L'ODJ Média




"Sans chiffres, un problème n’existe pas" : la bataille marocaine pour les micro-données




Par Adnane Benchakroun Vice-président de l’Alliance des Économistes Istiqlaliens

Dans un pays où les débats publics s’enflamment vite mais s’éteignent sans conséquence, une vérité froide s’impose : sans chiffres, un problème n’existe pas. Et au Maroc, c’est peut-être la plus grande hypocrisie de notre gouvernance technocratique. On parle de réformes, de pauvreté, d’inégalités, de santé mentale, de précarité féminine ou de crise éducative... mais où sont les données ? Où sont les preuves ?

À l’heure où la planète vit à l’heure de l’open data, le Maroc reste timide, frileux, voire opaque. Le Haut-Commissariat au Plan (HCP) fait un travail précieux, certes, mais les micro-données issues de ses enquêtes—qu’elles soient sociales, économiques ou démographiques—ne sont que rarement mises à la disposition des chercheurs, journalistes, associations ou simples citoyens. Accéder aux bases complètes des enquêtes nationales relève souvent du parcours du combattant. Quant aux données locales désagrégées, elles sont tout simplement inaccessibles.

Or, sans ces données, impossible d’objectiver les inégalités, de cartographier la pauvreté, d’évaluer l’impact réel des politiques publiques ou même de comprendre les comportements des ménages. On discute, on théorise, on communique, mais on ne diagnostique pas.

Prenons l’exemple de l’emploi des jeunes. Tout le monde en parle, tout le monde s’en inquiète. Mais qu’en sait-on vraiment ? Où sont les chiffres par province, par genre, par niveau de diplôme ? Où sont les données longitudinales pour comprendre les trajectoires ? De la même manière, les politiques ciblées en faveur des femmes rurales ou des jeunes NEET (ni en emploi, ni en études, ni en formation) reposent sur des estimations générales, pas sur une analyse fine du terrain.

Le Maroc ne manque pas de talents pour analyser, modéliser, proposer. Il manque de données ouvertes. Il manque de volonté politique pour passer d’un gouvernement de la parole à une gouvernance de la preuve. Le Data Act marocain est encore à l’état embryonnaire. Nos institutions n’ont pas intégré que la donnée publique n’appartient pas à l’État mais aux citoyens. Il est temps de rendre open by default les résultats détaillés des enquêtes publiques, dans des formats exploitables, interopérables, sans justificatifs à fournir pour y accéder.

Dans une démocratie moderne, la transparence ne se limite pas aux déclarations d’intention. Elle se mesure à la disponibilité de la donnée brute. Car sans données ouvertes, pas de contrôle citoyen. Et sans contrôle, pas de progrès.

Certains diront que libérer les micro-données, c’est ouvrir la boîte de Pandore. C’est risquer la mauvaise interprétation, la manipulation, l’instrumentalisation politique. D’autres ajouteront que les capacités d’analyse au sein de la société civile sont encore trop faibles pour exploiter ces données de manière utile. Peut-être. Mais à quoi bon protéger un trésor si personne ne sait qu’il existe ? Mieux vaut une transparence imparfaite qu’une opacité organisée.

open data Maroc, micro données statistiques, transparence gouvernementale Maroc, données publiques Maroc, HCP données ouvertes, gouvernance basée sur les données, accès à l'information Maroc, réforme des politiques publiques Maroc, statistiques sociales Maroc, open data Afrique




Mardi 22 Avril 2025


Billet | Chroniqueurs invités | Experts invités | Quartier libre | Chroniques Vidéo | Replay vidéo & podcast outdoor


Bannière Réseaux Sociaux


Bannière Lodj DJ

Avertissement : Les textes publiés sous l’appellation « Quartier libre » ou « Chroniqueurs invités » ou “Coup de cœur” ou "Communiqué de presse" doivent être conformes à toutes les exigences mentionnées ci-dessous.

1-L’objectif de l’ODJ est de d’offrir un espace d’expression libre aux internautes en général et des confrères invités (avec leurs accords) sur des sujets de leur choix, pourvu que les textes présentés soient conformes à la charte de l’ODJ.

2-Cet espace est modéré  par les membres de la rédaction de lodj.ma, qui conjointement assureront la publication des tribunes et leur conformité à la charte de l’ODJ

3-L’ensemble des écrits publiés dans cette rubrique relève de l’entière responsabilité de leur(s) auteur(s).la rédaction de lodj.ma ne saurait être tenue responsable du contenu de ces tribunes.

4-Nous n’accepterons pas de publier des propos ayant un contenu diffamatoire, menaçant, abusif, obscène, ou tout autre contenu qui pourrait transgresser la loi.

5-Tout propos raciste, sexiste, ou portant atteinte à quelqu’un à cause de sa religion, son origine, son genre ou son orientation sexuelle ne sera pas retenu pour publication et sera refusé.

Toute forme de plagiat est également à proscrire.

 








Inscription à la newsletter

Plus d'informations sur cette page : https://www.lodj.ma/CGU_a46.html