Sport de haut niveau : pour une contribution croissante des Marocains du monde


Ce dimanche 11 août 2024, au Stade de France, ont été clôturés les Jeux olympiques d'été de 2024, officiellement appelés les Jeux de la XXXIIIᵉ olympiade de l'ère moderne.

Pour sa 15ème participation, le Royaume du Maroc a présenté une délégation composée de 42 sportifs masculins et 18 sportives féminines.

Or, la moisson des médailles a été en deçà des attentes et des prévisions optimistes, ce qui interroge.

Sans pointer le déficit d’intégration du sport de haut niveau dans le nouveau modèle de développement, ni commenter les critiques de la légende marocaine Hicham El Guerrouj sur l’athlétisme au Maroc, est suggérée une approche sur la contribution des Marocains du monde en tant que catalyseur d’une stratégie sportive innovante.



Hachim FADILI Avocat au barreau de Paris

Une moisson des médailles 2024 en deçà des attentes

Outre au sein de l’épreuve reine, l’athlétisme, les couleurs nationales étaient défendues dans 18 disciplines sportives - aviron, Beach volley, boxe, breakdance, canoë-kayak, cyclisme, escrime football, golf, judo, lutte, natation, skateboard, sports équestres, surf, taekwondo, tir sportif, triathlon.

Le bilan est unique : un champion olympique, en la personne de Soufiane El Bakkali qui a offert au Maroc sa seule médaille d’or des Jeux Olympiques de Paris 2024, dans l’épreuve du 3 000 m steeple. Entré définitivement dans l’histoire de l’athlétisme, le double champion du monde 2022 et 2023 devient ainsi le premier athlète à conserver son titre olympique sur 3 000 m steeple (Tokyo 2021) depuis le Finlandais Volmari Iso-Hollo en 1932-1936.

Autre médaillée, l’équipe olympique du Maroc de football composée de joueurs de moins de 23 ans et constituée sous l'égide de la Fédération royale marocaine de football (FRMF), qui a brillamment décroché le bronze face à l’Égypte (6-0) après avoir perdu en demi-finale (1-2) face aux futurs champions, l’Espagne olympique.

En réaction à ce double podium, le directeur technique du Comité National Olympique marocain a indiqué que « nous pouvons être fiers de l’exploit d’El Bakkali et de l’équipe nationale de football. Cela montre que nous avons beaucoup progressé depuis les jeux olympiques de Londres 2012. » S’il est naturel de féliciter les médaillés, l’allégation de progression depuis les Jeux olympiques de Londres 2012 est audacieuse.

En 2012, alignant 63 sportifs, le Maroc n’avait avait gagné qu’une seule médaille : de bronze.

En 2016 à Rio de Janeiro, alignant 49 compétiteurs, le Royaume avait plafonné à une médaille de bronze.

En 2021 à Tokyo, alignant 48 sportifs, le Maroc avait encore gagné une seule médaille, mais d’or, grâce à l’exploit d’El Bakkali, premier athlète non-kényan à s'imposer sur le 3 000 m steeple depuis le Polonais Bronislaw Malinowski en 1980 à Moscou.

Si la progression dont se vante Monsieur Hassan Fekkak aurait été de 100 %, en termes relatifs, le Maroc est passé en douze années, d’une médaille à Londres à deux à Paris, loin des cinq médailles (une d’argent et quatre de bronze) à Sydney en 2000.

En tout état de cause, aux Jeux de Paris 2024, sur 80 nations, le Royaume a été classé 60ème derrière le Bahreïn (31ème), le Botswana, Sainte-Lucie, l’Ouganda (55ème), 4ème d’Afrique du Nord, derrière l’Algérie (38ème), la Tunisie et l’Égypte (52ème).

Une réflexion sur l’écosystème sportif marocain serait donc à mener pour un programme décennal.

Cependant, dans les courts et moyens termes, puiser dans l’excellent vivier des Marocains du monde est une opportunité au regard des défis majeurs qui attendent le Royaume.

Les sportifs de l’étranger, un vivier inestimable

Recourir à des sportifs évoluant à l’étranger est une pratique mondialement éprouvée.

Le quadruple médaillé d’or olympique 2024 de natation (200 m brasse, papillon, 4 nages, et 400 m 4 nages), le français Léon Marchand s’entraine depuis quatre ans aux Etats-Unis avec une bourse américaine.

Fait singulier, le multiple champion du monde, champion du monde par équipe, champion de France, champion de France par équipe et champion olympique de judo (+100kg), Teddy Riner, vit et s’entraine au Maroc depuis plusieurs années.

Ses déclarations pré-Paris 2024 « J’aime Marrakech, ce pays, le Maroc. Il y fait beau, j’ai des conditions d’entraînement et de vie idéales, et des adversaires marocains et français qui me challengent au quotidien. Avec l’âge, j’ai compris que mon cadre de vie était essentiel dans ma réussite », ont de quoi surprendre, sachant que le Royaume ne figure pas au classement mondial 2024 de Judo, et que Abderrahmane Boushita (-66kg) et Soumiya Iraoui (-52kg) ont été éliminés dès leur premier combat pour leur première apparition aux Jeux olympiques de Paris.

Au-delà d’exemples individuels non exhaustifs, puiser dans les sportifs de l’étranger peut relever d’une politique fédérale dynamique avec une transformation structurelle concrétisée par une stratégie et un programme aguerris.

En ce sens, la Fédération royale marocaine de football est d’une belle exemplarité en matière de politique sportive d’intégration des Marocains du monde, usuellement nommés les joueurs binationaux.

Les cas d’Amir Richardson (franco-américain né en France ayant acquis la nationalité marocaine en 2021, intégrant ainsi l’équipe olympique du Royaume en 2023 après avoir évolué en équipe nationale française des -20 ans), d’Ilias Akhomach (maroco-espagnol né en Espagne, ayant intégré le Maroc Olympique en 2023 après avoir porté le maillot national espagnol de 2019 à 2023 pour les -16 ans, -18 ans, -19 ans et espoirs), sont de récents exemples d’indéniables talents dénichés avec pertinence par la FRMF dont les résultats ont été immédiats, considérant qu’ils ont été buteurs aux derniers Jeux de Paris 2024.

Ainsi, dans la lignée de ses sélectionnés pour la Coupe du Monde de football 2022 au Qatar, Sofyan Amrabat, Walid Cheddira, Achraf Hakimi, Romain Saïss, Hakim Ziyech qu’il n’est plus nécessaire de présenter, le Maroc dispose d’un vivier de grande qualité pour les compétitions internationales à venir dont les deux prochains mondiaux de football 2026 et 2030.

Et quid de la championne du monde et d’Europe Belge, et toute dernière médaillée de bronze olympique de Taekwondo, la marocaine Sarah Chaâri (-67kg), là où Fatima Zahra Abou Fares (+67 kg) et Oumaima El Bouchti (-49kg) ont été éliminées en huitièmes de finale ?

Les Marocains du monde, une exigence au regard des prochaines échéances sportives internationales

Le Maroc organisera la prochaine Coupe d’Afrique des nations et la Coupe du monde de football 2030 avec l’Espagne et le Portugal.

Dans cette perspective, il dispose d’ores et déjà de nombreux talents avec une politique de suivi, d’accompagnent et d’objectifs à la hauteur des enjeux exigés par les plus grandes compétitions internationales. Point révélateur, le Royaume a été déçu d’avoir été éliminé en demi-finale des Jeux de Paris 2024, manifestation d’un changement radical d’esprit, ce qui est prometteur.

Demeure le domaine olympique avec une prospective décennale ; en effet, après les Jeux olympiques de 2028 à Los Angeles et de 2032 à Brisbane, Rabat, patrimoine mondial de l’UNESCO en 2012, ville lumière capitale africaine de la Culture 2022-2023, pourrait sans ambages, forte de la CAN 2025-2026 et du mondial 2030, être candidate à l’organisation des Jeux olympiques d’été de 2036 ou de 2038, ce qui serait une première africaine et arabe.

S’imposerait alors une vision stratégique globale, partagée et assumée par tous les acteurs de la gouvernance publique, avec des repères et référentiels lisibles favorisant la cohérence d’ensemble autour d’objectifs compatibles avec la riche pépinière que constituent les Marocains du monde, sportifs de haut niveau.

Dans ce cadre, pourrait opportunément s’opérer un alignement des acteurs clés que sont le Conseil de la Communauté Marocaine à l’Étranger (CCME), les différentes fédérations royales sportives marocaines, le Comité national olympique marocain, avec une répartition claire des rôles et des responsabilités entre les niveaux stratégique et exécutif, pour que sa traduction opérationnelle soit des plus précises avec des indicateurs de performances.

Le sport étant par essence le domaine de l’objectivité des données quantifiées par le résultat, le classement et le palmarès, il s’agirait d’évoluer vers une culture de la performance.

L’efficacité de fédérations sportives marocaines et le développement du sport de haut niveau, conditions sine qua none pour hisser le Maroc et le maintenir durablement parmi les grandes nations sportives, ne peuvent relever que de plans pluriannuels de performances.

Dans cette perspective, les Marocains du monde peuvent assurément constituer un vecteur précieux et jouer un rôle stratégique.

Hachim FADILI
Avocat au barreau de Paris


Lundi 12 Aout 2024

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