’investissement.
« Les taux débiteurs à travers lesquels se finance le secteur privé ont reculé de 16 points de base, passant de 4,55% en 2020 à moins de 4,40% en 2021 », précise AGR, ajoutant que les taux obligataires primaires ont connu une tendance baissière des exigences de rémunération des investisseurs.
En revanche, CDG Capital insight fait état d’une transmission toujours incomplète des deux baisses du taux directeur enregistrées en 2020 vers les taux débiteurs, avec une faible reprise des crédits aux entreprises non financières, particulièrement ceux destinés à l’équipement.
La poursuite d’une politique monétaire accommodante demeure une véritable aubaine pour les opérateurs économiques qui évoluent dans un contexte toujours volatile et marqué par l’incertitude, ce qui implique le maintien des diverses mesures de soutien tant sur le plan monétaire que budgétaire.
Source: MAP