Un jour, un vieux fellah a levé les yeux vers l’Atlantique et s’est dit : « Toi, tu nous inondes pas, mais tu pourrais peut-être nous irriguer. » Et c’est ainsi que naquit l’idée, ou plutôt le mythe moderne, du dessalement agricole. Aujourd’hui, au SIAM 2025, cette idée a pris racine dans les politiques publiques, les discours ministériels et les PowerPoints phosphorescents.
Le Maroc, pays où le ciel se fait de plus en plus discret, se tourne vers la mer pour faire pousser ses salades. Le projet pilote de Chtouka a ouvert la voie : des tuyaux géants, de l’eau transformée par osmose inverse, et des hectares de maraîchage qui renaissent. Génial ? Sur le papier, oui. Sur le terrain, c’est plus… salé.
Le dessalement, c’est l’art de convertir une eau impropre en espoir liquide. C’est aussi une énergie folle pour extraire quelques gouttes. L’agriculture irriguée s’en réjouit, les nappes phréatiques respirent un peu, mais à quel prix ? Le coût au mètre cube reste élevé. Et plus encore, le coût écologique d’une technologie qui consomme beaucoup d’énergie, et parfois, beaucoup de naïveté.
Les experts se succèdent sur les estrades du SIAM, expliquant les mérites des membranes, des cycles inversés et des PPP. Et ils ont raison : technologiquement, c’est brillant. Stratégiquement, c’est nécessaire. Symboliquement, c’est fort. Une nation qui boit la mer pour nourrir sa terre, ça a de l’allure. Mais n’est-ce pas aussi une fuite en avant ? Une béquille technologique pour une fracture hydrique qu’on ne veut pas soigner en profondeur ?
La vraie question, celle qui dérange, reste : va-t-on produire toujours plus là où il y a toujours moins d’eau, quitte à créer une dépendance énergétique aussi forte qu’hydrique ?
L’avocat du diable : le mirage de la mer
À force de boire la mer, on oublie peut-être de regarder le ciel. Le dessalement, c’est parfois l’excuse parfaite pour ne pas changer nos pratiques agricoles. Continuer à cultiver des avocats dans le désert ? Allons-y, il suffit de pomper un peu plus fort. On applaudit des hectares irrigués au prix d’un modèle intensif énergivore, déconnecté du rythme naturel des territoires. Et pendant ce temps, où est la sobriété ? Où sont les politiques de réduction de la demande ? L’eau dessalée est-elle une solution ou un alibi ?