Il n'y a plus aucun doute : Soufiane El Bakkali est bel et bien taillé pour être un grand champion. Malgré une fracture de fatigue qui a perturbé sa préparation, le champion olympique en titre du 3000 m steeple a surmonté toutes les difficultés. Ne participant qu'au meeting Mohamed VI fin mai, El Bakkali a délibérément choisi de faire l'impasse sur le lucratif circuit de la Diamond League, préférant la tranquillité d'Ifrane aux projecteurs de Monaco, Paris ou Rome.

Ce choix s'est avéré judicieux, car le champion marocain a géré sa finale avec une maîtrise parfaite. Après avoir brillamment remporté ses séries, ce natif de Fès a relevé le défi lancé par l'armada éthiopienne, en particulier par son rival de toujours, Lamecha Girma. Les Éthiopiens ont tenté de pousser la course à un rythme très élevé dès le début, misant sur une stratégie d'équipe pour épuiser leur principal adversaire.

Cependant, El Bakkali n'était pas pris au dépourvu. Il a intelligemment calqué sa course sur celle de Girma, apaisant ainsi les ardeurs de ses concurrents. Le rythme de la course s'étant modéré autour du deuxième kilomètre, El Bakkali avait désormais toutes les chances de son côté. Il a également bénéficié du soutien de son compatriote Tindouft, qui a tenté un coup audacieux à la cloche, déstabilisant Girma et le faisant trébucher sur une haie, anéantissant ainsi ses espoirs de victoire. El Bakkali avait alors le champ libre pour accélérer, dépasser ses derniers rivaux et se diriger vers un triomphe mérité, concluant ainsi une olympiade parfaite avec deux titres olympiques et deux championnats du monde à son actif.

Ces réalisations prennent une dimension encore plus impressionnante lorsqu'on les met en perspective : El Bakkali est le premier athlète à conserver son titre olympique sur le 3000 m steeple depuis le Finlandais Volmari Iso-Hollo en 1936. Il devient également le deuxième Marocain à remporter deux médailles d'or olympiques, rejoignant ainsi le légendaire Hicham El Guerrouj. De plus, El Bakkali est le seul Marocain à avoir décroché deux titres olympiques lors de deux éditions différentes. Ces chiffres illustrent l'envergure de ce grand champion.

Un champion qui, malgré ses succès individuels, met en lumière les défis auxquels est confronté le sport national, en particulier l'athlétisme, qui repose depuis longtemps sur les performances d'une seule étoile pour faire briller certains décideurs.

Ces mêmes décideurs ne manqueront pas de se faire photographier aux côtés d'un El Bakkali rayonnant après son exploit parisien, une prouesse qui lui assure une place de choix dans le livre des records du sport national. Ce livre, inauguré en 1960 par Abdeslam Radi, magnifié par Nawal El Moutawakel et Saïd Aouita, perpétué par Brahim Boutayeb en 1988, Khalid Skah quatre ans plus tard, et Hicham El Guerrouj en 2004 à Athènes.

Ces champions ont marqué notre enfance ou notre adolescence, tout comme El Bakkali marquera celle de nos enfants, suscitant peut-être de nouvelles vocations. Les futurs champions trouveront désormais une source d'inspiration en cette légende venue de la capitale spirituelle du Royaume, un champion "made in Morocco" à 100%, appelé à renforcer encore davantage sa suprématie sur le 3000 m steeple.