Sommet d'Alger, l'aveu de Ramtane Lamamra


Le sommet arabe d’Alger est un semi-succès, pour autant que l’on puisse parler de succès quand il s’agit de cette kermesse qui ne convainque plus grand monde. Un aphorisme devenu adage, la rue arabe en a fait sa religion depuis longtemps déjà : ‘’ le seul accord arabe est de ne jamais être d’accord’’.



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Par Mustapha Sehimi

Néanmoins et pour l’essentiel, la diplomatie algérienne a réussi à créer, notamment en direction de son opinion publique, le reste du monde n’étant pas dupe, l’illusion d’un Alger renouant avec la prestance diplomatique après plus de deux décennies d’effacement.

En revanche, elle ne dit pas que c’est au prix de replis et de renoncements dont les plus importants sont l’abandon de la réintégration à la Ligue de la Syrie de Bachar Al-assad et l’adoption par le sommet de la condamnation des ingérences iraniennes dans les affaires des Etats arabes.

Sissi en soit loué
Ce semi-succès qui sauve les apparences, Alger le doit essentiellement à la participation aux allures d’in extrémis, dues sans doute aux tractations qui se sont poursuivies jusqu’à la veille du sommet, au président égyptien Abdelfattah Sissi. Une fière chandelle que l’Algérie se hâtera à renier à la première occasion notamment sur la question de l’Ethiopie et du barrage Ennahda qui prive l’Egypte d’une bonne partie de cette source vitale à son économie, les eaux du Nil. 

L’Ethiopie, avec l’Afrique du Sud, l’Algérie et dans une moindre mesure le Nigeria, est un support du groupe pompeusement appelé G4 formé en parallèle de l’Union Africaine lorsqu’Alger et Pretoria se sont rendus compte de la baisse notable de leur influence sur l’organisation panafricaine, suite au retour du Maroc en 2017 dans l’enceinte africaine et l’avènement sur le continent d’une nouvelle génération de dirigeants.

Estimant qu’elle a plus de chances avec Addis-Abeba qu’avec le Caire de garder la main en Afrique, il apparaitra toujours plus nécessaire à l’Algérie de ménager l’Ethiopie, fut-ce au détriment de ce ‘’rassemblement’’ de la Oumma qu’elle a prétendu vouloir pour le monde arabe. 

Un passé révolu

Personne ne peut contester au pouvoir algérien le droit et le devoir de travailler à une présence conséquente de son pays sur la scène internationale en vue d’influer au mieux de ses intérêts. Le seul problème des dirigeants algériens est qu’ils procèdent avec la même structure mentale et politique qui a présidé à la création du ‘’Front du refus’’ à la fin des années soixante-dix du siècle dernier, laissant l’impression désagréable de n’avoir rien saisi des évolutions qu’a connues le monde depuis. 

Solidement adossé au bloc de l’est mené par l’Union Soviétique, ‘’jab’hate arrafde’’, c’était son appellation d’origine, était formé de l’Irak, de la Syrie, de la Libye, du Yémen du Sud, de l’Algérie et d’une OLP au faîte de sa gloire. Porté également par une rue arabe fortement traversée par les courants panarabes et révolutionnaires, le Front du refus, terrorisant les monarchies du Golfe à coups de menaces et d’actions terroristes dont se chargeaient différentes fractions palestiniennes, faisait tant bien que mal la loi qui a mené à l’expulsion de l’Egypte de la Ligue Arabe suite aux accords du camp David entre le Caire et Tel-Aviv. Un passé révolu.


Serait-il alors cynique de rappeler que pratiquement toutes les composantes de ce front sont en déliquescence avancée ? Pourtant, sans s’en soucier alors qu’il devrait, c’est avec les dogmes de ce front qu’Alger a abordé l’organisation du 31ème sommet de la Ligue Arabe, essayant d’imposer son ordre du jour à des agendas arabes divergents, pour faire consacrer par le sommet par des coulisses sans freins trois objectifs qui lui paraissaient capitaux : Réintégrer la Syrie, éviter sinon adoucir une condamnation de l’Iran et réduire au minimum la participation du Maroc.

Pour à l’arrivée se contenter d’assurer le spectacle d’un sommet qui aura finalement été médiatiquement dominé par les tensions algéro-marocaines et par le bon boulot, au vu de la déclaration finale, de la délégation marocaine.

 

L’aveu  

De la forme de l’invitation adressée au Roi du Maroc confiée à un ministre de seconde zone, pressé de quitter Rabat sans le moindre sourire aussitôt arrivé, aux conditions d’accueil de la délégation diplomatique et médiatique du Maroc en passant par la ‘provocation ‘’à la carte’’ du monde arabe truquée par un média officiel, Alger a tout fait pour réunir les conditions objectives d’une non-participation du Souverain marocain dont l’éventuelle présence paniquait apparemment le gotha politique algérien. 

Le chef de la diplomatie algérienne réputé pour ses sournoiseries aura beau dire par la suite, commentant l’absence du Roi Mohammed VI, que ‘’c’est aux historiens de dire à l’avenir s’il y avait une occasion ratée pour le Maghreb arabe et le monde arabe » et si « la réponse est positive, de dire qui assumerait un tel échec », il n’y changera rien.

Tout content de sa déclaration, il ne s’est même pas rendu compte qu’il reconnaissait quelque part l’échec même du sommet, emporté qu’il était par le cynisme de faire endosser au Maroc le flop de ses manœuvres au sommet.  

Dans cette déclaration fielleuse, sa viscosité l’incitera à opposer par allusion l’absence présente du Roi Mohammed VI au dernier sommet à la participation de son père le Roi Hassan II au sommet d’Alger en juin 1988, omettant à dessein le contexte - celui de la première Intifada palestinienne à l’époque -, et l’état alors des relations maroco-algériens en sous-entendant qu’elles auraient connu leur réchauffement grâce à cette participation. 

Mais jamais la maxime ‘’comparaison n’est pas raison’’ n’a été aussi vraie que dans ce cas. La présence de Hassan II a été le produit de rencontres aux frontières des deux pays bien auparavant entre le Souverain marocain et le président algérien Chadli Bendjedid, en présence du Roi Fahd d’Arabie.

Elles avaient abouti un mois avant le sommet de 1988 au rétablissement des relations diplomatiques entre Rabat et Alger et inscrivaient la solution du conflit du Sahara dans la dynamique maghrébine qui durera ce que dure une rose. Mais visiblement Ramtane Lamamra alors un second couteau dans les centres de décision n’en a aucun souvenir. L’usure du temps qui passe peut-être. 

Rédigé par Mustapa Sehimi sur Quid 


Dimanche 6 Novembre 2022

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