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Par Naim Kamal
Cette dernière précision de Farhan Haq va de soi, mais la vraie interrogation reste pourquoi Staffan de Mistura a choisi de ressortir des oubliettes une solution vielle de près d’un quart de siècle, initialement soufflée en 2001 par l’ancien président algérien Abdelaziz Bouteflika à James Baker, alors envoyé personnel du secrétaire général de l’ONU. Pour rappel, Baker est, à l’époque, la figure de proue d’un clan incarné après lui par des hommes politiques américains tels que John Bolton, conseiller, pendant moins de deux ans (2018-2019), à la sécurité nationale sous l’administration Trump, et Christopher Ross, ancien ambassadeur des États-Unis à Algern devenu envoyé personnel de l’ONU pour le Sahara entre 2009 et 2017.
Flagrant délit de contradiction
L’Algérie, malgré son discours de défense du « droit des peuples à l’autodétermination », a été alors prise par cette « suggestion » en flagrant délit de contradiction avec elle-même. Face au refus catégorique du Maroc d'accepter toute atteinte à l’intégrité de son territoire, et aux effets secondaires de sa mauvaise bonne idée sur ses soutiens diplomatiques et ceux de son proxy, Alger a fini par rétropédaler.
La tentative de relancer une ancienne incongrue solution si elle étonné nombre d’observateurs, elle n'a pas surpris le Maroc. La plus haute autorité du pays, le Roi Mohammed VI, anticipant ce qu’il allait survenir, a réaffirmé fermement la position marocaine dans un discours exclusivement consacré à la question et adressé aux élus du peuple, quelques jours avant le brief de de Mistura au Conseil de sécurité.
Ses intentions, Staffan De Mistura ne les a pas vraiment dissimulées. Lors de sa visite à Laayoune, le 5 septembre 2023, il avait rencontré les élus de la région ainsi que divers représentants de la population locale, ce qu’il a omis arbitrairement d’indiquer dans son brief. Et déjà, au cours de cette réunion, il a posé une question intrigante : « Peut-on imaginer une autre solution que celles déjà connues ? ». Cette interrogation a mis la puce à l’oreille de tous, et son voyage en janvier 2024 à Pretoria, en Afrique du Sud, a signé une volonté manifeste de faire dévier le processus de résolution soutenu par le Conseil de sécurité, de sa voie. Au profit et pour le compte de qui ? A un moment où le plan d’autonomie proposé par le Maroc semble prendre son envol, la question mérite d’être posée ?
Les intentions de de Mistura étaient particulièrement connu de la diplomatie marocaine. Lors de ses premières rencontres avec le ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita, en 2022 et 2023, de Mistura avait tenté à chaque fois de sonder la position du Maroc sur ce sujet. Et à chaque fois, Rabat a répondu avec la même fermeté, réitérant les trois fondamentaux de sa politique : ‘’Pas de processus en dehors du cadre des tables rondes définies par l’ONU, avec la pleine participation de l’Algérie. Pas de solution en dehors de l’Initiative Marocaine d’Autonomie. Pas de processus crédible tant que le cessez-le-feu est violé quotidiennement par les milices du Polisario’’.
Cependant, la manœuvre la plus insidieuse de Staffan de Mistura, avant son éventuel retrait de sa mission dans quelques jours ou dans quelques mois, n’est pas tant sa piqure de rappel à la partition. Car en cherchant à ressusciter en louvoyant une proposition aussi caduque qu’irréalisable, il a également essayé de remettre en question la teneur du plan d’autonomie marocain. Ce plan, concession majeure de la part du Maroc sur l’autel de la paix et la stabilité de la région, De Mistura a voulu le présenter comme incomplet et inachevé, bien que le document soumis par Rabat aborde en détail tous les aspects de l’autonomie proposée.
Il y a toutefois un bon coté des choses : La stratégie de de Mistura, de sa nomination jusqu’à sa tentative de relancer sans avoir l’air d’y toucher la proposition de partition, révèle à nouveaux, même à ceux qui se refusent à le voir, le véritable dessein de l’Algérie dans ce dossier : établir un simulacre d’état à sa main, même sur une portion du Sahara, qui aurait l’avantage pour elle de lui permettre un accès stratégique à l’océan Atlantique et isolerait le Maroc de son prolongement africain.
Rédigé par Naim Kamal sur Quid