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Par Abdeslam Seddiki
La Corée du Sud est citée souvent comme exemple. Or, il n’y a pas de mystère à cela. C’est une affaire de volonté politique, de sérieux, d’engagement des différents acteurs, de planification et de bons choix économiques.
S’inscrivant dans l’esprit et la logique du Nouveau Modèle de Développement, visant à renforcer la souveraineté du pays sur les plans industriel, alimentaire et autres , à accélérer la transition énergétique et digitale, le CESE a retenu 11 domaines d’activité, de portée stratégique, allant dans ce sens : les technologies digitale et électronique ; les moteurs et aimants permanents ; la robotique, la voiture électrique et les batteries ; les drones, l’aéronautique et la défense ; le solaire ; l’éolien ; les technologies de capture et stockage de carbone ; la sécurité alimentaire ; les technologies de l'hydrogène vert ; la santé et l’industrie pharmaceutique.
Par la suite, il a été procédé à l’établissement d’une première liste des minerais stratégiques et critiques qui seraient nécessaires au développement des 11 métiers précités.
En précisant toutefois, qu’il n’y a pas de définition unanime des minerais stratégiques et critiques. Chaque pays dispose de sa propre définition et établit sa propre liste.
Au total, une liste de 24 minerais stratégiques et critiques a été retenue pour le Maroc. Il s’agit d’une liste qui requiert généralement une mise à jour régulière, pour tenir compte des mutations mondiales sur le plan technologique, économique et géopolitique, mais également de l’avancement de l’exploration minière et l’identification de nouveaux gisements.
L’examen de la liste des minerais critiques du Maroc révèle plusieurs vulnérabilités qui menacent la pérennité des approvisionnements et dont il faudra tenir compte pour garantir des trajectoires de développement ciblées. Ainsi, sur les 24 minerais stratégiques et critiques identifiés, le Maroc affiche une dépendance totale à l’importation pour environ 17 d’entre eux, soit 74% de la liste.
Il s’agit notamment, des terres rares, du lithium, de l’aluminium, du graphite, du tungstène, du soufre, de la magnésite, du Molybdène, de la potasse.
En outre, on relève un niveau élevé de concentration géographique des fournisseurs pour de nombreux minerais critiques pour le Maroc, ce qui accroit sa dépendance et donc sa vulnérabilité en matière d’approvisionnement par rapport à un nombre extrêmement limité de pays fournisseurs.
En effet, sur les 17 minerais critiques pour lesquels le Maroc est totalement dépendant de l’étranger, plus de 70%, soit 12 minerais affichent un degré de concentration géographique très élevé des producteurs mondiaux.
Il s’agit des terres rares, du tungstène, du graphite, du lithium, de l’aluminium, du germanium, du niobium, de la magnésite, du chrome, du silicium, borates et du molybdène. Cette dépendance est aggravée par l’instabilité politique que connaissent certains pays grands producteurs.
Par ailleurs, à l’exception des phosphates et certains minerais, le secteur extractif national reste généralement très enclavé et ne présente que de très faibles liens avec le secteur de l’industrie.
L’examen de la balance commerciale des minerais stratégiques et critiques pour lesquels le Maroc ne dispose pas d’une production nationale importante, montre que pour 14 minerais, les importations en valeur sont constituées à hauteur de 90% à 100% de produits raffinés, traités ou bien transformés, plutôt que de produits sous forme brute ou de concentré.
Toutefois, le rapport n’a pas manqué de mettre le doigt sur un certain nombre de faiblesses relatives au secteur minier dans son ensemble : absence de visibilité pour le financement du Plan «Maroc Mines» ; risque à l’avenir d’un déficit en compétences dans les métiers de la mine ; manque de synergies et absence de budgets pour la R&D dans le secteur minier obligeant les opérateurs à prendre eux-mêmes en charge les activités d’innovation ; difficultés d’accès au financement pour les entreprises minières marocaines, en particulier les TPME et les Juniors.
Les rejets miniers constituent un enjeu de taille pour toute l’industrie minière en raison de leurs impacts environnementaux et sanitaires auxquels s’ajoutent des enjeux fonciers qui peuvent représenter une entrave au développement des régions minières.
L’industrie minière est considérée également comme une source de pollution hydrique, eu égard aux volumes considérables des eaux d’exhaure et de lavages des minerais, des eaux usées et des déchets solides que génère cette industrie suite à l’extraction et au traitement des minerais.
L’avis du CESE se termine, par une série de recommandations s’articulent autour de six axes prioritaires qui permettront d’améliorer, d’une manière synchronisée, la triple performance du secteur minier sur le plan économique, social et environnemental, tout en plaçant les minerais stratégique et critiques, au cœur de la souveraineté industrielle du pays.
- Améliorer le cadrage stratégique et institutionnel régissant les activités liées aux minerais stratégiques et critiques et renforcer la gouvernance du secteur.
- Dé-risquer le secteur minier pour les investisseurs et améliorer son attractivité.
- Renforcer et promouvoir la productivité du secteur autour de la R&D, du capital humain et de l’organisation des PME- TPE ;
- Sécuriser les chaines d’approvisionnement en minerais critiques et réduire la vulnérabilité aux sources externes ;
-Promouvoir une valorisation nationale des minerais stratégiques et critiques pour un meilleur positionnement au niveau des chaines de valeurs ;
-Promouvoir le caractère inclusif et durable du secteur minier.
Ces recommandations constituent, en somme, une véritable feuille de route susceptible d’assurer un meilleur positionnement de notre pays dans les chaines des valeur mondiales.
Tout cela dans un contexte marqué par une compétition aigue entre les différences puissances afin de sécuriser leurs approvisionnements en minerais stratégiques.
Rédigé par Abdeslam Seddiki