"On m'a baladé de gauche à droite, on m'a menti depuis le début", dit-il, "ému aux larmes", d'après son interrogatoire le 25 janvier, dont l'AFP a eu connaissance mardi.
Le 19 mars 2022, Paul Pogba est séquestré et braqué en banlieue parisienne par deux hommes, non identifiés, qui lui réclament 13 millions d'euros.
Trois amis d'enfance et deux vieilles connaissances du quartier où les Pogba ont grandi, à Roissy-en-Brie (Seine-et-Marne), sont présents cette nuit-là. Ils seront mis en examen à Paris pour extorsion avec arme et séquestration en bande organisée. Tous nient, affirmant être également "victimes" des braqueurs et avoir été agressés car Paul Pogba refusait de payer.
Jusqu'alors, l'aîné de Paul, Mathias, absent la nuit des faits, croyait à leur version, explique-t-il à la juge. Il a plusieurs fois cherché à parler avec Paul ou à le voir - ce qui lui vaut une mise en examen, soupçonné d'avoir fourni une "aide active" pour convaincre son frère de payer.
Mais le 25 janvier, la magistrate lui dévoile les résultats de l'exploitation du téléphone portable d'un suspect.
Ces nouveaux éléments, dont l'AFP a eu connaissance, dessinent, selon les enquêteurs, les contours d'une "organisation" de la nuit fatidique par au moins deux des suspects, Adama C. et Mamadou M..
"C'est comme des frères pour nous", réagit, décontenancé, Mathias Pogba. "Ils viennent me raconter tout ça comme si c'était des victimes alors que tout était déjà orchestré."
"Reconsolider notre union"
L'affaire était devenue publique, tournant au drame familial, quand Mathias Pogba avait publié des vidéos à l'été 2022 incriminant son cadet qu'il accusait de les avoir "abandonnés". "Je voulais sortir la rage" mais "à aucun moment" lui mettre la pression, assure-t-il.
"J'espère le revoir au plus vite. (…) Ça prendra le temps que ça prendra mais j'espère que notre union va se reconsolider".
Plusieurs échanges téléphoniques alourdissent les suspicions à l'encontre des deux amis d'enfance du joueur de la Juventus Turin, suspendu quatre ans pour dopage.
Le 10 mars, neuf jours avant la séquestration, Adama C. reçoit une note vocale de Mamadou M.: "Il faut taper fort, fort, fort, fort, mais après si vraiment on demande 25 (...) c'est un quart de sa fortune, frère (...) faut bien faire les choses, (...) pas le dépouiller".
Adama C. téléphone aussi à un ami vivant en Outre-mer. Entendu en garde à vue mi-novembre, ce dernier raconte qu'Adama C. lui avait dit: "Viens, on va parler à Paul pour récupérer des sous (...) faut pas louper le wagon".
Adama lui propose de payer son billet d'avion pour la métropole. Lui refuse car il sent Adama, habituellement "pacifique", assez "énervé". Pour lui, "Paul promettait des choses qu'il ne faisait pas", analyse-t-il. Il affirme avoir prévenu le champion du monde que des personnes lui en voulaient, sans "donner de nom".
"Main dans la main"
Que cache cette "organisation" ? demande fin décembre la juge d'instruction à Mamadou M. et Adama C.
Rien, répond Adama C. "Quand Paul vient, c'est en coup de vent. Il fallait qu'on s'organise un minimum".
"Quand je disais qu'il fallait taper fort, je disais qu'il faut que tout le monde parle" pour "avancer main dans la main", assure de son côté Mamadou M..
Il raconte avoir projeté de devenir, avec Adama C., l'agent de Paul: les 25 millions évoqués ne correspondent pas au butin d'une quelconque extorsion, mais à la commission rêvée.
La juge les interroge aussi sur une réunion début mars avec Roushdane K., un "grand frère" ayant des antécédents judiciaires, durant laquelle ils lui détaillent leurs "problèmes avec Paul". Présent la nuit de la séquestration, l'intéressé affirme mi-janvier à la juge avoir été là pour "apaiser les tensions".
"Mon client n'a jamais réclamé un euro à Paul Pogba. Je suis étonnée qu'il soit encore en détention", souligne son avocate, Me Daphné Pugliesi.
Les autres avocats n'ont pas souhaité commenter. Me Karim Morand-Lahouazi, conseil d'Adama C., a simplement salué la remise en liberté sous contrôle judiciaire jeudi de son client.